De Laurentiis fait un remake

21 ans après le dernier titre conquis grâce à Maradona, le président magnat du cinéma fait revivre le passé.

Depuis le début de la saison, la question tourne à la ritournelle : Naples peut-il être champion ? Si l’on regarde le niveau du championnat d’Italie où il n’y a plus une équipe largement au-dessus du lot comme dans le temps avec la Juventus ou ces dernières années avec l’Inter, la réponse coule de source : – Oui. Si !

Mais si l’on considère la manière dont Naples a géré les matches contre ses deux rivaux milanais, la réponse est : – Non. No ! Certes, les deux fois, les rencontres ont eu pour cadre San Siro mais tant contre l’Inter (défaite 3-1) que contre Milan (défaite 3-0), Naples a craqué. Le jeudi 6 janvier, il n’a pas posé de gros problème au champion en titre, qui était dirigé pour la première fois par son nouveau coach, Leonardo. Et le lundi 28 février, il n’a pas fait le poids contre Milan. Les Napolitains pourront toujours épiloguer sur le penalty accordé dès la 3e mais n’ont pas tiré une seule fois au but pendant 90 minutes. Anormal, même en l’absence du remuant EzequielLavezzi.

Conclusion en forme de raccourci : la troisième place occupée après la défaite contre Milan était celle qui décrivait le mieux l’équipe napolitaine. Mais aujourd’hui encore, le suspense reste entier et Naples a une belle carte à jouer. S’il parvient à conquérir le titre 21 ans après la glorieuse époque de Diego Maradona, ce ne sera pas seulement le fait du hasard…

On parle souvent de projet et s’il y en a un en Italie, c’est celui qu’ AurelioDeLaurentiis, exposé le 6 septembre 2004 lorsqu’il a repris le club en faillite et rétrogradé en D3. Un plan qu’il a respecté avec au moins deux ans d’avance : il a retrouvé la Serie A en 2007 alors qu’il l’entrevoyait au plus tôt pour 2009. Il fallait remonter au début des années 80 et CorradoFerlaino pour voir une personne investir autant dans le Calcio Napoli. Il y a bien sûr eu beaucoup de bla-bla mais le magnat du cinéma a toujours fait profil bas quand on l’interrogeait sur les objectifs de son club. Ne nous laissons pas prendre à cette apparente modestie. Napolitain bon teint, De Laurentiis gère son club comme ses affaires :  » Je travaille pour que 200 entrepreneurs de Naples et de Campanie collaborent afin que le club puisse remettre sa tenue de soirée après 20 ans de souffrances.  »

 » Mon parti est celui de l’action, stop « 

De Laurentiis se sent aussi à l’aise quand il présente le vendredi 25 février la sortie de Manuale d’amore 3, un film avec Monica Bellucci et Robert De Niro, que quand il organise une présentation de son équipe digne des plus grands shows hollywoodiens. Avec arrivée en bateau pour le noyau et en hélicoptère pour les nouvelles acquisitions. L’homme d’affaires prend, lui, ses distances avec les critères en vigueur en Italie. Les repères de celui qui a baptisé Napoli Soccer, la société qui a repris le club, sont américains.

Dans cet ordre d’idées, le 23 octobre 2010 a été un grand jour pour le patron des Azzurri : il a reçu le prestigieux United States-Italy Friendship Award, qui récompense chaque année une personnalité du monde de la politique, de la culture, du spectacle, de la finance ou du sport ayant £uvré pour renforcer le rapport d’amitié entre les Etats-Unis et l’Italie. En plus, le prix lui a été remis lors d’un gala organisé à Washington en présence de Barack Obama et 3.000 invités dont l’acteur DannyDe Vito auquel il a fait crier  » ForzaNapoli !  »

De Laurentiis fonce et n’hésite pas à critiquer les dirigeants de la fédération ( » J’ai dit au président GiancarloAbete qu’il fallait se mettre à table pour revoir les règles médiévales qui règlent notre foot « ). Il égratigne ses collègues ( » Silvio Berlusconi est un show-man qui achète le titre « ). Et n’épargne pas les politiciens non plus ( » Le problème est que nous sommes stoppés par la bureaucratie « ). Ça marche mais ses prises de position ne lui valent pas que des amis. Personne ne sait jusqu’à quand il pourra continuer à  » casser  » tout son monde. Certains lui prêtent même l’intention d’entrer en politique après avoir enregistré ses critiques à l’égard du ministre en charge des Biens culturels qui oublie carrément le site de Pompéi. Ce qu’il dément énergiquement :  » Je veux continuer mon travail de dirigeant d’entreprise. Mon parti est celui de l’action, stop. L’Italie ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse c’est Naples et la Campanie, même quand j’étais à l’étranger, j’ai toujours fréquenté les Napolitains parce que j’ai en moi cette napolitanité innée. Je veux garder un pied en Campanie et un autre dans les pays émergeants comme la Chine et l’Inde. J’ai le football, le cinéma et mes intérêts internationaux et je ne peux donc pas faire de la politique.  »

Marketing : un succès

Naples est un club à part : que cela aille bien ou mal, le public est présent. Avec 46.000 spectateurs de moyenne (la capacité du stade San Paolo est de 60.000 places), le club est deuxième derrière l’Inter au nombre de tickets vendus ! Cela fait du bruit en Italie où certains courants politiques colportent le cliché selon lequel les Napolitains ne travaillent pas et que c’est pour cela qu’ils ont le temps d’aller au stade.

Les chiffres sont assez révélateurs : lors de la première année de l’ère De Laurentiis, Naples en Serie C enregistrait 1.100.000 d’entrées alors que la Juventus, qui était en SerieA, n’en avait que 650.000. Cela signifie que la passion du Napolitain n’est pas liée à la division dans laquelle son club évolue. Son équipe constitue vraiment une échappatoire à tous les problèmes qu’il vit. Car Naples, c’est vraiment une ville où les soucis sont plus nombreux qu’ailleurs : le problème des immondices, pas du tout réglé, n’est pas le seul. Ce n’est donc pas un hasard si la société bolognaise Macron, qui produit l’équipement technique, est le sponsor principal du club et que Lete, la firme napolitaine productrice d’eau, n’a pas hésité à s’associer dès le départ au projet Calcio Napoli et à ouvrir toujours plus son portefeuille pour voir son sigle figurer sur les maillots.

A Naples, il y a donc moyen d’effectuer un gigantesque business grâce à l’emblème du Calcio Napoli. Et cela explique pourquoi le responsable du marketing, Alessandro Formisano, est le bras droit de De Laurentiis. On le voit régulièrement à côté du président, qui lui a demandé de créer une marque Naples en s’inspirant de ce qui se fait de mieux en Europe. Des accords ont été signés avec 60 sponsors, qui ont la licence pour produire 500 objets colorés de bleu. Grâce au site web, en un an, Naples a vendu 15.000 produits, principalement des maillots de joueurs, des cravates, des chronos, des scooters Aprilia, des casques moto AGV, des téléphones Nokia, des lunettes solaires Polaroid mais également de l’eau de toilette Marek ( Hamsik). Aujourd’hui, les rentrées de sponsoring et de licence représentent 25 % du bilan du club mais les potentialités sont énormes puisque Naples peut compter sur 5 millions de tifosi en Italie, dont 70 % en Campanie, et 7 millions dans le monde.

Equipe construite pièce par pièce

De Laurentiis a toujours raisonné chiffres en main. Il a toujours voulu que Naples soit une entreprise moderne avec un bilan en équilibre. Comme il a toujours décrié les montants  » indécents  » déboursés pour les transferts des joueurs, il doit se conformer à ses déclarations. Ses achats doivent donc être ciblés. Et mis à part en 2007 année de l’accession à la D1, lorsqu’il a acquis Hamsik et Lavezzi (ils sont arrivés le même jour, le 16 juillet), il ne fait qu’un gros achat par saison. Cela a été le cas durant l’été 2010 avec Edinson Cavani, qu’il a quand même payé 15 millions, un montant assez important si l’on tient compte des normes italiennes actuelles.

Si c’est vrai que les grandes équipes se construisent petit à petit, De Laurentiis est en bonne voie. Mais les bons résultats attirent l’attention au point qu’Hamsik et Lavezzi sont dans le viseur des grands clubs européens. D’ailleurs, les paris vont bon train pour savoir qui du Slovaque ou de l’Argentin va passer la Manche en premier. Difficile d’imaginer que De Laurentiis refuse les 30 millions proposés par Chelsea pour le métronome Hamsik, qu’il a acquis pour un montant six fois moindre. Et personne ne croit De Laurentiis quand il dit qu’il répondra par un pied de nez à celui qui lui proposera 50 millions pour Cavani, l’actuel meilleur buteur du championnat.

Jusqu’ici, le président a blindé à plusieurs reprises ses meilleurs éléments et a tenu bon pour mener à bien son projet à long terme. En tout cas, De Laurentiis a mis à la disposition de son coach, Walter Mazzarri, un noyau jeune et talentueux. Morgan De Sanctis (33 ans) et Hugo Campagnaro (30) sont les deux trentenaires du onze de base idéal. Avec leurs 29 ans, le capitaine Paolo Cannavaro et Andrea Dossena font figure d’anciens à côté des Hamsik (23), Cavani (24) et Lavezzi (25). En plus, tous ces joueurs sont du style rangé, mis à part Lavezzi, qui vient de se voir infliger trois matches de suspension pour avoir craché sur un adversaire. Si la direction ferme les yeux sur le comportement de l’Argentin, c’est parce qu’il est l’idole des fans qui au stade chantent  » O Pocho nous appartient « .

Mazzarri, un coach émergent

Bien qu’il ne soit pas considéré comme un bouffeur d’entraîneurs, De Laurentiis s’est séparé en mars 2009 d’ Edy Reja, en place depuis 2004 et qui a ramené le club en D1 avant d’arracher une huitième place, et de son remplaçant Roberto Donadoni en octobre 2009. On en était à la 7e journée de championnat et à ce moment-là, une seule équipe n’avait pas pris un point en déplacement : Naples, qui n’avait plus encaissé quatre défaites d’affilée à l’extérieur depuis 26 ans. Le président a perdu son calme et a embauché pour deux saisons Mazzarri dont le nom circulait avec insistance depuis quelques semaines. En 1998-1999, l’entraîneur toscan avait été l’adjoint de Renzo Ullivieri à Naples mais depuis, il avait fait pas mal de chemin. En 9 ans de carrière, il n’avait jamais été remercié et avait collectionné les bons résultats pendant trois saisons avec la Reggina, parvenant à maintenir l’équipe en 2006-2007 malgré un handicap de 11 points suite à Calciopoli. Il avait également réalisé du bon travail à la Sampdoria où il s’est révélé être le seul coach capable de gérer le fou Antonio Cassano.

Et surtout, il a l’art de faire exploser les jeunes, une qualité indéniable dans un club où la politique est de précisément de miser sur les promesses. La preuve, Naples a acquis durant le mercato d’hiver, V ictor Torre Ruiz (22 ans), un défenseur de l’Espanyol Barcelone et compte plus que jamais sur Fabiano Santacroce et JoséSosa, qui n’a pas vraiment convaincu jusqu’ici.

PAR NICOLAS RIBAUDO

Naples est un club à part : que cela aille bien ou mal,le public est présent.

Il fallait remonter au début des années 80 pour voir une personne investir autant dans le Calcio Napoli.

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