Déçu mais pas aigri

A 28 ans, le Liégeois est en passe de quitter le RSCA. Avec un goût de trop peu aux plans sportif et financier.

Emmanuel Pirard: « En parcourant la presse, mardi passé, j’ai appris qu’Anderlecht avait proposé mes services à Malines. Je suis tombé des nues et mon manager, Didier Frenay, aussi. Ni lui, ni moi, n’avions été mis au parfum de cette situation, alors qu’elle me concernait quand même au premier degré. Je n’ai toutefois pas été surpris outre mesure. Ce n’est pas la première fois, cette saison, que je prenais connaissance d’une nouvelle, à mon propos, par l’intermédiaire des journaux. Au moment de renouer avec les entraînements, l’été dernier, c’est via ce canal que je fus avisé de mon incorporation dans le noyau B par exemple. Une simple lettre aurait pu m’en avertir, au préalable. Mais non, j’ai été mis devant le fait accompli, le jour-même de la reprise, par le coach, Aimé Anthuenis. Avant l’arrivée des joueurs, il avait pris soin de se poster au beau milieu du couloir menant aux vestiaires en indiquant à chacun sa destination: le droit pour les A et le gauche pour les autres, à savoir les jeunes et ceux qui relevaient d’une longue période d’indisponibilité comme Olivier Doll, Oleg Iachtchouk, Davy Oyen, Tristan Peersman et moi-même. En soi, il n’était peut-être pas anormal que ce quintette ne fût pas retenu dans le groupe de départ. Mais la façon de présenter les choses laissait singulièrement à désirer, c’est l’évidence même. En matière de communication, il y avait là pas mal de choses à redire. Avec le recul, je comprends d’autant mieux, aujourd’hui, pourquoi l’ex- directeur-général du club, Alain Courtois, a régulièrement soutenu que le Sporting avait encore tout à apprendre dans ce domaine. A La Louvière, les nouvelles étaient annoncées entre-quatre-z-yeux en tout cas. Et non par voie de presse.

Depuis ma relégation dans le noyau B, soi-disant temporaire à l’époque, jusqu’à la fin du premier tour, j’ai eu droit, en tout et pour tout, à un seul échange verbal avec l’une des figures de proue du RSCA. C’était le 21 décembre dernier, au lendemain du dernier match aller contre Beveren. En guise de cadeau de fin d’année, l’entraîneur-adjoint, Franky Vercauteren, nous annonça, à Davy Oyen ainsi qu’à moi-même, que compte tenu de notre âge et de nos manques de perspectives au Parc Astrid, nous avions tous les deux intérêt à nous mettre en quête d’un nouvel employeur. Personnellement, je m’attendais quelque peu à cette sentence. Suite au retrait d’Aimé Anthuenis, celui-là même qui avait chaudement recommandé ma venue à Bruxelles à l’intersaison 2000, j’étais subitement privé de mon partisan le plus acharné. Avec lui, je sais que je me serais vu octroyer une nouvelle chance, durant cette campagne, à l’image de ce qui s’était produit un an plus tôt, avant que je ne doive déclarer forfait en raison d’une pubalgie. Une seule fois, j’ai vécu d’espoir sous la coupe du nouveau coach: quand Bertrand Crasson, convaincu qu’il était grillé lui aussi, m’a souhaité bonne chance au moment où l’avenir de Mark Hendrikx au poste de back droit avait du plomb dans l’aile. Finalement, Berre l’a récupérée et ce n’était que justice, somme toute, car il n’avait jamais démérité dans ce rôle tout au long de ses années anderlechtoises. Mon heure était définitivement passée et il ne fallait pas être grand clerc pour deviner qu’elle ne sonnerait jamais plus, pour moi. Aussi m’étais-je déjà préparé mentalement à plier bagage avant que Franky Vercauteren n’exprime son point de vue et celui de la direction ».

Floué financièrement

« Avant d’informer Didier Frenay de ces propos, mon premier souci, le même jour, fut de pousser la porte du bureau de Michel Verschueren. Je pouvais comprendre que, compte tenu de mon temps de jeu limité en raison des pépins physiques que j’avais connus, le Sporting ne désire pas me conserver. C’était son bon droit, bien sûr. Mais il était exclu que je m’en aille sans demander mon reste. Or, d’un point de vue financier, le club était loin, très loin même, d’avoir honoré tous ses engagements à mon égard. Mon contrat prévoit un fixe, des primes ainsi qu’un minimum garanti. Cette dernière mesure avait été prise afin que je ne sois pas trop lésé par rapport aux autres au cas où je n’aurais guère été utilisé. Or, cette possibilité existait bel et bien puisque je débarquais au Parc Astrid à un âge relativement avancé -26 ans- et en provenance de La Louvière, qui militait en D2, de surcroît. Pour quelqu’un qui n’avait jamais tâté du football parmi l’élite, j’avais encore tout à apprendre à ce niveau. Et cette tâche n’était évidemment pas mince dans un entourage aussi huppé que celui du Sporting. En définitive, j’ai eu droit à cette fameuse somme garantie mais rien de plus. J’ai été surpris de constater, par exemple, que ma prime de victoire en championnat, au terme de la saison 2000-2001, avait été tout bonnement calculée au prorata des rencontres que j’avais disputées -cinq- et non de mes présences -vingt- sur les feuilles de match. J’ai donc perçu un montant quatre fois moindre à celui que j’aurais dû obtenir. Incroyable mais vrai: la montée avec les Loups, au printemps 2000, m’a rapporté davantage que le titre de champion avec Anderlecht douze mois plus tard. C’est complètement aberrant.

Quand j’ai exprimé mon point de vue au manager anderlechtois, il est monté sur ses grands chevaux, arguant que je n’avais nullement à me plaindre si on divisait mon salaire par les minutes que j’avais effectivement jouées pour le compte du club. C’est exact qu’un peu plus de cinq heures de jeu la première année et à peu près le double la saison passée, ne pèsent pas bien lourd dans la balance par rapport aux états de service des autres. Comparativement à ceux-là, les données chiffrées de mon contrat n’étaient pas des plus exorbitantes non plus, cela tombe sous le sens. Et puis, qu’y puis-je si la poisse s’est acharnée sur moi sous la forme de problèmes aux adducteurs. J’ai été stoppé net dans mon élan, à l’automne 2001, alors que je venais de disputer les quatre premières parties du championnat et que j’avais livré également l’intégralité des matches contre Halmstads, au troisième tour préliminaire de la Ligue des Champions, et face au Lokomotiv Moscou en poule. Pendant des semaines, alors que le club filait du mauvais coton, j’ai retardé l’échéance au prix d’infiltrations. Le 28 décembre, trois mois après mon ultime apparition, j’ai dû cependant me résoudre à l’opération. Depuis cette date, j’ai respecté scrupuleusement le programme qui m’avait été concocté. Dans ces conditions, c’est dur d’encaisser des reproches alors que j’ai le sentiment d’avoir toujours tout fait pour le club. Peut-être certains ne se sont-ils pas fait suffisamment violence. Mais moi, j’ai toujours donné le meilleur de moi-même et prêché le bon exemple, aussi bien sur le terrain qu’en dehors des grounds. Je peux regarder tout le monde dans les yeux au RSCA. Et j’en conçois une fierté certaine ».

Le maillot de Roberto Carlos

« Détrompez-vous, je ne suis pas un footballeur aigri pour le moment. Même si les derniers mois n’ont pas été drôles, le positif l’emporte de loin sur le négatif. Et, que les choses soient claires, je n’ai jamais regretté un seul instant d’avoir opté pour les Mauves. Tout avait d’ailleurs commencé comme dans un rêve, pour moi, avec ce but que j’avais d’emblée inscrit en Supercoupe face à Genk. Du coup, il n’en avait pas fallu davantage pour que je sois d’emblée adopté par le public anderlechtois. Quel contraste, en tout cas, avec l’attitude de Grenoble que m’avait réservée les supporters de Porto, quelque temps plus tard. J’avais été le premier à monter sur le terrain pour m’échauffer, au stade das Antas, et j’y fus accueilli par une bordée de coups de sifflet. Pour moi, qui n’avais jamais connu que des théâtres modestes jusqu’alors, la majesté des lieux m’impressionna au plus haut point. Mon seul regret, par rapport à cette entrée en matière, aura été de ne pas avoir pu me produire un seul instant en Ligue des Champions cette saison-là. Pourtant, il y avait de quoi rêver Manchester United, le Dynamo Kiev et le PSV Eindhoven d’abord, puis le Real Madrid, la Lazio Roma et Leeds United ensuite. J’aurais bien sûr aimé, lors du match de clôture contre les Espagnols, fouler ne fût-ce que quelques secondes la pelouse du Parc Astrid. Je me suis heureusement rattrapé par la suite, dans le vestiaire, en héritant du maillot de Roberto Carlos. Quel merveilleux souvenirpour un modeste joueur comme moi! C’est pourquoi, à l’heure des bilans, je ne suis pas déçu ou fâché. Ce que j’ai connu l’espace de quelques matches, bon nombre de footballeurs qui ont 300 rencontres à leur compteur ne l’ont pas vécu. Une seule chose me turlupine vraiment: la question de savoir quel eût été mon avenir au Parc Astrid si je n’avais pas été stoppé par cette pubalgie. Malheureusement, je ne connaîtrai sans doute jamais la réponse ».

Bruno Govers

« Ma prime de montée avec La Louvière était supérieure à celle du titre avec Anderlecht: aberrant! »

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