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De lainiers à Béliers

Les dettes, la faillite, la disparition. Du classique pour le CS Verviers. Relancé cette saison, le feu matricule 8 entame sa résurrection au plus bas de l’échelle. Doucement…

« Vous êtes venu voir les Arabes ?  » L’accueil à Waremme est chaleureux. Ou pas.  » Ils sont tous là « , pointe ce sexagénaire à l’entrée du stade Edmond Leburton. Un brin rieur, mais pas trop quand même. Peut-être est-il frustré de devoir manquer une partie de la finale de la Champions League. En ce 3 juin, l’intérêt change mais l’enjeu reste similaire. Au bout, un titre. Le tout neuf CS Verviers, champion de P4, affronte l’Étoile verviétoise, de quatre ans son aînée et jeune promue en P2, pour le compte de la finale de l’Ergo Cup. Soit la Coupe de la Province de Liège pour les deux derniers échelons. Un graal comme un autre. Ça promet.

50 euros le point

Maxime Degey accueille avec une chope à la main et une écharpe vert et blanc autour du cou, dans la buvette du stade waremmien. Le président trentenaire du CS Verviers a le sourire.  » Son  » club revient de loin et il le sait. La route est encore longue.  » Cette finale, ce n’est que du bonus. On a déjà fait une saison exceptionnelle pour la reprise.  » Il y a deux ans, le matricule 8 doit couler, faute de garanties financières.  » Le club a connu de gros problèmes économiques. Les joueurs n’étaient pas payés, les fournisseurs n’étaient pas payés et le trou à combler était conséquent.  »

Degey évoque des dettes qui se chiffrent en centaines de milliers d’euros. Au début de l’été 2014, via l’ASBL  » Vert et Jeune « , il reprend le  » Pano « , qui tient son surnom de son ancienne enceinte : le Panorama. L’équipe verviétoise joue alors la tête en D3.  » Quentin Sulpik m’a dit qu’il fallait qu’on reprenne le club. On est quand même une grande ville, avec un club historique. Il ne pouvait pas disparaître comme ça.  »

Avec le T2 de l’époque, le chef de file MR à Verviers fignole le projet. Ça sera ceinture et bouts de chandelle.  » L’objectif, c’était de recréer une équipe compétitive, basée sur la jeunesse « , abonde Sulpik, dont Degey est accessoirement le témoin de mariage. L’union des deux ramène un peu d’enthousiasme. En deux grosses semaines, ils recrutent des volontaires, des vrais. Leurs émoluments ? 50 euros le point et des bonnes tranches de vie. En D3, donc.

 » Au départ, j’étais pas chaud d’y aller « , rembobine Yohan Boli, libre depuis un passage mitigé à Roulers.  » Hormis tout ce qui se passait autour du club, il y avait une ambiance formidable dans l’équipe. Personne ne pensait à l’argent, c’était vraiment le plaisir de jouer ensemble.  » Mais la franche camaraderie ne subvient pas aux besoins du désormais attaquant de Saint-Trond. En janvier 2015, il s’arrange avec son président pour qu’on lui paye son loyer.

 » C’était chaud pour moi, j’avais plus rien. Je ne voulais pas en parler à ma famille. Je voulais me débrouiller tout seul, donc je faisais le maximum pour aller chercher la prime à 150 euros.  » Personnellement, le pari de Boli est réussi : 23 banderilles et un aller simple pour l’élite. Collectivement, c’est plus compliqué. Le RCSV termine dix-septième sur dix-huit.

 » On n’a pas dépensé tant d’argent que ça cette saison-là « , blague Maxime Degey, chirurgical dans la finition de sa mousse. Problème, le trou financier ne se comble pas. Les investisseurs ne se pressent pas non plus et l’entité doit déclarer faillite.

Une image de losers

Ce qui ressemble à un épilogue tragique marque plutôt l’avènement d’un retour aux sources forcé.  » J’ai moi-même été dans le bureau du président FrançoisDe Kersmaecker pour plaider notre cause. En vain « , regrette Degey, les yeux de plus en plus tournés vers le pré.  » Nous, notre priorité, c’était de sauver l’école de jeunes.  » Chose faite.

Le CS Verviers perd son attribut  » Royal « , son matricule 8 de 1896 pour en récupérer un insignifiant au look de code postal (09657). Peu importe, l’académie vit toujours. Sur 400 jeunes, 200 restent.  » Il y a un aspect social. On est le dernier club en centre-ville. Un centre qui s’est paupérisé et les jeunes ont justement besoin de jouer au foot « , continue l’ancien échevin d’une ville qui a vu grandir Paul-José Mpoku, Luis Cavanda, Clinton Mata ou Christian Kabasele.  » Verviers doit arrêter d’être la ville qui perd. Elle doit devenir la ville qui gagne. Il faut se défaire de cette image de losers.  »

L’interlude  » jeune  » du CSV dure un an, puis le club se relance en P4. Bélier sur le logo, il arrache tout sur son passage. 30 rencontres, deux défaites, un nul. 82 points, 17 d’avance. 149 buts inscrits, 26 encaissés. Une promenade de santé pour un sacre dès la mi-mars. La finale de la coupe peut couronner tout un travail de fond. À Waremme, ce 3 juin, l’ambiance tourne à la chambre.

Une simple balustrade sépare les supporters du  » Pano  » de ceux de l’Étoile, munis de drapeaux belges, turcs et marocains. Le derby se passe plutôt en tribunes pour deux équipes qui partagent les mêmes installations, à Bielmont.  » Et ils sont où les Verviétois ? « , s’amusent et s’interrogent les étoilés, dont l’un d’entre eux arbore un maillot rose floqué d’un  » polygame  » noir dans un coeur blanc.

De l’amour que reçoit sans sourciller le numéro 9 de l’Étoile, en profondeur, qui caresse le cuir au fond des filets. 1-0. C’est mal barré pour le CSV.  » L’objectif, c’est de ramener le club en P2 et déjà le stabiliser à ce niveau-là. Après, j’estime que j’aurai fait mon travail, que j’aurai remis le club à flots. On aura réussi à le sauver du néant « , recentre Degey, qui avoue cependant  » un manque d’engouement  » autour de son club, historiquement habitué aux joutes plus juteuses contre le Standard, Liège, Seraing ou son voisin du  » Skill « .

Pour Madame

Mais Verviers aime les grands retournements de situation. Les hommes de Sulpik égalisent dans les derniers instants de la partie et l’emportent finalement en prolongations (2-1). Une petite surprise et  » une grosse récompense pour tout le travail accompli. On est partis de rien, vraiment. Ce club ne pouvait pas mourir « , prophétise le coach, la tête froide, les pieds sur terre.  » Il ne faut pas non plus vouloir grandir trop vite et réitérer les erreurs de certains qui ont eu les yeux plus gros que le ventre.  » La faim mesurée de celui qui se définit comme un  » enfant verviétois  » s’incline devant une fidélité affichée fièrement. Le CSV ou rien.  » Je suis quelqu’un de très fidèle, sur le terrain comme dans la vie « , sourit-il, avant de glisser :  » Notez-le, ça me permettra de gagner des points avec madame.  » Et ceux-là, ils n’ont pas de prix.

PAR NICOLAS TAIANA – PHOTO BELGAIMAGE

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