Dépasser la grogne

Portrait du dernier Français des Loups.

A l’image de son équipe, Claude-Arnaud Rivenet est en progrès. Pas fringant. Simplement en progrès. Face au Lierse, La Louvière a offert un sursaut d’orgueil de bon aloi. Il y avait de l’entrain sur le terrain. De la bonne volonté. Beaucoup de détermination. Notamment dans les duels. Par contre, le manque de perçant demeure évident. Malgré un duo offensif formé de Ouédec et Missé Missé, soutenu de près par Buelinckx à gauche, Rivenet à droite, les Loups éprouvèrent toutes les peines du monde à se forger une occasion réelle. Le longiligne français a disputé une heure sur un bon rythme avant d’être suppléé par un Luciano Djim qui apporta fraîcheur et vivacité.

« Je râle parce que nous devons remporter des rencontres de ce type », constatait Claude-Arnaud Rivenet. « Maintenant, il est vrai que nous n’avons pas le droit de nous montrer plus déçus qu’au GBA où à Genk. Ici, il y a des points positifs à relever. D’abord, nous avons stoppé l’hémorragie. Sans encaisser le moindre but. Ensuite, l’ensemble a prouvé qu’il tenait à se racheter. Malheureusement, cela reste insuffisant ». Concernant sa production personnelle, il reconnaissait: « Je ne suis pas content de moi. Physiquement, je ne jouis pas encore de la plénitude de mes moyens. Or, je suis venu à La Louvière dans le but d’apporter ce que je peux offrir de meilleur ».

Justement, pourquoi avez-vous quitté Amiens alors que vous restiez sur une finale de Coupe de France et un titre de champion en D3?

Claude-Arnaud Rivenet: On m’a laissé sur le carreau. Arrivé en fin de contrat je n’ai pas eu le loisir de refuser une proposition. Celle-ci n’est jamais venue. Je suis resté perplexe. Personne ne m’a dit clairement que l’on ne voulait plus de moi. La direction du club m’a abandonné sans nouvelle. Mes copains étaient reçus les uns après les autres. J’attendais. En vain.

Le formidable parcours réalisé par Amiens a dû attirer les regards dans votre direction?

Pas la moindre approche. Mis devant l’obligation de m’inscrire au stage des chômeurs. Alors que certains équipiers partaient pour plusieurs millions, j’étais sans emploi. Curieux, non?

Chômeur à Clairefontaine

Un problème avec l’entraîneur, le président?

Non. Parfois des accrochages. Comme partout. Guère davantage. Rien de rédhibitoire. Cela reste un mystère. Je le ressens toujours à la façon d’une injustice. Amiens s’est montré lâche et petit à mon égard.

Etre chômeur, c’est toujours très dur. De quelle manière avez-vous vécu ce statut dégradant?

La différence entre nous et les autres travailleurs concerne la condition physique. Impensable de se laisser aller. Faut être prêt à passer un test. Et à le réussir. A cet égard, le stage est une initiative extraordinaire. Il favorise l’entraînement dans des conditions exceptionnelles! Nous sommes réunis à Clairefontaine, le Centre National pendant un mois, en juillet. La reprise, programmée à la même date que dans les clubs, permet de vivre une préparation quasi normale. Je dis quasi, car dans notre cas, on insiste moins sur le foncier, de manière à nous amener rapidement en forme. Plusieurs matches sont programmés. Je pense avoir disputé une demi-douzaine de rencontres sur ce laps de temps. En outre, cette disponibilité maintient une activité normale. Avec ce que cela suppose d’horaires à respecter, de contraintes disciplinaires, etc. Nous sommes dirigés par des entraîneurs placés dans une position identique à la nôtre. Ainsi, cette saison, nous avons notamment ouvré sous les ordres de Parizon.

Par contre, à l’issue de cette période, quand le problème ne se décante, c’est bonjour l’angoisse?

Absolument. On se dit -Et maintenant? Nécessaire de s’entraîner seul. Ou se mettre à la recherche d’un club acceptant votre présence au sein du groupe.

Heureusement, vous bénéficiez d’indemnités de chômage.

Elles rapportent 57% net, donc non-imposable, du dernier salaire brut. Une belle poire pour la soif. Cette planche de salut assure une transition. Seulement une transition car, le salaire suit une courbe dégressive. Après un trimestre, 7% sont amputés mensuellement. Attention, c’est bien! Toutefois insuffisant pour effacer la blessure psychologique et assurer la pérennité d’un foyer. J’ai deux enfants, je dois veiller à leur bien-être.

Compter sur le milieu?

On vous sent marqué par cette épreuve.

Je tente pourtant de retenir le positif. Finalement, je devrais remercier Amiens. Grâce à l’incorrection de ce club, je me retrouve en D1, avec un contrat supérieur à ceux qu’offrent les pensionnaires de la D2 française. Enfin, une expérience pareille endurcit. L’ayant vécue, je peux vous dire que je ferai tout pour ne pas retourner dans ce purgatoire. Non! Plus jamais.

Etonnant: vous sortez du Stade de France la tête haute et quinze jours plus tard, vous êtes à la rue!

Cela exprime clairement une double évidence. Primo, tout bascule vite. Rien n’est acquis. Deuzio, tel est le milieu du foot. Ingrat. Egoïste. Peu à attendre des autres. Seulement compter sur soi-même.

Heureusement, arrive l’offre de La Louvière.

Daniel Leclercq maintenait le contact avec mon agent. Apprenant que je jouissais d’une totale liberté, il m’a invité à venir. Voilà!

Que saviez-vous du championnat de Belgique? De votre nouvel employeur?

Connaissance de la compétition: nulle! Par contre, La Louvière ne constituait pas une inconnue. Je vais vous surprendre: je suis souvent venu dans la région. J’ai même assisté à des rencontres des Loups. Ainsi, je jouissais de divers points de repère. Je savais où je tombais, visualisant le Tivoli, le quartier, l’environnement général… J’ai milité à Gueugnon avec Fred Tilman. Nous conservons le contact depuis cinq ans. Lorsqu’il est revenu, je lui ai rendu diverses visites.

Tilmant n’a rien compris…

Vous l’avez averti de votre arrivée?

J’ai ménagé le suspens. Un journaliste, annonçant mon test, a commis une faute d’orthographe en mentionnant Ravenet en lieu et place de Rivenet. Le franc de Tilmant n’est pas tombé. Le vendredi soir, soit la veille du test, je l’appelle de mon hôtel, à Mons. Je lui dis -Fred, on peut se voir, ce soir? Stupéfait, il me demande où je suis. Je réponds -A Mons et dans la foulée, j’indique que nous allons jouer ensemble le lendemain. Scié, le Fred!

Vous accédez à l’élite à l’âge de 29 ans. C’était le moment manifestement.

J’en suis conscient. Mon contrat porte sur un an avec option. Je dois consentir le nécessaire afin de rebondir.

Le moins que l’on puisse dire est que vous avez raté vos débuts.

Impossible de le nier. Ce qui m’a le plus surpris, c’est la qualité de nos adversaires. J’ignore si le GBA était en état de grâce lors de notre visite. Cela étant, quelle belle formation. Tout comme Genk. Anderlecht, je savais à quoi m’en tenir…

L’attaquant que vous êtes va être jugé rapidement si cherchez trop longtemps le chemin des filets. Or, le climat actuel ne favorise guère une acclimatation harmonieuse.

Faut faire abstraction de tout cela. Quel que soit le problème, il se réglera sur le terrain. Si les résultats sont au rendez-vous, les crises s’aplanissent. Les malentendus deviennent plus simples à cerner. L’enchaînement positif provoque des solutions.

Mais une bonne ambiance amène également les victoires…

Je veux dire: évitons de nous réfugier derrière une période de basse conjoncture. La grogne n’excuse nullement les 8 buts encaissés à Anvers. Explique moins encore que nous ayons été inexistants à Genk. Le problème se situe dans la tête. Trouver l’aplomb. Se rendre compte que nous avons les moyens de bien vivre. J’espère que ce nul contre le Lierse servira de déclic. A défaut d’un succès attendu, nous quittons néanmoins la lanterne rouge.

Votre prochain déplacement n’a rien d’un cadeau.

Nous nous rendons à Bruges. Faudra bien un jour que nous gagnions en déplacement! Pourquoi pas là?

Daniel Renard

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