De nulle part !

Ils sont venus de nulle part ! Et pourtant, chacun à leur manière, ils ont réussi à investir le monde fermé et hyper-protégé du football professionnel. Quand je dis  » venus de nulle part « , je veux parler bien évidemment de ceux qui n’ont eu ni la chance, ni l’opportunité – ni surtout le talent insisteront les jaloux grincheux – de fouler les pelouses de la première division. Et cependant ils sont là, entraîneurs ou dirigeants dans nos clubs de D1. Et ce ne sont pas les moins doués… que du contraire ! J’éprouve une certaine délectation à leur donner de l’importance chaque fois que l’occasion m’en est offerte. Cela fait partie de mon naturel peu conformiste, certes, mais cela peut aussi éveiller d’autres vocations chez certains qui n’osent y croire. Car la persévérance a été le moteur commun à toutes ces réussites.

Roland Louf, manager de La Louvière, est un de ceux-là ! Parachuté dans le milieu pro, avec le départ de Jean-Claude Verbist du Tivoli, il avait jusqu’alors cumulé le foot avec une vie professionnelle normale dans le marketing et les relations publiques. Régent en langues germaniques, six mois de cours lui auront suffi pour comprendre qu’il n’enseignerait jamais rien hormis peut être le foot !

Le foot, il l’avait dans la peau ! D’autant qu’il en fut sevré trop tôt dès l’âge de 18 ans : double fracture péroné-tibia et rupture des ligaments croisés. La totale ! En 1978, cela ne laissait aucun espoir de poursuivre une quelconque activité sportive en compétition. Il se tourna donc tout naturellement vers la carrière d’entraîneur avec une immense frustration à combler. Et donc une ambition décuplée. Pendant une quinzaine d’années, Roland Louf entraînera dans l’anonymat du football amateur, d’Overijse à Walhain en passant par l’Union, Wolvertem et le RJ Wavre. L’amateurisme et l’ingratitude des dirigeants finiront par l’user. Il abandonne le terrain pour s’investir dans la gestion d’un club. Et c’est aux Francs Borains qu’il fera parler de lui.

D’un club en faillite, il fera un prétendant de deuxième nationale dans un tour final où il échouera d’extrême justesse. Deux ans auparavant, il redescendait volontairement en 1re Provinciale pour mieux reconstruire sur des bases saines.

La Louvière l’engage en octobre 2001. Le club a 1 point sur 21. Le Français DanielLeclerq quitte le Tivoli et Louf cerne immédiatement le problème. Le club a besoin d’ordre et surtout de méthode ! Il engage Ariel Jacobs et on connaît la suite. La Louvière se sauvera avec 44 points. Depuis lors, la progression sportive sera constante. Les difficultés seront d’un ordre financier.

Le noyau est plus que trentenaire. Déséquilibré de surcroît. Il faut donc tout reconstruire avec moins d’argent tout en gardant une équipe compétitive. Le challenge est de taille. Deux ans plus tard, le noyau est équilibré avec deux joueurs à chaque poste, une majorité de jeunes d’une vingtaine d’années dont le potentiel de revente peut rapporter des plus-values au club et, ce qui ne gâche rien, sont pour la plupart internationaux. Klukowski, Murcy, Onyewu, Odemwingie, Ishiaku, Mamouni, il les a dénichés lui-même.

Super organisé, Louf a créé sa propre structure de travail dans un club qui n’a pas les moyens de lui en offrir une. Le président FilippoGaone dit de lui :  » Il est très fidèle, très correct, très discipliné et très dévoué… Dommage que le club ne puisse lui offrir les conditions de travail que son talent mérite. Si le club a trouvé une assise provisoire aujourd’hui, Roland y est pour beaucoup « .

Ceux qui le critiquent s’attaquent plus volontiers à son comportement social qu’à ses aptitudes professionnelles.  » Il s’y croit « , disent les uns.  » Il n’est pas assez accessible « , prétendent les autres… Roland est quelqu’un de réservé et les grandes tapes dans le dos ne feront jamais partie de son arsenal de séduction. Son humour au deuxième voire troisième degré en déstabilise plus d’un. Il ne sait pas se rendre populaire et n’essaye pas de plaire à n’importe quel prix. La seule chose qui l’intéresse, c’est l’efficacité et le sérieux dans le boulot. Mais il ne prend pas toujours assez de recul pour se changer les idées. Et comme c’est un homme intelligent et soucieux de culture, quelques heures sans foot apaiseraient sans doute le torturé cérébral et méticuleux qu’il est. Plus facile à dire qu’à faire quand on est tout seul pour accomplir le boulot de deux ou trois personnes.

par André Remy

 » Roland est quelqu’un de réservé et les grandes tapes dans le dos ne feront jamais partie de son arsenal de séduction « 

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