« Demol s’est fragilisé »

Mis au banc des accusés suite au départ du coach de Charleroi, le rugueux milieu de terrain carolo donne (enfin) sa version des faits.

Faites entrer l’accusé. Samedi 17 heures, au lendemain de l’insipide prestation de Charleroi face à Gand, Adlène Guédioura nous rencontre dans un grand hôtel bruxellois en compagnie de son manager, John Bico. Après avoir été régulièrement catalogué (en caricaturant) premier responsable des malaises zébrés, le joueur français nous fait part de ses vérités. Décontracté et détendu, il répond à toutes les questions,… y compris celles concernant l’ex-coach du Sporting de Charleroi.

Revenons d’abord sur les événements proches et la rencontre face à Gand. Comment expliquer ce non-match ?

Adlène Guédioura : Je ne sais pas. Pourtant, on avait vraiment tous à c£ur de prendre très au sérieux ce match contre Gand. On savait que c’était une rencontre charnière. Malheureusement, le premier but a fait l’effet d’un coup de massue. Après, on a perdu le fil du match.

Vous sembliez totalement désorganisés, les écarts entre les lignes étaient énormes, les duels perdus, etc. Comment expliquer une telle prestation, une semaine après celle à Zulte Waregem, autrement meilleure ?

On était amorphe. On n’était pas dans notre match. Pourtant, on avait bien préparé la rencontre, le groupe était prêt. Après, le pourquoi du comment, c’est difficile à dire. Je crois qu’on est aujourd’hui dans une période de transition. L’absence de match ce week-end va nous être bénéfique. Par contre, parler de crise comme j’ai pu le lire, c’est bien trop prématuré.

On entend sans cesse que ce noyau a de la qualité, qu’il possède des éléments talentueux, etc. Ne se voile-t-on pas la face au vu des résultats des dernières années ?

Franchement, non. Si on se base sur les joueurs, on peut clairement viser les six premières places. Malheureusement, trop souvent, on n’a pas su gérer les matches comme on le devrait. Le contexte actuel est ce qu’il est : un peu difficile, tendu. Mais j’ai la nette impression qu’on a tous envie de relever la tête…

Le fait d’être sur le banc vendredi dernier, ça ne vous frustre pas ?

Non. L’équipe avait réalisé une belle prestation face à Zulte, pourquoi dès lors chambouler l’effectif ? Quand je suis monté à la mi-temps, j’ai essayé de montrer que j’avais l’envie, la détermination, même si ce fut loin d’être parfait.

 » Je n’ai jamais cherché à polémiquer « 

Dans le contexte actuel, avez-vous peur que le public vous prenne en grippe ?

Non, pas du tout. Le public a vu tous mes matches et sait très bien que je ne triche jamais. Au contraire. De toute façon, si on commence à avoir peur de ça, il faut changer de métier.

Alors que vous étiez capitaine l’an dernier, certains vous ont présenté cette saison comme la pomme pourrie du vestiaire et comme une des causes du départ de Demol. Pourquoi ne pas avoir donné plus tôt votre version des choses ?

Je ne cherche pas à polémiquer et à raconter ce qui se passe dans le vestiaire. Le faire, ce serait sortir de mon rôle. Stephane Demol n’a pas respecté deux règles : l’une qui crée la cohésion dans toute vie de groupe, à savoir que le linge sale se lave en famille ; et l’autre, fondamentale quand on est un salarié, à savoir que le patron a toujours raison. En faisant cela, il s’est tiré une balle dans chaque jambe. Qu’il assume pour une fois. Beaucoup me disent que je sors grandide cette situation car je n’ai jamais cherché à polémiquer avec lui dans la presse et, surtout, car je n’ai jamais triché sur le terrain. Aujourd’hui, je jubile même ; je suis resté calme dans la tempête et la vérité est rétablie.

Même quand on lit un peu partout  » l’affaire Guédioura  » pour expliquer les raisons du clash avec Demol ?

D’abord, il n’y a jamais eu d' » affaire Guédioura « . Faut pas tourner autour du pot. Demol restait sur un 2 sur 15 et voyant le calendrier chargé arriver (Zulte Waregem, Gand, Bruges et Mouscron intercalé), il a préféré se tirer que se faire virer. Pour Demol, j’étais un alibi. Il cachait ses mauvais résultats par des prétendus conflits. Il a confirmé son manque d’honnêteté en pliant bagages le jour du match. Ce n’était pas avant, ni après, mais le jour même ! En France, en Allemagne, en Italie ou en Turquie, un cas de ce genre n’a jamais dû exister. Le plus grave, et il le dit lui-même (ça n’a rien d’un scoop), c’est qu’il a envoyé un sms à deux joueurs et à la direction. Les joueurs l’ont appelé en retour pour lui demander de s’adresser au groupe, de s’expliquer. Il ne l’a pas fait… Il y a quand même un problème !

Les supporters ont donné, face à Gand, l’impression d’être derrière Demol, de comprendre sa démission ?

Non, je ne crois pas. S’ils avaient été derrière lui à 100 %, ils auraient fait comprendre leur ras-le-bol bien plus durement. Les langues qui se sont déliées la semaine dernière ont permis aux gens de se faire, enfin, une idée du personnage…

Vous n’avez pas peur de voir, vous aussi, votre image ternie ? A Courtrai déjà, on vous présentait comme un joueur difficilement gérable.

Bien au contraire, plusieurs personnes du monde du foot m’ont félicité pour avoir gardé mon calme au lieu d’entretenir la polémique et pour avoir continué à jouer à fond pour mon équipe. Le plus important reste le sentiment de votre employeur, de vos coéquipiers et des employeurs potentiels. L’extérieur peut penser ce qu’il veut. Et puis, ni Jésus ni Mahomet n’ont fait l’unanimité ; alors ce n’est pas Adlène Guédioura qui va la faire.

Mais comment expliquer qu’à Courtrai, votre relation avec le coach était déjà tendue ?

Faites votre travail. Appelez donc Vanhaezebrouck ou le président Allijns au lieu de colporter des ragots. Si elle était tendue comme vous le dites, pourquoi aurais-je joué tous les matches en entier à l’exception des fois où j’étais blessé ? Dire que ça se passait mal, c’est de la désinformation. Hein Vanhaezebrouck comptait énormément sur moi et me faisait d’ailleurs évoluer à plusieurs postes, sur un même match. À Roulers et à Gand, il m’est même arrivé de jouer à quatre postes. S’il ne comptait pas sur moi, je ne pense pas que cela aurait été le cas. Et humainement, je n’avais pas de problème. Quand on s’est rendu à Genk cette saison, c’est lui qui s’est déplacé pour me saluer et me serrer la main et ça m’a fait plaisir.

Et pourquoi avoir quitté Courtrai pour Charleroi l’an dernier alors que le Sporting était derrière au classement ?

Au vu du classement du premier tour de la saison dernière, on peut juger ce transfert un peu idiot de ma part. Courtrai réalisait un bon premier tour tandis que Charleroi était en crise, venait de licencier Thierry Siquet, etc. Après coup, on peut me donner raison puisqu’on était fin de saison devant Courtrai. Et puis, j’ai pu jouer numéro 6, ma meilleure place, alors qu’à Courtrai, ce n’était pas tout le temps le cas.

Le début de ses problèmes avec Demol

Et cette histoire de  » revalidation sportive « , c’était quoi ?

Une revalidation sportive ( il rit).

Et on fait quoi pendant une revalidation sportive ?

On se revalide ( il rit).

Après s’être accroché avec Majid Oulmers ?

C’était un accrochage comme il en existe dans tous les clubs. Ici, on en a parlé car les médias étaient présents ce jour-là. Mais des bagarres, il y en avait avant. Et Charleroi n’est pas seul dans le cas. Pour être très clair, il fallait prendre de la distance par rapport aux événements. Logiquement, ce qui se passe dans le vestiaire reste dans le vestiaire. Mais quand vous avez un coach qui entretient les fuites, ça ne peut que créer des embrouilles entre les gens. A partir de là, la relation de confiance, elle est fichue. Au lieu de créer une famille – même si en foot, on sait que c’est un leurre -, il a préféré essayer de monter les joueurs contre moi car, je le répète, il avait besoin de créer un évènement qui cache son bilan. Mais ça n’a pas marché…

C’est court comme explication…

Vous imaginez Ariel Jacobs ou Michel Preud’homme assassiner leurs joueurs dans la presse ? Et je n’étais pas le seul : Oulmers, Cordaro, Chakouri et même Orlando en ont aussi pris pour leur grade au début de championnat.

Vos problèmes avec Demol débutent comment ?

J’ai manqué deux entraînements. Deux décrassages. La première fois, j’étais en Algérie, la deuxième fois en Espagne, deux endroits où j’ai de la famille. A chaque fois, j’ai prévenu Demol par téléphone la veille, pour lui dire que je ne pourrais pas être sur le terrain. Car vous le savez, dans la vie, il y a des choses plus graves que le football. Mais ce que je n’avale pas, c’est que Demol se permette par après de dire qu’il n’a jamais été prévenu de mon absence. Entre parenthèses, lui, en trois mois, a manqué sept entraînements. La deuxième fois, j’ai été honnête, je lui ai dit que j’avais loupé mon avion, je n’ai pas cherché d’excuse. Aurais-je dû mentir ? Après, je lis dans les journaux qu’il ne sait pas où je suis alors que je l’ai appelé plusieurs fois pour le prévenir ! Moi je respecte le groupe. C’est primordial de se dire les choses en face et pas dans la presse. Je prends l’exemple de Ben Arfa. Il avait loupé un avion qui devait le ramener de Tunisie, plus ou moins à la même période que moi, et a manqué l’entraînement avec l’OM. À la presse, Deschamps a parlé d’impondérable et a géré le problème en interne. Pas devant la presse. Qui a raison ? Demol ou Deschamps ?

Et pourquoi avait-il aussi bonne presse ?

Parce que les journalistes aiment qu’on vous flatte. Dans son communiqué, il a tenu à remercier la presse et les supporters de Charleroi, mais a juste oublié de saluer ses joueurs et son président. Evidemment que pour la presse, il était du pain bénit. Je me rappelle un article où l’on racontait mon retour, heure par heure ; où Demol en plein entraînement vient s’adresser à la presse. Vous imaginez un autre coach faire ça ? Vous pensez que Bölöni ou Deschamps viennent tuyauter la presse en plein entraînement ? Tant mieux pour les journalistes… Et pour ajouter de l’huile sur le feu, il dit : – Je ne voulais pas qu’il revienne, mais je me plie à la décision. Aujourd’hui, avec sa sortie haute en couleurs, il s’est dévoilé.

Sportivement, on a quand même vu de bonnes choses sous Demol. Je pense au Standard, à Genk, etc…

Quand je monte sur un terrain, je ne pense pas à ma relation avec l’entraîneur. Je pense à remporter le match, voilà tout.

Les joueurs ne donnaient toutefois pas l’impression de lâcher leur entraîneur…

Il y a une seule réalité : c’est le bilan comptable. Quand tu fais 2 sur 15 et qu’arrive un programme chargé, tu sens que la guillotine est proche. Il a donc préféré partir comme un seigneur mais pour ça, il aurait dû démissionner après le match. Lui, il se barre le matin. Il s’est fragilisé lui-même. La presse préfère le défendre, parler de ses problèmes de santé,… comme quand il loupait les entraînements. Son principal problème, tout le monde le connaît. Et après il se permet de balancer dans la presse que tu n’es pas pro. Tu as juste envie de lui dire de balayer devant sa porte… Demol a fait 12 clubs dans sa carrière de joueur. Mis à part Anderlecht où il a été formé et le Standard où il est resté deux ans, il n’est jamais resté plus d’une saison dans les dix autres. Et parmi les huit clubs qu’il a entraînés, je parle comme T1, dans aucun, il n’est jamais resté plus d’une saison. Ça, je ne le lis pas dans la presse.

NB : Sport/Foot Magazine a très souvent appelé Stéphane Demol pour qu’il explicite son départ et le confronter aux déclarations de Guédioura mais il n’a jamais décroché ou répondu aux messages.

par thomas bricmont / photos reporters

« Demol restait sur un 2 sur 15. Il a préféré se tirer que se faire virer. »

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