Demain la F1

Il est l’un des favoris des World Séries Nissan, ce dimanche à Zolder.

Les World Series by Nissan font étape ce week-end à Zolder. Notre compatriote Bas Leinders compte parmi les favoris de ce championnat qu’il a terminé troisième la saison dernière. Le public belge attend un exploit du Limbourgeois désormais exilé en Espagne.

Vous disputez pour la deuxième année les World Séries by Nissan. Mais rêvez-vous toujours de GP?

Bas Leinders: Je ne parlerai pas de rêve car pour moi, ce mot laisse entendre que l’objectif est inaccessible, et tel n’est pas le cas. Disons que je travaille pour arriver en Formule 1; je me sens prêt à affronter ce challenge. Demain, après-demain, la saison prochaine… ou jamais.

Vous avez failli effectuer vos débuts, l’an dernier…

Exact. Au GP de Belgique, tout était en place pour que je pilote une Arrows. Je disposais du budget nécessaire et j’étais décidé à frapper un grand coup sur ce tracé que je connais bien. Mais le team devait payer la facture pour ses moteurs et là, tout a capoté. Peut-être cette épreuve aurait-elle changé le cours de ma carrière? Je pouvais y réussir un bon truc et attirer l’attention du paddock F1. Cependant, avec des si, il y aurait beaucoup de champions du monde.

« Le Belge est trop modeste »

Ne ressentez-vous pas une pointe d’amertume quand vous constatez les efforts déployés depuis quelques mois par le RACB en faveur des jeunes?

Si j’avais bénéficié des mêmes facilités, je piloterais une Formule 1 à l’heure actuelle. En étant repris sous le pavillon d’un grand constructeur comme Renault, j’aurais grimpé les échelons plus rapidement sans devoir passer par la Formule Ford, l’Opel Lotus, le championnat allemand de F3, etc. Le constat est le même en ce qui concerne Marlboro qui a arrêté de soutenir les jeunes pistards belges au moment où je commençais à faire parler de moi. Le cigarettier avait investi sur des gars qui ne gagnaient pluset dès lors, il a préféré se tourner vers le rallye. Si j’avais intégré la filière des rouge et blanc, j’aurais peut-être eu droit à un test chez McLaren ou à une saison en F3000 dans un bon contexte. C’est de l’histoire ancienne et je ne me prends pas la tête: je suis très fier de mon parcours!

On vous sent habité d’une énorme confiance en vous, qui passe aux yeux de certains pour de l’arrogance…

Eh bien, ils ne me connaissent pas! Je suis toujours à l’écoute des autres, de ceux qui peuvent m’apprendre quelque chose et me permettre de progresser vers mes objectifs. J’assimile ce qu’ils me disent et je suis plus fort. Tenez, dès l’âge de six ans, je me suis lancé dans le karaté car déjà, je voulais me connaître à fond pour mieux me maîtriser et travailler mes points faibles. J’ai toujours suivi cette démarche et une fois encore, j’ai tout lieu de me montrer satisfait du chemin parcouru. Si certains prennent ma confiance pour de l’arrogance, ils sont à côté de la plaque. Leur réaction est typiquement belge: nous rechignons à mettre nos qualités en valeur, nous demeurons trop modestes et hésitons à bomber le torse face aux étrangers. Dieu sait pourtant si nous n’avons pas à rougir de nos résultats, que ce soit en sport -regardez Kim et Justine, les cyclistes, les motocrossmen- ou dans d’autres domaines comme la science, l’art, que sais-je encore…

Votre titre de champion de Belgique 2001 est purement honorifique?

Je le prends comme une reconnaissance. Mais j’ai réussi une saison 2002 trois fois plus convaincante que la précédente, sans être couronné champion.

Vous avez choisi d’habiter l’Espagne, l’Andalousie plus précisément. Est-ce à dire que vous tournez le dos à votre pays?

Rien à voir. Je cherche à être plus proche de mon team Racing Engineering qui est lui aussi basé à San Lucar de Barrameda, à une demi-heure de route du circuit de Jerez.

C’est votre première expérience du genre?

Non. A 18 ans, je m’étais établi en Grande-Bretagne pour y courir en Formule Ford, ça forge le caractère…J’ai opté pour l’Espagne après avoir tiré les leçons d’une mauvaise expérience. Il y a trois ans, je défendais les couleurs du Kid Jensen Racing, une écurie installée à une petite centaine de bornes de Londres; je n’ai pu me rendre à l’atelier aussi régulièrement que je l’espérais: une heure d’avion puis une autre grosse heure de route, c’était lourd à gérer pour l’équipe qui devait me prendre complètement en charge. Ici, en quelques minutes, je suis chez Racing Engineering et je peux discuter avec mon ingénieur et les mécanos, aller manger un morceau ensemble, bref établir des liens solides qui se répercutent favorablement sur l’ambiance de travail.

Judith et Esteban sont du voyage?

Bien entendu. Mon épouse a renoncé à son emploi en Belgique pour me suivre. Et le petit est là aussi, c’est clair.

Le fait d’être père d’un enfant de 15 mois change-t-il votre approche de la course?

Je suis encore plus rigoureux dans mon métier, car j’ai une famille à entretenir; je dois donc signer de bons résultats pour garder mon rang. Quelle que soit la discipline, je veux gagner. Souvenez-vous le récent New Race Festival à Zolder, j’inaugurais la série des « pilotes sans visage » au volant de la Clio n°13; j’affrontais les meilleurs spécialistes de la petite Renault mais je voulais être devant et j’ai remporté la première manche avant de me faire sortir dans la seconde… Une chose est donc sûre: la naissance d’Esteban n’a en rien diminué ma hargne. Le jour où je lèverai le pied en songeant à ma famille, il sera temps de changer de métier.

Précisément, vous êtes un pro total.

Je me suis toujours considéré comme pilote professionnel car je n’investis pas d’argent de ma poche pour m’aligner en course et je n’en dois à personne. Néanmoins, je ne peux pas encore vivre comme un sportif de haut niveau: pas question d’acheter une belle auto, encore moins une maison. Disons qu’à 28 ans, je progresse…Une course particulière?

Vous disputez pour la deuxième année les World Series by Nissan. Vous visez le long terme dans cette compétition?

Je crois dur comme fer à l’avenir de cette discipline: d’ici deux ou trois ans, elle aura son existence propre, un peu à l’image du CART américain, et cessera d’être toujours envisagée en fonction de la F1. Les dirigeants des Series vont lancer à l’horizon 2005 des voitures encore plus puissantes -environ 700 CV contre 465 actuellement- et donc très spectaculaires.

Plus question donc d' »antichambre des GP »?

Mais non, puisque la référence à la Formule 1 n’aura aucune raison d’être. Ce rôle restera l’apanage de la F3000 ou du nouveau championnat Renault V6. En performances, la future monoplace Nissan sera très proche d’une F1 et le passage de l’une à l’autre sera facile.

Zolder, devant votre public, c’est une course spéciale?

Le fait de rouler en Belgique ne change pas grand-chose. J’imagine l’impact qu’aurait une victoire pour mes proches et mes supporters mais personnellement, je n’attache pas une importance particulière à ce rendez-vous. La connaissance des lieux m’avantagera durant les premiers essais libres, le temps que mes rivaux trouvent leurs marques. Ensuite, vous pouvez faire confiance aux Frank Montagny, Marc Gene, Enrique Bernoldi et autres Stéphane Sarazin pour me mener la vie très dure.

Eric Faure

« Ceux qui prennent ma confiance pour de l’arrogance sont à côté de la plaque »

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