« De la ferveur, pas de polémiques »

Le nouveau directeur général de Sclessin a adopté un style différent de celui d’Alphonse Costantin.

A 47 ans, Pierre François a déposé sa robe d’avocat du Barreau de Liège afin de revêtir le costume de directeur général du Standard. Il a découvert un bureau bien rangé où son prédécesseur, Alphonse Costantin, a visiblement soigné les dossiers qui remplissent sagement les armoires.

Pierre François s’en réjouit car cela lui fera certainement gagner du temps dans sa découverte de la cuisine interne liégeoise. Le style a changé, cela saute aux yeux mais si le ton est amical et le désir de dialogue évident, le regard cache une autorité naturelle certaine. Alphonse Costantin vivait dans sa tour d’ivoire. Pierre François partage ses idées et ses impressions. Alphonse Costantin a décidé lui-même de prendre un peu de recul. La fatigue, le poids d’une fonction très exposée à la critique? Il s’est retiré et devrait, dit-on, prendre sa pré-pension dans quelques mois. En tant qu’avocat, Pierre François travailla pour le compte du Standard durant une quinzaine d’années avant de faire le grand saut.

Il était arrivé en bord de Meuse du temps du président André Duchêne et alors que Michel Forêt occupait des fonctions importantes au Standard. Au fil des années, Pierre François remporta de belles batailles juridiques et se distingua notamment dans les dossiers délicats qui opposèrent le Standard à Dialogic ou à Frans Van Rooy, ce dernier étant défendu par la star des avocats: Luc Misson. Il accompagna parfois le Standard à la Ligue Pro, notamment quand les clubs de D1 discutaient le bout de gras autour de la fancard. Pierre François ne débarque donc pas en milieu inconnu pour lui.

« J’ai gagné un Mondial »

« J’ai évidemment pris une décision importante pour la suite de ma carrière », dit-il. « On ne quitte pas le Barreau de Liège sans réfléchir mais l’appel du Standard, fleuron de sa région, a été plus fort que tout. Je ne me voyais pas devenir magistrat, aussi noble et belle soit cette fonction, et j’ai préféré relever un défi à la tête d’une entreprise. Avec d’autres, je représenterai une véritable institution ».

Pierre François est avocat honoraire au Barreau de Liège depuis le 1er janvier 2003. Il se consacrera à fond et à temps plein au service du Standard mais a gardé ses deux heures de cours par semaine (droit commercial) à l’institut des Hautes Etudes Commerciales de Liège. Une façon intéressante de garder des contacts en dehors du football pour se changer de temps en temps les idées.

Après une époque de duos formés par Michel Forêt et Roger Henrotay, ce dernier et Daniel Frans, Pierre Delahaye fut le premier à premier à porter le titre de directeur général du Standard à la recherche d’un nouveau Roger Petit. Alphonse Costantin prit sa succession et l’ancien arbitre international devint le shérif rouche, comme on le lui avait probablement demandé afin de dégraisser le Standard en vue d’une introduction en bourse.

Pierre François n’a jamais joué au football en équipes de jeunes et se contenta de taquiner le ballon dans les préaux de ses différentes écoles. Il a pourtant été sacré… champion du monde balle au pied. Ses études terminées, on l’incite à revêtir l’équipement de l’équipe de football du Barreau de Liège.

« Techniquement, c’était proche du zéro », dit-il en souriant. « Mais je m’engageais à fond de la première à la dernière minute de jeu. J’avais une spécialité: en tant qu’attaquant de pointe, j’excellais dans l’art de récupérer les passes en arrière des défenseurs quand le ballon était freiné par la boue. En 1983, notre équipe brilla au Mundiavocat organisé au Maroc. Cet événement a pris beaucoup d’importance au fil desannées. J’avais le maillot frappé du numéro 15 mais il y eut des blessés et j’ai souvent joué. J’ai même marqué le but de la victoire en demi-finales face au Barreau de Düsseldorf. Sur cette lancée, Liège a remporté la finale contre les avocats de Marrakech: 3-2. Un grand souvenir. J’en ai déjà parlé à Michel Preud’homme. J’ai gagné un Mondial… Il a bien rigolé. Le football, c’était, pour moi, une façon de bien s’amuser avec des copains, de m’intégrer dans mon milieu professionnel, de voyager, de sortir, de boire un verre dans une ambiance conviviale ».

Pierre François connaît donc l’atmosphère des troisièmes mi-temps qui, quand tout se passebien, font aussi la magie du football. Pourtant, il n’est pas né au Brésil, où Alphonse Costantin aurait tant aimé voir le jour, mais bien près du Maracanades Hurlus: le Canonnier. Voilà qui devrait intriguer Jean-Pierre Detremmerie, le Maître de l’Excelsior de Mouscron. Aurait-il laissé un talent à ses « vieux amis » liégeoisou un avocat capable de battre les siens? « Non, je suis né par hasard dans le Hainaut Occidental », raconte Pierre François. « Mon père y travaillait dans un bureau régional de la Banque Nationale. Peu après ma naissance, il fut déplacé à Huy, puis plus tard à Verviers et à Liège. J’ai donc voyagé durant ma jeunesse au fil de la carrière professionnelle de mon papa ».

N’empêche: le football lui permettra de remonter le temps car le Standard entamera son deuxième tour par une visite à Mouscron. Sera-ce l’occasion de prendre une revanche par rapport à la défaite face aux Hurlus en ouverture de la présente saison? Pierre François l’espère. En été, la première ratée avait précipité les Rouches dans le trou.

Principautaire d’adoption, Pierre François s’est installé à Theux, pas loin des célèbres bosses franchies par les coureurs de Liège-Bastogne-Liège. Son fils, Samuel, est un excellent cavalier d’obstacles. La passion des chevaux avait commencé avec quelques poneys. Le fiston marie aujourd’hui ses études universitaires et ses ambitions sportives. Dur, dur car, après les cours, il faut monter ses chevaux quasiment tous les jours. Samuel y parvient et signe de très bons résultats dans des concours très relevés.

« Quand je ne suis pas content, je le dis »

Pas facile en Belgique où il y a de nombreux bons cavaliers et des écuries réputées dans le monde entier dont celle du célèbre Nelson Pessoa, entre autres.

Athina Onassis, la petite-fille de feu Aristote Onassis, le célèbre armateur et milliardaire qui eut la Callas à ses côtés et épousa Jackie Kennedy, s’entraîne en Belgique et héritera de 1,5 milliard d’euros le jour de ses 18 ans. Elle a l’ambition de représenter la Grèce lors des prochains Jeux Olympiques. La rumeur raconte qu’Athina Onassis est sous le charme de Doda Mirando Neto (Brésilien, médaille de bronze au J.O 2000) qu’elle rencontra dans un manège en Wallonie. Elle n’aura pas de problèmes pour avoir plusieurs grands chevaux…

Les François vivent leur passion loin de cette jet set parfois nébuleuse. Pour progresser, Samuel aurait besoin de plus de temps, de plus de chevaux, d’argent. En septembre dernier, il a gagné un concours international à Welkenraedt. En junior, il s’imposa aussi à Aix-en-Provence. Son cheval s’appelle Kamikaze. Pour avancer, il y a l’huile de bras, rien que l’huile de bras. Dès qu’il en a le temps, Pierre François se retrouve dans l’écurie où le travail ne manque jamais. Le week-end, il pilote souvent le camion afin de se rendre à l’un ou l’autre concours.

« Après mes études universitaires, je m’étais promis de ne plus jamais passer un examen », dit-il. « J’ai fait une exception pour décrocher mon permis de conduire un camion ».

N’y a-t-il pas une énorme différence entre le monde des chevaux et la famille du football? « Pas du tout… », dit Pierre François. « Il y a des braves gens et des passionnés partout. Au début, j’ai cru que tout était snob et même ultra snob autour des écuries: j’ai dû revoir mon impression ».

Il y a donc des ilotes partout. Pierre François ne le cache pas: les supporters suscitent son admiration car, en gros, c’est le sang du Standard. « Quand je ne suis pas content, je le dis mais j’accorde un gros capital confiance à tout le monde », avance-t-il.

Le Standard n’est pas un club facile. Les directeurs s’y succèdent, les entraîneurs, et non des moindres, aussi. Pierre François a eu l’occasion de mesurer tout cela en étant l’avocat du club. Ses épaules semblent assez larges pour porter un club qui ne sera jamais comme les autres, par son passé, ses attentes et la passion que tous ses résultats, bons ou mauvais, déclenchent.

Il a déjà rencontré les joueurs qui sont actuellement en stage d’hiver à Valence. Le contact fut agréable. En tant que directeur général du Standard, Pierre François s’occupera évidemment de tous les dossiers. Il ne fera pas de choix sportifs, c’est le domaine de Michel Preud’homme, mais donnera son avis à propos de la faisabilité des choses. On suppose que ses compétences apaiseront Luciano D’Onofrio (conseiller sportif du club et investisseur) et les grands actionnaires réunis autour de Robert Louis-Dreyfus.

« Nous avons besoin de ferveur et pas de polémiques au Standard », souligne Pierre François. « J’aimerais aussi que les relations avec la presse soient sereines. Joueurs, supporters, presse: quand la ferveur est là, si la chimie est bien préparée, elle donne des résultats. Les supporters et les sponsors aiment être informés dans un climat ouvert et positif. La polémique donne naissance à la grogne, pas au bonheur. Je suis dans la peau d’un homme politique qui découvre ses nouvelles fonctions. A partir de maintenant, on me trouvera de nouveaux défauts, c’est certain, mais je ferai tout pour créer un bon climat autour du club. Ce n’est pas à moi qu’il faut demander d’obtenir des résultats sportifs sur le terrain. Il y a tout le reste et ce n’est pas rien dans la vie d’un club. Qui dit bonne gestion, dit facilités pour décrocher des appuis financiers qui renforcent forcément un club. Je rentre dans une gestion qui était bien tenue. Je n’ai pas le même style que Monsieur Costantin mais il a fait du bon travail ».

« Tout passe par la rage de vaincre »

Mais un club vit d’abord par ses résultats sportifs. Pierre François entend que son club reprenne au plus vite sa place dans le panorama européen. Dès cette saison: on devine dès lors l’importance de la Coupe de Belgique, vu les problèmes rencontrés en championnat. « Tout passe par la rage de vaincre », affirme-t-il. « Quand je vois comment Dominique D’Onofrio vit chaque pas victoire, je me dis que c’est çà l’esprit Standard: chaque succès est une réelle satisfaction pour lui. Cela se voit. Ce goût du succès et du dépassement de soi est communicatif. Dominique et Michel sont plus proches du résultat que je ne peux l’être mais cette foi est importante pour nous tous ». Pierre François s’est tout de suite promis de rencontrer au plus vite les dirigeants de l’Union Belge et de la Ligue Pro. Il est évident que les Liégeois entendent retrouver leur puissance d’antan (du temps de Roger Petit) dans ces cénacles où se discutent tant de décisions importantes pour l’avenir du football. Jean-Marie Defourny n’a jamais été remplacé dans le rôle de représentant des Rouches dans la capitale. « Je serai un ambassadeur », dit Pierre François.

Avec un homme de dossiers comme Pierre François, la donne sera différente et la voix du Standard plus forte. Utile alors que la D1 va subir une cure d’amaigrissement, voler un peu plus de ses propres ailes, etc. Sans oublier qu’on parle de BenéLigue ou de Ligue Atlantique. Pierre François n’a pas encore plongé son nez dans ces dossiers mais l’idée de rencontrer des clubs néerlandais ne l’emballe pas. Des week-ends à Kerkrade ou Twente, non merci. A ce rythme-là, il préfère rêver de pouvoir en découdre avec Marseille, le PSG ou Bordeaux. Nous n’en sommes pas là et Pierre François croit visiblement à une bonne D1 belge régénérée.

« Le crash du FC Malinois qui venait de décrocher sa licence fait pour le moins désordre »,avance Pierre François. « Playoffs, surabondance de spectacles télévisés, je vais noter ce qui se dit pour le moment et le Standard se définira. Le stade doit être un lieu festif. Ma femme adore la magie des débuts de match à Sclessin. J’ai regardé dernièrement à la télé un match à Arsenal. Exceptionnel. Globalement, le Standard n’a pas trop à se plaindre de ses supporters. Je le rencontrerai bientôt et si tout n’a pas été parfait, j’ai constaté qu’ils ont toujours été derrière leur club. Or, ce ne fut pas toujours évident. Ils ont toujours chanté. Notamment à l’Antwerp où les événements furent pour le moins très discutables ».

Cette semaine, Pierre François devra examiner les dossiers chauds concernant le mercato d’hiver. Qui viendra, qui partira? La trêve des confiseurs est terminée: le successeur d’Alphonse Costantin a du pain sur la planche.

Pierre Bilic

« La rage de vaincre de Dominique D’Onofrio est communicative »

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