Déclic et des CLAQUES

Bruno Govers

Pleins feux sur le nouveau prodige belgo-congolais du Sporting.

Le RSCA n’en finit décidément plus, ces derniers temps, de sortir des jeunes mulâtres de grand talent. Après Junior, malheureusement stoppé par une blessure au genou ces derniers mois, puis Vincent Kompany en tout début de saison, c’est à présent au tour d’Anthony Vanden Borre d’être appelé en équipe fanion des Mauves.

Qui est-il ? C’est ce que nous avons voulu savoir en allant à sa rencontre la semaine passée au Parc Astrid. Un question-réponse entrelardé des commentaires de deux des entraîneurs qui l’ont formé au sein du centre de formation de Neerpede : Albert Martens et Eddy Van Daele.

Quelles réminiscences avez-vous gardées du Congo ?

Anthony Vanden Borre : Honnêtement, pas grand-chose. Nous habitions Likasi, une ville du Shaba située entre Kolwezi et Lubumbashi. Mon père y travaillait au sein de la compagnie ferroviaire locale tandis que ma mère ne chômait pas avec l’éducation de cinq enfants : ma s£ur Carine, tout d’abord, qui a 33 ans aujourd’hui, puis mes trois frères Dominique (30), Frank (28), Rudy (24) et moi-même. J’avais à peine soufflé quatre bougies lorsqu’au tout début des années 90, la famille décida de rebrousser chemin vers la Belgique, en raison de la situation instable qui s’était soudain déclarée dans l’ancien Zaïre. J’étais évidemment trop jeune pour me rappeler quoi que ce soit, contrairement à mes aînés qui ont conservé des souvenirs vivaces de cette époque. Une anecdote qui en dit long à ce sujet : quand ils ont dû plancher sur un nom d’équipe pour s’affilier au football en salle, ils se sont tournés vers Lupopo, le club des chemins de fer de Lubumbashi. Comme quoi, le passé les avait manifestement marqués.

A-t-on le football dans le sang chez les Vanden Borre ?

Pas nécessairement d’une génération à l’autre (il rit). Mon grand-père a bel et bien été joueur puis supporter de l’Union. Mais, par réaction, sans doute, son fils n’a jamais été porté sur le ballon rond. Il ne jurait que par l’athlétisme : la course à pied et le cross-country en particulier. Aujourd’hui encore, alors qu’il approche doucement de la soixantaine, mon paternel s’adonne encore tous les jours à un jogging. C’est à n’en point douter de lui que j’ai hérité de mes qualités d’endurance. Quant à ma mère, ancienne basketteuse, je lui suis vraisemblablement redevable de ma vitesse. Détail cocasse : c’est sur un terrain de basket que je me suis vraiment solidarisé au football. En face de notre lieu de résidence, à Anderlecht, il y avait et il y a d’ailleurs toujours une plaine de jeu, le Stadium, avec deux paniers reposant chacun sur un seul pilier. Pour mes compagnons d’âge et moi, cette structure faisait office de goal. Il fallait donc être adroit et viser juste pour marquer. C’est là que j’ai été remarqué par un scout du Sporting.

Touche pas à mon pote !

Albert Martens :  » J’ai eu Anthony Vanden Borre à deux reprises sous mes ordres : à neuf et 13 ans. Mais jamais d’un bout à l’autre de la saison. Il était tellement fort qu’un saut de catégorie s’imposait. Compte tenu de ses aptitudes au plan de la puissance et de la rapidité, il a toujours été utilisé avec un égal bonheur dans une position axiale : soit au centre d’une arrière-garde à trois, soit en tant que demi défensif. Au besoin, il était toutefois capable de se tirer d’affaire à n’importe quelle place. Je me rappelle fort bien un tournoi à Rennes par exemple où, face aux Girondins Bordeaux, mes joueurs étaient menés 0-3 au repos. Dans les vestiaires, j’ai dit à Anthony qu’il pouvait appuyer tant et plus la man£uvre en deuxième mi-temps. Résultat des courses, il a adressé une passe décisive, forcé un penalty et inscrit le but de l’égalisation. Ça, c’était lui tout craché : quand la situation sportive laissait à désirer, il y avait toujours moyen de compter sur lui pour renverser la vapeur. Et gare si un adversaire se plaisait à chatouiller les tibias d’un de ses partenaires. Dans ce cas, il montait au créneau pour exprimer sa façon de penser. Il a toujours eu l’âme d’un chef. Parfois, il le faisait même sentir à ses propres coéquipiers « .

Anthony Vanden Borre : C’est vrai, j’avais quelquefois tendance à être soupe au lait en fonction des événements. Je n’ai jamais supporté la défaite ou l’injustice. Aussi, quand j’avais le sentiment d’être grugé, je ne gardais jamais ma langue en poche. Au besoin, il m’est même arrivé de ne pas m’en tenir qu’à de simples paroles. Lors d’un déplacement à Genk, je me suis un jour emporté face à un opposant, au point d’y aller d’une prise de kung-fu. Avec plus de retenue que mon idole, Eric Cantona, mais quand même (il rit). J’étais tellement excédé par ce que les gens nous criaient dessus et par l’attitude de nos adversaires sur le terrain que j’ai disjoncté. Vous n’avez pas idée de la manière dont les Africains ou les mulâtres, comme Vincent Kompany et moi-même, étions de temps à autre considérés et traités à l’occasion de matches away. Vince faisait souvent preuve de retenue mais moi, j’ai pété plus d’une fois un câble. Au fil des années, j’ai néanmoins appris à me dominer. Afin de me responsabiliser tant et plus, on m’a d’ailleurs désigné plus d’une fois capitaine. Une seule fois, on m’a retiré le brassard : quand j’avais donné l’une ou l’autre claques à un gamin, Seb Michiels, qui s’était échiné à prendre ma place habituelle sous la douche. Je ne l’avais pas supporté de la part d’un nouveau venu.

Qu’est-ce qui vous attire chez Eric Cantona, au point d’avoir de lui un poster dans votre chambre ? Son côté rebelle ?

Certainement. Je me reconnais un peu en lui, dans la mesure où je n’aime pas trop, non plus, être enfermé dans un carcan. La discipline trop rigide ? Très peu pour moi. Jusqu’à l’âge de 14-15 ans, j’ai toujours vécu le football à ma façon et non comme certains voulaient me l’imposer. Pourquoi aurais-je dû aller au lit à 22 heures, la veille d’une rencontre, si c’était de toute façon pour faire partie des meilleurs le lendemain ? Idem pour la nourriture : une mitraillette ingurgitée quelques heures avant un match ne m’avait jamais empêché d’être à la hauteur sur le terrain. Je ne pigeais pas, non plus, pour quelle raison on voulait m’interdire un walkman dans le bus. Comme si le fait d’écouter du rap allait avoir un effet néfaste sur ma concentration en match. Avec moi, c’était tantôt le calme plat dans le bus, lorsque je m’assoupissais. Ou bien la jungle quand je m’amusais à mettre du pétard. Ceux qui encadraient l’équipe ne le voyaient pas toujours d’un bon £il et le faisaient savoir. Toutes ces considérations ont eu pour effet, à un moment donné, de m’inspirer un réel sentiment de ras-le-bol. Je me demandais si le jeu en valait encore vraiment la chandelle. A tel point que j’ai même songé à tout plaquer. Persévérer était-il franchement indiqué, dans ces conditions, alors que les débouchés étaient quasi nuls au Parc Astrid ? A un moment donné, je m’étais même fait la réflexion que Franky Vercauteren ne m’aimait pas, ainsi que les autres blacks, car il nous enguirlandait toujours. Aujourd’hui, je me rends compte que c’était pour notre bien. Dès lors, je suis content de ne pas avoir cédé à un coup de tête.

Kompany comme exemple

Eddy Van Daele :  » A deux reprises, nous avons été proches de la rupture. En 2002 d’abord, quand Vitesse Arnhem lui fit un appel du pied. Le club hollandais venait de mettre le grappin, à ce moment-là, sur un autre coming-man chez nos -15 : le Turc Onur Kaya. Anthony Vanden Borre s’entendait bien avec lui, tout comme il avait des atomes crochus avec deux autres jeunes, belgo-congolais comme lui : le gardien Yves Makabu-Ma-Kalambay, qui joue à Chelsea aujourd’hui, et Floribert Ngalula, le frère de Junior. A l’époque, le premier était lui aussi en partance pour le PSV Eindhoven, tandis que l’autre était en contact avec Manchester United, où il a en définitive abouti. Anthony était convaincu que s’il n’emboîtait pas leur pas, son avenir serait entouré d’un point d’interrogation à Anderlecht. Et c’est d’ailleurs en ces termes que le Standard lui fit également les yeux doux, la saison passée, arguant qu’il aurait un futur à Sclessin mais non au RSCA. Finalement, la percée de Vincent Kompany est survenue à temps et l’a incité à rester chez nous « .

Anthony Vanden Borre : Le déclic, c’est sûr, ce fut la progression incroyable de Vince ces derniers mois. Son essor m’a à la fois convaincu de rester et de mettre le maximum d’atouts de mon côté. D’autant plus que mon nom était souvent cité dans la foulée du sien. Dès l’instant où j’ai signé mon premier contrat, en octobre passé, le football a pris une toute nouvelle dimension pour moi. A partir de ce moment, c’en était fini de prendre des matches à la légère. Autrefois, c’était mon péché mignon. Je ne parvenais pas à me motiver pour des joutes sans signification. La plupart du temps, je dormais dans le bus, avec mon walkman sur la tête, en ne me réveillant qu’une fois arrivé à destination. Il n’y avait que lors des confrontations contre le Club Brugeois ou le Standard que je faisais une entorse à cette règle, entendu que ces déplacements ne s’assimilaient jamais à des parties de plaisir. Aujourd’hui, c’est différent. Je respecte les heures de sommeil ainsi qu’une hygiène alimentaire. Je ne mange plus n’importe quand et n’importe quoi, comme c’était le cas avant. Et je m’en porte nettement mieux. A présent, je veux mettre tout en £uvre pour marcher sur les traces de mes frères de couleur qui m’ont précédé au sein du noyau de première : Junior et Vincent Kompany.

Trois Belgo-Congolais, tous à inclination défensive. Un pur hasard ?

Sûrement. Nos qualités respectives l’ont voulu ainsi mais Anderlecht ne fabrique pas que des arrières ou des demis récupérateurs pour autant. La preuve : mon arrière-cousin, Jean-Baptiste Yakasongo sévit chez les û16. Et c’est un pur numéro 11. Idem pour un autre élément de même origine que nous, qui joue pour sa part une catégorie en dessous : Guy Badinbanga. Et ce n’est pas encore tout : Geoffrey Mujengui est appelé lui aussi à un bel avenir. Ce serait fabuleux, en tout cas, qu’on se retrouve à plusieurs, un jour, en équipe Première. Le pied, à terme, ce serait pour moi de former une véritable garde noire, ou plutôt café au lait, avec Vincent Kompany à mes côtés, au centre de la défense (il rit). J’ose espérer qu’il en ira ainsi un jour et que cette association durera le plus longtemps possible. Mais il faut s’en faire une raison : toutes les saisons que j’ai passées en sa compagnie chez les jeunes, il y a peu de chances de les reproduire au plus haut niveau. Vince a déjà l’embarras du choix concernant son futur. Je présume que tôt ou tard nos chemins se sépareront. Dans l’immédiat, je m’attache à savourer les moments que je partagerai avec lui sur le terrain. Partir moi-même ? Je viens à peine de débuter au plus haut niveau. Il s’agit d’abord que je fasse mes preuves à ce niveau. Après, on verra. Dans l’immédiat, je laisse à mon père le soin de gérer mon argent. Il me donne 350 euros par mois pour me débrouiller. Cela suffit amplement à mon bonheur pour le moment.

Bruno Govers

 » J’aime le côté REBELLE d’éRIC CANTONA « 

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