Début de SOURIRE

Le 9 mai, il Nenad aura 28 ans. Il devrait être au faîte de sa carrière… en principe, car il est poursuivi par le sort depuis qu’il est à Anderlecht. Une fracture du tibia lui a coûté la quasi-totalité de sa première saison dans la capitale. Il n’a été titularisé que cinq fois, il a joué 518 minutes et marqué trois buts. La saison passée, après quelques problèmes, il a été épargné par la poisse. Jestrogoal a été titularisé à 21 reprises, il a joué 1.814 minutes et marqué vingt buts.

Cette saison, le destin l’a rattrapé. Au match aller contre Wisla Cracovie, après la première journée, Jestrovic s’est blessé aux ligaments croisés et n’a retrouvé le terrain qu’en février. Depuis, il connaît des hauts et des bas. Avant le match au Lierse, il n’était dans le onze de base que pour la troisième fois cette saison et avait marqué cinq buts, dont trois sur penalty. En trois saisons, Jestrovic il a livré un peu moins de 30 matches complets…

Etes-vous définitivement revenu ?

Nenad Jestrovic : Je l’espère. Je suis de retour depuis deux mois mais j’ai connu des variations de forme. J’ai également raté deux matches à cause d’une bête carte rouge en Réserve contre Westerlo. Cela m’a valu une amende mais surtout un nouveau retard.

Quel regard portez-vous sur la saison ?

Elle a commencé en boulet de canon : deux buts contre l’Antwerp au premier match puis deux en Coupe d’Europe. L’équipe tournait bien, le moral était au zénith. On prédisait que je serais le meilleur buteur. J’y croyais puis je me suis blessé, dans un bête mouvement. Je me souviens que j’étais fatigué face à Cracovie et peut-être n’étais-je pas assez concentré. J’ai placé mon pied de travers et effectué un geste déconseillé. La fatigue, le fait de vivre sur un petit nuage…

On pense qu’il n’arrivera rien. Nous jouions tous les trois jours. La combinaison a été fatale.

Parfois. J’espère que ce n’est que l’£uvre du destin. Les blessures sont le lot d’un joueur. On ne peut rien y changer. Toutefois, les opérations, les rééducations, les doutes laissent des traces. Après deux longues blessures, il est difficile de revenir à son niveau. Je dois apprendre à oublier le passé. Jusqu’à 25 ans, j’étais invincible : jamais blessé, j’avais toujours des opportunités quand je voulais changer de club. J’étais très heureux et l’argent me filait un peu entre les doigts.

L’enfer a commencé avec cette fracture. L’été dernier, je me sentais à nouveau invincible. L’accident au genou de Goran Lovre, identique au mien, mais au match retour contre Cracovie, a été ma chance dans son malheur : j’ai eu un partenaire de rééducation. Son retour est difficile aussi. Nous en parlons souvent. Il était encore plus malheureux que moi, plus sujet à des changements d’humeur. C’est normal : Goran n’a que 21 ans. Je me demande comment j’aurais réagi à son âge. Je suis devenu plus patient, plus courageux. Jamais je n’ai douté.

Le club affirme que vous avez eu peur d’effectuer certains mouvements.

C’est exact. J’ai même envisagé de consulter un psychologue si ça ne s’améliorait pas rapidement. Mais ce n’était finalement pas nécessaire. J’en ai parlé à mon entourage et ça va déjà nettement mieux. J’ai été assailli par trop de problèmes : un home-jacking, un car-jacking, la blessure, ma femme qui a été attaquée. J’ai dû digérer trop d’événements désagréables en même temps et je dormais mal. Sur le terrain, je ne suis peut-être pas facile mais en-dehors, je suis très sentimental. Les Serbes sont sensibles. Ce sont de bons techniciens mais il leur manque souvent quelque chose, mentalement, pour atteindre le sommet. C’est pour ça que nous n’obtenons pas de bonnes performances dans les tournois.

Un jeu de champions

Qu’avez-vous pensé du jeu de votre équipe ?

Nous avons pris beaucoup de points. Le niveau n’était pas toujours bon mais nous avons souvent été efficaces. Un jeu de champions. L’année dernière, Bruges a également joué de moins bons matches. Cela n’a rien ôté à la valeur de son titre. Ces deux saisons se ressemblent beaucoup. Bruges dispute un brillant second tour comme nous il y a un an.

Mornar vous a superbement remplacé…

Si je ne m’étais pas blessé, il jouerait maintenant au Lierse et pas à Portsmouth. Il avait déjà des contacts avec Emilio Ferrera. Je suis heureux qu’il ait saisi cette chance. Sa situation le faisait souffrir ? Je l’ai soutenu dans les moments difficiles, il m’a rendu la pareille.

Il découvre que le football anglais est d’un tout autre niveau que le belge.

Je sais mais il ne faut pas sous-estimer le football belge. Nous avons prouvé en Ligue des Champions que nous étions capables d’être performants face aux équipes soi-disant supérieures. Mornar doit s’habituer aux longs ballons et aux tacles, plus durs, ainsi qu’au fait que les arbitres sont plus tolérants. Pour moi, ce ne serait pas une mauvaise chose…

Après le départ de Mornar, Aruna a eu du mal à porter le poids de l’attaque d’Anderlecht. Votre retour fait une grande différence pour lui.

Il n’est pas facile d’être attaquant au Sporting. Chaque défenseur se replie et est deux fois plus concentré. Aruna en a fait l’expérience. Il a aussi un style de jeu qui lui coûte beaucoup d’énergie. Je ne pense pas qu’on puisse exiger qu’il évolue au même niveau toute une année. Il était au fond du trou avant le match contre le Standard. Il avait des problèmes avec l’entraîneur, manquait de confiance. Je lui ai remonté le moral : il allait marquer. Regardez : en deux matches, il a inscrit deux buts.

Avant le début de la saison, il m’a demandé conseil : – Pourquoi suis-je toujours à la mauvaise place au mauvais moment ? Un avant qui tient de tels propos manque de confiance. J’ai prédit qu’il marquerait quinze buts cette saison. Sa réponse : – Non, non. Tout se passe dans la tête : pour marquer, il faut croire en ses moyens.

Pouvez-vous lui apprendre à marquer ?

Nous devrions travailler davantage la finition à l’entraînement. Aruna a besoin de ces séances spécifiques. Sur d’autres plans, je trouve que nous nous entraînons trop. J’avais plus de jours de congé en France. Mornar dit que c’est pareil en Angleterre : il n’y a jamais deux séances par jour. Ici bien. Je peux le comprendre en début de championnat mais pas maintenant. J’entraînerais différemment : une seule session, plus longue. Si je deviens entraîneur, plus tard, je procéderai ainsi.

Vous deviendrez manager, pas entraîneur.

Je le pense aussi, comme mes amis, d’ailleurs. Je parle bien.

Le public n’a pas été tendre à l’égard de ses propres joueurs. Marc Hendrikx, Michal Zewlakow et Ki-hyeon Seol ont souvent été conspués, comme Hugo Broos, à quelques reprises. Qu’en pensez-vous ?

Ceux qui achètent un billet ont le droit d’avoir leur avis et de l’exprimer. Je ne juge aucun supporter. Hugo Broos a joué un grand rôle dans ma carrière. C’est lui qui m’a convaincu de rejoindre Mouscron, ce dont je n’avais aucune envie après mes passages à Lille et à Metz. Il m’a décidé, après une longue conversation. Il travaille beaucoup et donne leur chance à ceux qui la méritent, indépendamment de leur nom et de leur réputation. Daniel Zitka est de retour, mais Tristan Peersman reste dans le but. C’est typique de Broos.

En quel sens ?

Il a pris des décisions dont je me demande si un autre entraîneur les prendrait. Le choix du gardien est un exemple, comme celui entre Glen De Boeck et Vincent Kompany. Il a lancé Anthony Vanden Borre, Pär Zetterberg a passé le plus clair de son temps sur le banc… On ne peut pas reprocher grand-chose à Broos mais tous les joueurs ne partagent pas mon avis. Ivica, par exemple, a eu des problèmes avec son approche mais en fin de compte, il a avoué qu’il le respectait beaucoup. Broos parle peu mais il dit ce qu’il faut et prend des décisions. Qu’exiger de plus d’un entraîneur ?

La question turque

Vous n’êtres pas très reconnaissant à l’égard d’Anderlecht. A peine votre nouveau contrat paraphé, vous vous lancez dans des spéculations quant à un transfert à Besiktas.

Qu’y puis-je si là-bas, la presse annonce officiellement mon transfert ? J’ai signé jusqu’en 2007 ici. Le reste n’est que spéculation. L’année dernière, j’intéressais Galatasaray et il semble que mon nom ait continué à circuler dans la région. Une clause figure dans mon nouveau contrat. Elle n’est peut-être pas très importante maintenant mais peut le devenir.

Une clause ou un prix de transfert ?

Pas de commentaire. On me connaît là-bas, ils ont mes buts sur vidéo : s’ils paient un prix juste, Anderlecht discutera avec eux. De club à club puis avec moi. Galatasaray a été rebuté par le prix. On verra ce qu’il en adviendra maintenant. Je ne crains pas de ne pas voir mon argent en Turquie : il est possible d’obtenir des garanties, auprès de la FIFA et grâce à une garantie bancaire.

Ce qui vous est arrivé à Bruxelles est-il susceptible de vous faire partir ?

Non, l’agression a laissé des traces chez ma femme mais j’essaie de séparer ces aspects. Istanbul est différent de Bruxelles mais le sportif prime. Je me sens bien ici, nous allons disputer la Ligue des Champions. D’autre part, en Turquie, un joueur est un dieu. D’ailleurs, la presse turque avait déjà annoncé que le Dieu de Belgique allait jouer pour Besiktas…

Vous sentez-vous comme un roi ici ?

Pas pour le moment.

A Mouscron, Luigi Pieroni marche sur vos traces. Est-il votre successeur ?

Il sait marquer, en tout cas. Je suis un rien meilleur techniquement, je force plus de choses mais il a un instinct réel. Il sera intéressant de voir comment il évolue.

Contre l’Allemagne, on a vu qu’un match international constituait une étape trop importante.

Je ne suis pas sûr qu’Aimé Anthuenis ait rendu service à des jeunes comme Pieroni, Jonathan Blondel ou Gregory Dufer en les alignant contre l’Allemagne. Marc Wilmots a raison de dire que certains semblaient déjà heureux de pouvoir fouler le même terrain que ces étoiles. Mais en Belgique, Pieroni joue, tire et marque sans complexes. L’essentiel maintenant est de confirmer. Restera-t-il à Mouscron ?

Cela dépendra du prix.

Deux, trois millions ? Alors, il doit peut-être rejoindre Anderlecht.

La Serbie n’a pas mal joué contre l’Allemagne et l’Angleterre. Etes-vous plus loin que les Diables Rouges, un de vos adversaires au tour préliminaire du Mondial 2006 ?

Nous affrontons bientôt l’Irlande. Le sélectionneur, qui a été mon entraîneur à Belgrade, m’a dit qu’il pensait à moi. Mateja Kezman n’est pas titulaire car il marque difficilement avec l’équipe nationale. Nous sommes forts. Le fait que nous ayons marqué contre ces deux pays est un avertissement à l’égard de la Belgique. Nous sommes 44e au classement de la FIFA mais nous ne sommes pas l’oiseau pour le chat. L’entraîneur a réalisé beaucoup d’expériences, parfois trop, mais il a maintenant un groupe de 22 joueurs à partir duquel il va travailler. Le 7 juillet, nous disputons d’ailleurs un grand tournoi au Japon.

Si vous êtes repris, vous allez rater la préparation d’Anderlecht.

Une partie mais je jouerai des matches importants… Je souffrirai peut-être moins qu’en camp d’entraînement, c’est vrai.

En bref, vous avez retrouvé le sourire. Jestrovic a de nouveau des perspectives ?

Disons que mon sourire s’élargit…

Peter T'Kint

 » Broos a pris des décisions qu’un autre NE PRENDRAIT PEUT-ÊTRE PAS. Il y a le gardien, Kompany, Zetterberg…  »

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