Défense de fer

Bruno Govers

Les Tunisiens sont invaincus en phase éliminatoire.

Pour la première fois en 40 années de présence aux éliminatoires de la Coupe du Monde, la Tunisie a réussi la passe de deux en phase finale. Avant son accession au Mondial 98, il fallait remonter au Mundial argentin de 78 pour retrouver la trace des Aigles de Carthage. Cette seconde accession d’affilée était attendue logiquement, compte tenu de l’opposition au sein du groupe D des éliminatoires africaines, où les adversaires de la Tunisie avaient pour noms la Mauritanie, Madagascar, les 2 Congo et la Côte d’Ivoire.

« C’était autrement jouable que le groupe C, qui regroupait le Maroc, le Sénégal, l’Egypte, l’Algérie et la Namibie, pour ne citer que cet exemple », dit Jameleddine Khadri, de l’ Agence Tunis-Afrique Presse, à Tunis. « Pour nous, il importait surtout d’éviter autant que possible les autres représentants du Maghreb car ces équipes-là ne nous ont guère porté chance par le passé. Le tirage au sort nous fut favorable car le seul ténor concernait les Eléphants ivoiriens. Mais les statistiques, précisément, nous avaient toujours été extrêmement favorables face à eux. Et cette toute bonne tradition fut maintenue ».

La Tunisie ne fit pas les choses à moitié, puisqu’en l’espace de 10 matches, elle obtint huit succès et deux partages face à la bande à Aruna Dindane justement, totalisant un actif de 28 buts pour et de 5 contre. Des données chiffrées qu’il convient toutefois de placer dans leur juste contexte car un bon tiers de cette production a été obtenu contre le très faible Congo-Brazzaville (6-0 et 0-3) et que les voisins du Congo-Kinshasa, en phase de relance, ne pesèrent pas bien lourd dans la balance non plus: (1-2 et 6-0).

« Cette belle productivité est effectivement trompeuse dans la mesure où la Tunisie est une formation à inclination résolument défensive », poursuit Jameleddine Khadri. « En réalité, contrairement aux autres qualifiés africains, qui peuvent tabler sur des attaquants hors-pair, comme les Camerounais Samuel Eto’o et Patrick Mboma, les Sénégalais El Hadji Diouf et Khalilou Fadiga, le Sud-Africain Sean Bartlett ou le Nigerian Nwankwo Kanu, nous ne possédons pas de monstres sacrés à l’avant. Ali Zitouni et Ziad Jaziri sont de très bons joueurs, mais contrairement à tous ceux que je viens de mentionner, ces deux-là évoluent toujours au pays, même s’ils défendent les couleurs de deux équipes de pointe: l’Espérance Sportive de Tunis et l’Etoile du Sahel, qui sont avec le Club Africain et le CS Sfaxien ce qui se fait de mieux, chez nous ».

Une valse des entraîneurs

L’absence d’un buteur de haut vol n’aura pas été sans incidence sur le système de jeu des Aigles de Carthage, où la parole est accordée depuis longtemps à la défense. Afin de maîtriser tant et plus son sujet, en la matière, la fédération tunisienne n’avait pas hésité à aller chercher dans le championnat le plus cérébral d’entre tous, le Calcio, le technicien susceptible d’appliquer au mieux ce dispositif. Son choix s’était dès lors porté sur Francesco Scoglio. En fin de campagne éliminatoire, celui-ci fut relayé par le coach allemand Eckhard Krautzen, aux options défensives plus souples. Mais, au Japon, c’est un troisième mentor qui entourera la sélection: Henri Michel.

« Avec cet homme, le propos sera de trouver un meilleur mix encore sur le terrain », précise Khadri. « Ce qui est sûr, c’est que la Tunisie manque de talents, en profondeur, pour prévoir une révolution de palais. En toute logique, le nouveau sélectionneur fédéral devrait donc continuer avec le même effectif que ses devanciers.

Valeurs sûres

Elles s’articulent la plupart du temps autour de:

Chokri El Ouaer (37 ans): le meilleur gardien tunisien de tous les temps, que plus rien ni personne n’impressionne. C’est un habitué des prestations sans faille avec l’Espérance de Tunis, qu’il a menée à la finale de la Ligue des Champions d’Afrique, contre les Hearts of Oak du Ghana cette année;

Tarik Thabet (30): un latéral droit, qui fait sans relâche la navette le long de sa ligne. C’est une autre figure emblématique de l’Espérance de Tunis;

Raouf Bouzaïene (31): le pendant de Tarik Thabet à gauche. Il s’est montré à ce point inspiré tout au long de la campagne de qualification que Francesco Scoglio n’a pas hésité à l’emmener dans ses bagages à Genoa;

Kadhi Jaïdi (26): la clé de voûte de la défense. Un couvreur qui s’entend les yeux fermés avec ses stoppeurs ainsi qu’avec son complice Chokri El Ouaer, à l’Espérance de Tunis. Il crée régulièrement le surnombre au milieu grâce à de bons jaillissements;

Khaled Badra (28): un grand gabarit qui évolue dans le championnat de Turquie, à Denizlispor. Impérial de la tête, il émerge dans les airs tant en défense qu’à l’attaque;

Sami Trabelsi (33): un stopper expérimenté qui, après une saison au Qatar, à Rayyan, est revenu à son club de toujours, le CS Faxien;

Zoubeir Baya (30): le principal artisan de la qualification de ses couleurs puisqu’il prit, en tant que médian offensif, six buts à son compte lors des éliminatoires. Après avoir fourbi ses armes à l’Etoile du Sahel, il a pris la direction du SC Fribourg, où il joue depuis quatre ans;

Sirajeddine Chihi (31): le porteur d’eau de l’équipe. Un inlassable travailleur, incontournable tant à l’Espérance de Tunis qu’en équipe nationale;

Maker Kanzari (28): un demi excentré qui fait les beaux jours d’Ahly Jeddah en Arabie Saoudite;

Ali Zitouni (21): jeune attaquant, très mobile, doté d’un bon jeu de tête et d’un tir à distance appréciable. C’est l’étoile montante de l’Espérance de Tunis;

Ziad Jaziri (23): l’autre puncheur, qui défend pour sa part les intérêts de l’Etoile du Sahel. Il se fait valoir par ses qualités de remiseur et ses dribbles déroutants.

Les doublures

Parmi les autres principaux joueurs utilisés, outre ces onze-là, lors de la campagne qualificative, on relève:

les défenseurs Mounir Boukadida (34) de Waldhof Mannheim, Riad Bouazizi (28) de Bursaspor, les médians Khalis Ghodhbane (25) de l’Etoile du Sahel et Hassan Gabri de Genoa ainsi que les attaquants AdelSellimi (29) et Mehdi Ben Slimane (27) de Fribourg.

« Jusqu’à présent, en phase finale, la Tunisie n’a jamais franchi le cap du premier tour. Il y a quatre ans, dans un groupe comportant la Roumanie, la Colombie et l’Angleterre, l’opposition avait été vraiment trop forte. Cette fois, nous sommes conscients que le tirage a été un peu plus clément pour nous. Dès lors, nous croisons les doigts ».

Le calendrier de la phase finale se trouve en page 72.

Bruno Govers

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