DÉFENDRE ? PAS UNE MALADIE HONTEUSE !

En 2013, j’avais noté cette réflexion de Cor Van Den Brom avant qu’Anderlecht affronte le PSG :  » Je n’ai pas une équipe capable de défendre. Il s’agira donc de trouver la bonne formule entre notre naturel offensif et la nécessité de défendre.  » Boniment joliment formulé mais qui fait sourire tant le discours est récurrent, plus encore en début de saison comme maintenant : tout coach qui débarque craindrait de passer pour un vilain coco s’il ne s’affichait pas, aux yeux des supporters mais aussi de la presse, adepte inconditionnel du jeu offensif.

Que l’équipe soit a priori vouée aux premiers rôles ou aux derniers, le leitmotiv est : On n’a pas une équipe pour défendre… comme si tout noyau de foot était constitué de gars n’ayant que les gènes pour péter des buts, comme si tout défenseur était un attaquant naturel, triste et brimé !

Une défense peut s’avérer solide, mais il est interdit d’être défensif par conviction : j’attends toujours le coach qui se présenterait en déclarant : Je suis un inconditionnel du jeu défensif ! Impossible : une vocation offensive déclarée est un brevet de moralité. Le baratin du foot en atteste à foison : du temps de ma grand-mère, les stratèges répétaient : La meilleure défense, -c’est l’attaque !

Aujourd’hui (ça fait plus savant mais c’est kif), on parle plutôt de volonté d’aller toujours vers l’avant, et même de défendre vers l’avant : j’ai pourtant parfois l’impression, à la vue d’interminables circulations (gels ?) de ballon sans prise de risque, qu’il s’agit aussi en foot d’attaquer vers l’arrière,… formule toutefois inemployée !

Quand la presse n’est pas partisane (auquel cas elle exaltera le courage des siens, même planqués à dix devant leur gardien !), elle aussi milite pour l’offensive, le spectacle. Et si un José Mourinho lui déplaît souvent, c’est bien parce qu’il est un des rares à ne jamais se la jouer propagandiste du beau jeu.

Cynique mais pas hypocrite, le Mou : il ne s’auto-institue pas créateur de spectacle, il laisse ça à ses joueurs ! Autre chose : quand, en fin de match, un coach introduit un attaquant supplémentaire et que celui-ci met le but de la victoire, on claironnera que le dit-coach a eu un coup de génie.

Par contre, un coach ne sera jamais génial si, dominé, il introduit un défenseur supplémentaire en fin de match pour préserver un score et y parvenir : ça ne sera considéré que comme une routine, un pragmatisme… Ou encore : que de fois un débat a-t-il pour thème faut-il jouer avec deux ou trois attaquants ?… et jamais le thème faut-il jouer avec quatre ou cinq défenseurs ? !

La réalité me semble autre, le foot reste un jeu défensif : triste ou pas, les 1-0 de type Allemagne-Argentine sont infiniment plus courants que les 7-1 de type Allemagne-Brésil, il s’agit d’abord de ne pas se faire couillonner bêtement, et ensuite seulement d’essayer d’en mettre un !

Les coaches sont certes capables de fabriquer de bonnes défenses… mais ce sont surtout les bons attaquants qui fabriquent les grands coaches ! Pour preuve, soyez attentifs aux commentaires à l’issue d’un score tel qu’un 2-2, sans occasion supplémentaire lamentablement loupée : chaque coach va regretter, non pas de n’en avoir pas mis trois… mais d’en avoir pris deux, à ses yeux plus ou moins évitables !

Comme quoi tout coach, sans se l’avouer clairement, pressent qu’il possède davantage d’impact sur l’efficacité défensive des siens ! En ce sens, moi, à mon p’tit niveau provincial, je suis beaucoup moins ronchon quand je me suis fait défoncer 5-0 que quand ça n’a été que par 1-0 ou 2-1 : la tatouille empêche que s’incruste une sensation de culpabilité…

La prétention offensive est un leurre, la réalité offensive est polymorphe. Pour méditer à ce propos, je vous refile ces paroles de Roberto Martinez, coach d’Everton :  » Je suis arrivé en Angleterre avec l’idée que plus tu as le ballon, plus tu peux te créer d’occasions. Eux, ils pensaient que plus tu envoies le ballon dans la surface de réparation, plus tu as l’occasion de marquer !  »

Et je complète avec Egil Olsen, coach des grandes perfs de la Norvège/98, qui préférait même renoncer à la possession/ballon : parce que l’avoir souvent, c’était selon lui souvent prendre le risque grave de tout à coup la perdre ! Sacré Egil, ce n’est pas Pep qui l’épaterait !

Les 1-0 de type Allemagne-Argentine sont infiniment plus courants que les 7-1 de type Allemagne-Brésil.

PAR BERNARD JEUNEJEAN

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