DE STABROEK AU BARÇA

Dans cette série consacrée au premier terrain de nos Diables Rouges, rendez-vous au Veltwyckpark d’Ekeren, où tout a commencé pour Thomas Vermaelen (30 ans), comme pour beaucoup d’autres internationaux.

« Le football ? Que non. La course à l’oie est le sport le plus populaire.  » Nous sommes au centre de Stabroek, plus précisément au café De Papegaai, où nous abordons un passant, à propos de l’ancien habitant le plus connu de ce village des polders : Thomas Vermaelen. Le Diable Rouge joue désormais à Barcelone mais ici, la popularité de cette course dépasse celle du Verminator. Du moins auprès des amateurs de ce spectacle folklorique qui existe depuis près d’un siècle. Une fois par an, les membres du club local défilent à travers le village, montés sur des chevaux de trait. L’objectif : être le premier à arracher d’une potence la tête d’une oie morte. Le vainqueur est élu roi pendant un an et est qualifié pour le Mondial de la discipline. De ce point de vue, l’ancien village de Thomas Vermaelen n’a pas changé. Le Diable Rouge a connu ce spectacle dans les années 80 et 90.

Le défenseur de Barcelone a d’abord habité Brouwersstraat, une artère sans issue à l’ombre de l’église, à un jet de pierre de la maison communale et de son école primaire Sainte-Catherine. L’agitation actuelle tranche avec la tranquillité d’antan. Stabroek est de plus en plus exposé au trafic portuaire et en plus, la chaîne néerlandaise de supermarchés Albert Heijn s’est implantée dans le quartier. Pourtant, ces deux dernières années, il n’était pas facile de rejoindre le centre du village. Suite à des travaux sur la N111 (Hoogeind-Driehoek), les 20.000 habitants de Stabroek devaient effectuer un détour par Berendrecht ou Kapellen. Beaucoup de commerces sont devenus difficiles d’accès, voire coupés du monde. Ils ont dû faire preuve de créativité pour ne pas tomber en faillite. L’un a livré à domicile, l’autre a investi dans un véhicule pour proposer ses produits sur le marché.

LES GANTS DE VANDE WALLE

Bien que Thomas Vermaelen ait grandi à Stabroek, il n’a jamais joué pour un club du village.  » Au début, on jouait surtout dans notre jardin « , raconte Wouter, son aîné de deux ans.  » On n’arrêtait pas, surtout le mercredi après-midi et le week-end, avec notre cousin Jasper.  » Le père Luc et la mère Annemie s’intéressent fort peu au football, à ce moment. Ils sont issus des scouts et gèrent une société de sanitaires. Pourtant, ils n’ont pas le choix : ils doivent s’intéresser aux matches de leurs garçons.  » Ne serait-ce que parce que l’éclairage du jardin tombait régulièrement en panne « , sourit Wouter.

Initialement, aucun indice ne laisse à penser que Thomas Vermaelen va devenir Diable Rouge.  » Au début, il était toujours dans les buts « , raconte Wouter.  » Il se débrouillait d’ailleurs très bien. A cette époque, MichelPreud’homme était le titulaire en équipe nationale et comme Thomas avait, comme lui, des cheveux bouclés, on l’appelait Preud’homme. Il a été fou de joie en recevant les gants de Philippe Vande Walle. Ils étaient évidemment beaucoup trop grands mais Thomas s’en moquait. Il les a utilisés jusqu’à ce qu’ils soient complètement usés.  »

Vande Walle est alors le gardien du Germinal Ekeren, un club que les frères Vermaelen voient souvent à l’oeuvre au petit stade Veltwyck.  » On était presque toujours dans le kop, près du fameux klaxon. Après le match, nos albums Panini sous le bras, on allait demander des autographes aux joueurs. C’était possible, ils étaient encore très abordables.  »

AU VELTWYCKPARK

Vermaelen n’est finalement pas devenu un nouveau Preud’homme ou Vande Walle mais il a quand même joué au Veltwyckpark, grâce à Walter Dingemans, son oncle maternel, qui entraînait les jeunes du Germinal Ekeren. Wouter :  » Thomas avait cinq ans quand il a débuté au Germinal, avec moi. Les entraînements se déroulaient sur le terrain B du club, le long de la Veltwycklaan.  » Le terrain existe toujours et il ne reste que lui : la petite tribune et les douches rudimentaires ont disparu depuis belle lurette. Il n’y a même plus de buts.  » C’est pareil pour le terrain A, qui est situé cent mètres plus loin dans le parc « , ajoute Wouter,  » mais là, il y a toujours des buts. A l’époque, on a disputé quelques matches dans ce stade, dans des maillots hyper rétro : verts avec des lignes jaunes et rouges.  »

Il n’a pas fallu longtemps au Germinal pour déménager les jeunes quelques kilomètres plus loin, dans le quartier Rozemaai, à l’ombre des buildings. Le club a aménagé un complexe de quatre terrains. De nos jours, il faut se donner du mal pour reconnaître l’endroit, à l’abandon.

Les frères Vermaelen jouaient bien, à l’époque où le Germinal était une pépinière de talents – Jan Vertonghen, Moussa Dembélé, Toby Alderweireld et RadjaNainggolan y sont passés. Au point de ne plus pouvoir fréquenter les scouts.  » On a fait ce choix sans la moindre pression « , précise Wouter.  » Pour nous, le football devait rester amusant et ça n’a jamais changé au fil des années. Souvent, après un match, on mettait des vêtements propres et on retournait à nouveau taper du ballon avec nos potes.  » Wouter souligne le rôle important de ses parents.  » Le fait qu’ils n’aient pas d’affinités avec le football a sans doute été utile. Ils ne nous ont jamais poussés. Ils appréciaient simplement qu’on s’amuse, sans se mettre en tête qu’on allait atteindre un niveau élevé. Attention : ils nous soutenaient et veillaient à ce qu’on arrive à temps aux entraînements et aux matches. De ce point de vue, nos grands-parents étaient très précieux aussi.  »

DANS L’OMBRE DE DEMBÉLÉ

Ceux qui connaissent un peu l’histoire des Diables Rouges du Germinal savent que c’est surtout à Moussa Dembélé qu’on prédisait un grand avenir. Il fallait être aveugle pour ne pas déceler son talent. Le cas de Vermaelen est différent. Il ne sortait pas vraiment du lot, même si on vantait l’abattage de ce gaucher, sa puissance et sa bonne technique de frappe.  » Les entraîneurs appréciaient beaucoup son caractère « , poursuit Wouter.  » C’est peut-être grâce à sa mentalité qu’il est allé aussi loin. Quand il a rejoint l’Ajax, il a eu le mal du pays mais il ne l’a montré à personne. C’est un battant et ce trait a joué un rôle crucial dans sa percée et les transferts qu’il a réalisés.  »

La position du Verminator n’a pas fait immédiatement l’unanimité. Danny Veyt, l’entraîneur, disposait notamment de Tom De Mul et de Kenny Thompson. Il postait le cadet des Vermaelen au milieu gauche ou à l’arrière gauche, en fonction de ses besoins. Ce n’est que plus tard que Thomas est devenu défenseur central.

La carrière du futur international connaît un tournant important au début du siècle. Le Germinal fusionne avec le Beerschot et la nouvelle entité conclut un accord de collaboration avec l’Ajax. Chaque année, les Amstellodamois peuvent enrôler quelques talents anversois.  » Plusieurs joueurs pouvaient faire leurs preuves à l’Ajax. Au début, Thomas n’a pas été repris. Il n’a obtenu sa chance que suite à une vague de blessés et de malades. Il a fait impression à Amsterdam car l’Ajax a immédiatement voulu l’enrôler après son test « , poursuit Wouter.

Luc et Annemie n’étaient pas enchantés à l’idée qu’un de leurs fils déménage à Amsterdam.  » Thomas n’avait encore que quinze ans mais il voulait tenter sa chance. L’Ajax avait tout réglé dans les moindres détails : une famille d’accueil, l’école… Il pouvait poursuivre ses humanités maths-sciences au même niveau et ça a convaincu nos parents. Il faut dire qu’on était un peu supporters de l’Ajax. Thomas et moi avons souvent joué avec le maillot rouge et blanc de JariLitmanen.  » Thomas Vermaelen a donc rejoint l’Ajax deux ans avant Jan Vertonghen et trois ans plus tôt que Toby Alderweireld. Il a effectué ses débuts à Amsterdam en 2004 avant d’obtenir deux gros transferts, à Arsenal puis à Barcelone.

Le Diable Rouge vit désormais en Espagne et ses parents ont déménagé à Kapellen mais Stabroek n’a pas oublié Thomas. En 2011, il a reçu un GuldenGarve, un titre d’honneur décerné aux habitants qui ont rendu le village célèbre au-delà d’Anvers. Rien de plus logique pour un footballeur qui a déjà gagné, entre autres une Coupe d’Angleterre, la Copa del Rey et le championnat des Pays-Bas.

PAR PHILIPPE CROLS – PHOTOS KOEN BAUTERS

Les parents Vermaelen n’avaient pas d’affinités avec le foot. Ils voulaient juste que leurs enfants s’amusent.

 » Thomas a fait impression à Amsterdam car l’Ajax a immédiatement voulu l’enrôler après son test  » – WOUTER VERMAELEN, SON FRÈRE

 » Enfant, Thomas jouait au goal et avait les cheveux bouclés, on l’appelait Preud’homme  » – WOUTER VERMAELEN, SON FRÈRE

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