Dégâts des os

Déclassé jadis pour raisons médicales au Lierse, le portier des Coalisés est toujours là à 38 ans. Et pas près de décrocher.

En principe, Patrick Nys aurait dû se contenter d’un simple rôle de stand-by, comme gardien, au stade Edmond Machtens cette saison. Mais une moindre passe de Michaël Cordier, durant l’automne, a incité Albert Cartier à relancer le doyen des footballeurs de l’élite dans le grand bain. Non sans succès car papy, comme on le surnomme affectueusement au FC Brussels, a toujours bon pied bon £il. Au point d’y envisager une prolongation de contrat. Pas mal pour un portier qui, la trentaine tout juste entamée, avait été déclassé au Lierse en raison de genoux en piteux état !

Le Brussels avait entamé la saison par un 10 sur 12 avant de rentrer progressivement dans le rang. Au deuxième tour, l’équipe a débuté par un 8 sur 12 avant de trébucher à nouveau. Doit-on craindre un remake ?

Patrick Nys : Non. Le contexte a changé : forts des résultats encourageants engrangés à l’entame du championnat, certains s’étaient mis à planer. Quelques-uns, manifestement, ont alors pensé qu’il suffirait de paraître pour s’imposer. Fâcheuse erreur, évidemment. Car le Brussels a toujours tiré sa force de vertus comme le travail, l’abnégation, le sens du devoir et du sacrifice. Il a fallu du temps, au départ, pour que chacun, surtout les jeunes, s’imprègne de cette réalité. A présent, il y a moins de chances de retomber dans les mêmes travers. Car ceux qui se sont ajoutés, à l’occasion du mercato, sont autant de chevronnés qui ont les pieds bien sur terre. L’équipe a gagné aussi en stabilité. Tout au long de l’été et de l’automne, je ne me souviens pas que le Brussels ait aligné trois fois de rang la même défense. Pas seulement en ce qui me concerne en remplacement de Michaël Cordier, mais également pour des garçons comme Christ Bruno, Steve Colpaert ou encore Zoltan Petö. Ces derniers temps, nous avons déjà évolué à l’une ou l’autre reprise avec la même arrière-garde. Du coup, l’assise a quand même gagné en stabilité.

S’arracher en toutes circonstances

Pourtant, vous avez trois buts récemment contre le Germinal Beerschot d’abord, puis face au Standard…

Il faut comparer ce qui est comparable. Intrinsèquement, nous ne sommes pas du niveau de ces formations. Pour je ne sais quelle raison, les Anversois ne sont manifestement pas classés à une position reflétant leur valeur réelle. Devant Bruges, ils viennent en tout cas de prouver qu’ils peuvent prétendre à une place nettement plus enviable. Si Jurgen Cavens et François Sterchele avaient d’emblée pu accorder leurs violons, les Mauves seraient aujourd’hui des candidats à un ticket européen. Quant au Standard, c’est le team qui m’a, de loin, le plus impressionné cette année. Mais c’est vrai que nous lui avions quelque peu facilité la tâche ce soir-là. Je pense que, parmi les nouveaux venus, certains ont été surpris. Nos recrues françaises, notamment, qui croyaient que devant un opposant de qualité, au jeu plus élaboré, il y aurait également moyen, chez nous, de proposer une réplique plus fluide. Mais les joueurs liégeois ont allié immédiatement la technique et l’engagement, alors que nous en sommes restés au premier stade. Lors du debriefing, l’entraîneur a d’ailleurs mis l’accent sur cet aspect : – Ici, il convient d’abord de s’arracher, en toutes circonstances, avant toute autre considération. A mon sens, le message est bien passé. L’équipe en a d’ailleurs montré un petit aperçu en prenant une unité méritée à Westerlo.

Après son but égalisateur, Christ Bruno avait couru vers Albert Cartier en hurlant -C’est pour toi. Vous aviez une dette envers l’entraîneur ?

Tout à fait. Si la claque au Kiel était un accident de parcours face à une équipe qui avait précisément choisi de se réveiller contre nous, l’absence de répondant contre les Liégeois lui était restée en travers de la gorge. Il avait le sentiment d’avoir été lâché et il pouvait très difficilement l’admettre. Même si je suis convaincu que le club aurait de toute façon poursuivi sa route avec lui en cas de résultat non favorable en Campine, il s’agissait tout de même d’envoyer un signal très fort non seulement vers le président, Johan Vermeersch, mais aussi vers le coach. Ce n’est pas que je veuille lui frotter la manche. A 38 ans bien sonnés, ma carrière est faite et ce n’est pas un bon mot ou une louange qui va changer grand-chose pour moi. Mais je n’ai jamais connu un meilleur mentor. C’est quelqu’un qui vit le football à 200 %. Et qui présente la panoplie complète du bon coach : il sait mettre ses hommes en condition, peaufiner un système et y apporter les modifications nécessaires en cours de match, au besoin. Plus que tout autre, il sent parfaitement ses hommes, aussi, et trouve toujours les mots justes pour qu’ils se subliment. Sa force, c’est qu’il réussit à faire passer son message auprès de ceux qui commencent la partie mais aussi chez les substituts. Ce n’est pas donné à tout le monde. Il est rare qu’un entraîneur fasse l’unanimité. Cartier est de ceux-là. Chez nous, titulaires ou réservistes, personne n’a envie de le perdre. Je pense que la direction l’a bien compris.

Logan Bailly est le meilleur

Logiquement, vous auriez dû prendre du recul cette saison mais vous êtes redevenu titulaire. L’appétit est-il revenu en mangeant ?

Incontestablement. J’ai un regret d’avoir annoncé un peu trop tôt que je mettais ma carrière en veilleuse. Le chirurgien qui m’avait opéré autrefois aux genoux, Toon Claes, m’avait dit de me modérer, contrairement à Louis Kinnen, le médecin et vice-président du club qui, lui, avait soutenu qu’une saison de plus ou de moins ne changerait rien, pour moi, en matière d’arthrose ( il rit). Aujourd’hui, je ne suis pas mécontent d’avoir persévéré. Je pense avoir démontré que j’ai toujours le niveau. A l’une ou l’autre occasion, j’ai contribué à la conquête d’un ou de plusieurs points précieux. Je songe, notamment, à notre dernier match en déplacement à Westerlo. Mon but, à présent, est de persévérer et d’aider le club à assurer sa pérennité. Dans un autre registre, je veux continuer à seconder Michaël. Je suis et reste son premier supporter, même si nous sommes en concurrence. Mika arrivera, c’est sûr. Mais, dans une carrière, il y a des épreuves à subir. Le tout est de se ressaisir et de repartir du bon pied. Personnellement, j’ai rarement vu un garçon accuser à ce point le coup après que l’entraîneur lui eut signifié, avant le derby contre Anderlecht, qu’il m’accordait la préférence. Il faut pouvoir reprendre le dessus très rapidement. Ce sentiment de révolte, je ne l’ai pas détecté directement chez lui. Il était sous le choc. Maintenant, cela va beaucoup mieux. Il montre clairement qu’il faut à nouveau composer avec lui. Ce feu-là, je l’attendais plus tôt. A ce niveau, mon protégé peut s’inspirer de moi. Car j’ai beau approcher de la quarantaine, je peste et rage toujours. Et je tiens toujours à transgresser mes limites. Contre Anderlecht, il m’a manqué deux centimètres pour détourner le rétro de Mémé Tchité. Le lendemain, à l’entraînement, je me rappelle avoir demandé à Michel Piersoul ce qu’il me conseillait de faire pour gommer cet écart. Il n’est jamais trop tard pour apprendre.

Michaël est jeune, au même titre que Logan Bailly et Glenn Verbauwhede. Pensez-vous qu’ils marcheront un jour sur les traces des anciens comme Filip De Wilde, Danny Verlinden ou Ronny Gaspercic ?

Il est trop tôt pour le dire. La différence, c’est que tous ces anciens se sont imposés très jeunes : Filip De Wilde à Beveren, Danny Verlinden au Lierse et Ronny Gaspercic à Winterslag. Je me demande quand même dans quelle mesure Mika et Glenn Verbauwhede n’ont pas fait le grand saut trop tôt. Le Brugeois, malgré ses immenses qualités, est quand même barré par Stijn Stijnen, qui n’accuse que quelques années de plus et Mika a affaire à moi, qui lui rend la vie dure. La seule exception concerne Logan Bailly, qui a su faire son trou au Racing Genk. A mes yeux, il est tout simplement le meilleur en Belgique actuellement parce qu’il est complet. Faites le tour et vous remarquerez que la plupart des keepers, en Belgique, excellent par leur jeu sur leur ligne. C’est le cas de Daniel Zitka à Anderlecht ou de Frédéric Herpoel à La Gantoise. Mais quels sont ceux qui peuvent se targuer de faire le ménage dans le trafic aérien ? Je m’y hasarde quelquefois, mais ce n’est pas ma spécialité. Le seul qui maîtrise réellement cet aspect, c’est Bailly. S’il persévère, il est bien parti pour devenir un tout grand.

Jamais aussi relax

Que peut-on encore attendre de Patrick Nys ?

Sûrement plus de serment d’ivrogne ( il rit). J’ai dit une fois que j’allais prendre du recul mais on ne m’y reprendra plus. Pour le moment, je me sens très bien. Je n’ai jamais été aussi relax entre les perches, malgré la situation difficile du club. Dès lors, j’attends. Je suis en fin de contrat et je verrai bien ce que les dirigeants me proposent. Je croise les doigts.

C’est ce que vous faites aussi au moment de monter sur le terrain ?

Je suis croyant. Chaque semaine, j’essaie d’aller à la messe. Et il n’y a pas que Patrick Ogunsoto à aller à Montaigu ( il rit). La semaine passée, je m’y suis rendu en pèlerinage aussi.

Pour qui priez-vous ?

Pour moi, pour les miens, pour des tiers. Il y a quelques jours à peine, mon fils a perdu un copain de 21 ans. En ma qualité de pompier, la souffrance et la mort ne sont jamais loin non plus… Et en principe, je ne devrais pas être là, à vous accorder cette interview. Et pour cause, car au cours de ma période lierroise, en 1999-00, j’ai été déclassé par l’antenne médicale du club. J’avais les genoux soi-disant en compote. Mais je n’ai jamais voulu me montrer vaincu et j’ai encore vécu quelques belles années, à Genclerbirligi d’abord, puis au Brussels. Et je ne suis pas encore près de décrocher…

par bruno govers- photo : reporters / vander eecken

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