Delangre F.C.

A défaut d’avoir brillé offensivement, le Sporting a rassuré son entraîneur au niveau de la volonté et de la solidarité.

Samedi, 21h50. Le coup de sifflet final de l’excellent arbitre Johan Verbist vient de retentir et Etienne Delangre frappe dans la main de ses adjoints. Pour l’entraîneur du Sporting, ce partage blanc arraché face au champion de Belgique s’assimile à une petite victoire. On n’a pas assisté à un grand match, mais on a retrouvé des Zèbres solidaires et animés d’une grande volonté de bien faire, qui n’ont pas encaissé de but face à la meilleure attaque du pays (18 buts en cinq matches jusque-là). Dans les circonstances présentes, c’était l’essentiel. On ne se remet pas du jour au lendemain d’un camouflet comme le 6-0 encaissé à Mouscron. Forcément, une telle déconvenue laisse des traces dans les esprits, qu’il faut effacer progressivement. Une première étape a été franchie samedi. Elle permettra de travailler plus en profondeur dans la voie du redressement au cours des jours qui viennent.

« Je serai totalement rassuré lorsque nous aurons remporté une première victoire », admet Etienne Delangre. « Car seuls les trois points nous permettront de nous donner un peu d’air par rapport aux autres équipes de bas de classement ». Et, dans cette optique, le programme immédiat n’est pas des plus réjouissants, puisque dès ce vendredi, c’est Anderlecht qui se produira au stade du Pays de Charleroi. « Un match du même tonneau que contre Genk ». Avant un déplacement à Mons et la venue de Bruges.

On sera aussi davantage rassuré sur les ressources mentales des Zèbres lorsqu’ils auront réussi à surmonter un coup dur, sous la forme d’un but encaissé. Un cas de figure qui ne s’est pas produit samedi.

« En fin de match, quelques fautes de concentration – peut-être dues à la fatigue – auraient pu nous coûter cher », reconnaît Etienne Delangre. « Heureusement, un grand IstvanDudas nous a sauvés ».

En remontant mentalement une équipe plongée dans un doute profond, Etienne Delangre a peut-être négocié avec bonheur le premier virage délicat de sa carrière d’entraîneur parmi l’élite.

« Après le match de Mouscron, un gros travail psychologique a été effectué », explique-t-il. « Si un décrassage avait été organisé le dimanche, il a surtout servi à beaucoup parler. Durant le reste de la semaine, j’ai eu encore eu des discussions collectives et individuelles avec le groupe. Nous avons aussi essayé de nous changer les idées. Une séance de bowling a notamment été organisée le mardi après-midi. Mais il ne faut pas être dupe: le redressement entrevu samedi n’est pas uniquement le fruit du travail d’une semaine. Il s’inscrit dans la continuité de tout ce qui avait été réalisé depuis la reprise des entraînements, au début juillet. L’équipe a dérapé au Canonnier, pour une raison que je ne m’explique pas encore, mais la réaction de samedi a apporté un démenti à toutes les insinuations proférées. Elle a aussi apporté une réponse à ceux qui ont voulu semer la zizanie dans le groupe. Il n’y a pas de problèmes internes au Sporting. Il y a surtout un problème externe ».

Un entrejeu récupérateur

Pour affronter Genk, la défense n’avait pas été fondamentalement modifiée. Sur le plan du dispositif, le système du quatre en ligne avait été conservé. Au niveau des hommes, le seul changement intervenu était obligé puisque MohammadMahdavi était blessé. FrankDefays, auteur d’une excellente prestation, a donc glissé dans l’axe, tandis que GauthierRemacle retrouvait sa place à l’arrière droit. C’était, en fait, la défense qui avait terminé le match au Canonnier… jusqu’à l’exclusion de FabriceLokembo. « A mon grand soulagement, l’option prise s’est révélée payante », se réjouit Etienne Delangre. « C’était un risque de jouer en homme contre homme face à la division offensive extrêmement percutante des Limbourgeois. Le duo central Defays- Kargbo a muselé la paire SonckDagano. Sur les flancs, Remacle et Lokembo se sont bien débrouillés face, respectivement, à KoenDaerden et MirsadBeslija« .

C’est surtout dans l’entre jeu que du changement avait été opéré. Un peu au niveau des hommes (sur le flanc gauche, AliRezaEmamifar avait été préféré à AdrianAliaj ou ChristopherFernandez qui avait connu des problèmes physiques durant la semaine), mais surtout au niveau du dispositif. Car, si aucune mesure particulière n’avait été décidée dans le secteur arrière pour contrer Wesley Sonck et Moumouni Dagano, l’entraîneur avait pris ses précautions pour leur couper l’approvisionnement depuis le milieu du terrain. C’est ainsi que BadouKere évoluait comme une sorte de libero devant sa défense, agissant à la manière d’un essuie-glace. « Il n’avait aucun opposant direct face à lui et avait pour mission d’empêcher les infiltrations afin d’éviter que la défense ne prenne l’eau. Il s’est parfaitement acquitté de sa tâche », estime Etienne Delangre.

GrégoryDufer et DaryuoshYazdani occupaient une position plus centrale, devant lui. Leur rôle était de limiter le rayonnement de JosipSkoko et BerndThijs. Quant à AlexandreKolotilko, il avait abandonné son rôle d’attaquant pour se poster sur le flanc droit. A charge pour lui de contrarier les montées de MarcoIngrao, mais pas seulement. « J’estimais que, s’il y avait une possibilité de surprendre la défense de Genk, c’était précisément sur ce flanc », explique Etienne Delangre. « Cette possibilité n’a pas été suffisamment exploitée ».

Offensivement, le Sporting s’est en effet montré fort discret. La relance fut souvent approximative, et devant, les Zèbres manquèrent de percussion. Les joueurs offensifs avaient sans doute laissé trop d’influx dans leur travail de récupération. Par rapport au match de Mouscron, où le laissez aller était de rigueur, cela démontre déjà un progrès. Même si le spectateur neutre a eu l’impression de voir une équipe carolo crispée, craintive et défensive. Ce qu’Etienne Delangre ne nie pas. « Nous avons effectivement joué moins haut que d’habitude. En perte de balle, j’avais demandé à mes joueurs offensifs de se regrouper au niveau de la ligne médiane. Je ne voulais pas adopter une attitude suicidaire. Il fallait éviter de se jeter dans la gueule du loup ».

La parole à la défense

Après s’être remis d’un KO, on ne repart pas d’emblée au combat en sifflotant, d’un pas guilleret. Ce que confirme Frank Defays: « L’important, dans un premier temps, était de retrouver confiance. Cela ne pouvait pas se faire en un jour. Les entraînements de la semaine ont été basés sur l’aspect ludique. Autant la dégelée de Mouscron avait laissé des traces les premiers jours, autant j’ai eu l’impression que nous récupérions progressivement nos esprits par la suite. Un gros travail mental a été effectué. Il fallait se mettre en tête que ce 6-0 du Canonnier, aussi dur soit-il à accepter, ne nous a coûté que trois points. Il n’hypothèque donc pas notre avenir. Pour notre retour à la compétition, il fallait d’abord éviter un nouveau KO. Face à la force de frappe la plus impressionnante du pays, nous nous sommes rassurés au niveau défensif. J’ai toujours du mal à comprendre ce qui s’est passé à Mouscron. Nous avons rencontré un problème de positionnement très étrange, car l’organisation avait précisément constitué notre force lors des sorties précédentes. L’équipe était bien en place… jusqu’au déplacement dans la cité des Hurlus, où des erreurs monstrueuses ont été commises. Cette dégelée n’est hélas pas un fait unique dans l’histoire du club. Ces dernières années, il y a eu un 7-2 à Anderlecht, un 1-7 contre St-Trond. Le Sporting est devenu coutumier du fait. La plupart du temps, il s’en est remis. D’une certaine manière, cette constatation est encourageante ».

Après la débâcle de Mouscron, un problème de communicationa été évoqué.

« C’est vrai que peu de joueurs donnent de la voix sur le terrain », admet Frank Defays. J’ai encore évoqué le problème avec TonyHerreman, récemment. La saison dernière, il y avait lui, MiklosLendvai et moi qui se faisaient entendre. C’est peu ».

Et, depuis lors, ce nombre a encore diminué: Miklos Lendvai est en rééducation à Capbreton et Tony Herreman doit temporairement se contenter d’une place sur le banc.

« C’est encore trop tôt pour qu’il puisse briguer une place de titulaire », estime Etienne Delangre. « Il a été opéré des ligaments croisés la saison dernière. Il a sans doute rejoué trop vite, cinq mois après son opération, lors du déplacement à Malines. Avant la venue du Standard, il a ressenti une gêne au mollet. Pour l’instant, il manque de rythme. Je conçois que, pour lui, le statut de réserviste est dur à accepter. A 33 ans, c’est la première blessure grave qu’il encourt durant sa carrière. Et il voit aujourd’hui un jeune gamin de 19 ans à sa place… » Son heure sonnera sans doute lorsque Fabrice Lokembo sera suspendu pour son exclusion à Mouscron.

Pour l’instant, il n’y a donc plus que Frank Defays pour donner des directives.

« En tant que capitaine, c’est mon rôle », poursuit-il. « Ce n’est pas toujours facile, car on ne sait pas comment c’est perçu dans le chef des joueurs. Certains sont réceptifs, d’autres pas ».

Un avis partagé par Gauthier Remacle: « Dans toute communication, il y a un émetteur et un récepteur. Si beaucoup de joueurs hésitent à donner de la voix, c’est aussi parce qu’ils ont l’impression que leurs partenaires n’acceptent pas les remarques ou ne les écoutent pas. Personnellement, cela ne me dérange pas d’être tancé. Pour autant, évidemment, qu’il s’agisse de remarques constructives et pas de critiques gratuites. Que l’on me dise: – Gauthier, place-toi plus à droite et tiens ton homme de plus près!, pas de problèmes. Je sais, alors, que je pourrai à mon tour fustiger mon partenaire lorsque je constate un manquement. Evidemment, si l’on me traite de petit c…, c’est différent ».

« Aux Pays-Bas, le coaching entre joueurs sur le terrain est entré dans les moeurs », constate Tony Herreman. « En Belgique, la moindre remarque est souvent mal perçue. Or, parler est très important dans une équipe ». Le problème de la langue, par contre, est réfuté. « La plupart des étrangers sont chez nous depuis un certain temps. Ils ont appris les mots essentiels du langage du football ».

Un geste envers l’entraîneur

« Ce point pris contre Genk nous a au moins permis de nous extraire d’une spirale négative », se réjouit Gauthier Remacle, heureux d’avoir retrouvé une place de titulaire à l’arrière droit. « C’était nécessaire car la suite du programme s’annonce ardu. Il faudra se bouger les fesses ( sic). C’est d’ailleurs la moindre des choses que l’on puisse attendre d’un footballeur. Dans un sport collectif, lorsqu’on ne donne pas le maximum, on joue avec l’argent des autres. Or, si l’on est maître de ses deniers, on n’a pas le droit de gaspiller ceux d’autrui ».

Le Bastognard n’a pas trouvé les entraînements fort différents de ceux auxquels il avait été soumis depuis le début de la saison. « Etienne Delangre a beaucoup insisté sur la notion de collectivité, mais ce n’est pas nouveau: il l’a toujours fait. A juste titre: le SC Charleroi, ce n’est pas le FC Defays, le FC Dufer ou le FC Remacle ».

Tony Herreman, de son côté, a remarqué qu’une grosse attention avait été portée au positionnement des joueurs. « Etienne Delangre n’a pas hésité à interrompre le déroulement de certaines phases lorsqu’il constatait des erreursà ce niveau. C’est une bonne manière pour corriger les défauts. Toutefois, il faut faire une différence entre les entraînements et les matches. Durant la semaine, tout se passe généralement très bien, car chacun sait qu’une erreur ne porterait pas à conséquence. En match, par contre, la notion de stress intervient et tout devient beaucoup plus difficile. L’entraîneur peut élaborer les meilleures théories du monde, si les joueurs ne respectent pas les consignes, il est impuissant ».

« Entre Etienne Delangre et le groupe, il n’y a jamais eu aucun problème », tient à préciser Frank Defays. « Les joueurs ont toujours été à 100% derrière l’entraîneur ». Après le match de Mouscron, d’aucuns avaient été jusqu’à parler de sabotage. « Il faut arrêter avec ces insinuations gratuites », s’insurge le capitaine. « Si j’avais constaté la moindre anomalie à ce niveau, j’aurais réagi immédiatement. Je l’aurais fait pour n’importe qui, même pour une personne que je n’apprécie pas. Ce qui, je m’empresse de le souligner, n’est nullement le cas d’Etienne Delangre ». Et de conclure: « La direction avait déjà réaffirmé son soutien envers l’entraîneur durant la semaine. Si le groupe voulait, à son tour, poser un geste fort envers lui, il se devait de réagir sur le terrain ».

Ce qu’il a fait samedi, au moins sur le plan de la volonté.

Daniel Devos

« Maintenant, il faudra se bouger les fesses » (Gauthier Remacle)

« S’il y avait eu sabotage, j’aurais réagi » (Frank Defays)

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