De Genk à ‘GLADBACH

Ils se sont retrouvés et espèrent se relancer dans un club légendaire mais un peu chaotique.

Les fans du Borussia Mönchengladbach sont impatients. Ils attendent de voir comment les sept transferts hivernaux vont aider le club à se propulser au-delà de la 15e place, bien trop proche des sièges éjectables. Le club a enrôlé le gardien KaseyKeller, le médian gauche JörgBöhme, le défenseur central CraigMoore, l’arrière gauche FilipDaems, le médian défensif BerndThijs et les avants WesleySonck et Giovane Elber… Dont trois Belges qui y rejoignaient le défenseur Nico Van Kerckhoven et l’attaquant Joris Van Hout.

 » L’équipe était trop gentille « , analyse son entraîneur, Dick Advocaat.  » Je voulais lui insuffler un autre tempérament. Trop de joueurs étaient d’un niveau similaire et le groupe était dépourvu de hiérarchie. Maintenant, la concurrence est accrue et il faudra se battre pour sa place. Bernd Thijs est un joueur créatif devant la défense, bien démarqué, et la présence de Wesley Sonck en attaque va rendre celle-ci plus dangereuse. Nous ne voulions embaucher que des titulaires et nous y sommes parvenus. Nous devons devenir difficiles à battre dans notre propre stade « .

‘Gladbach a eu des stars, dont Günter Netzer (82 buts et Footballeur allemand de l’Année en 1972 et 1973), Berti Vogts (un record de 419 matches joués et Footballeur de l’Année en 1971 et 1979) et Jupp Heynckes (meilleur buteur de tous les temps du club avec 195 réalisations).

Heynckes doit être le modèle de Sonck

Si Sonck veut rendre un élan à sa carrière après sa débâcle à l’Ajax, il doit suivre les traces de Heynckes.  » Wesley est un excellent renfort « , commente Nico Van Kerckhoven.  » Il doit être complémentaire avec Oliver Neuville, auteur de neuf buts au premier tour. Sonck est meilleur de la tête que Neuville, qui est sans doute un rien plus rapide, mais Wesley bouge davantage et est également plus costaud. Seulement, le championnat allemand est nettement plus dur que le néerlandais, la Bundesliga ne se limite pas à trois ou quatre grandes équipes. Les prochaines semaines sont capitales. Nous ne pouvons plus nous permettre de faux-pas. Advocaat place des accents néerlandais : on touche souvent le ballon, on travaille le jeu de position et les passes. Advocaat ne parle pas en aparté avec les joueurs, ne vous dit pas que vous faites du bon boulot, que vous devez corriger ceci ou cela « .

Joris Van Hout :  » Le calendrier impose des matches difficiles à ‘Gladbach mais ils devraient convenir à Sonck, qui sait se battre « .

Un collègue allemand a demandé à Advocaat si le Borussia était le club où Sonck pourrait se réhabiliter.

-Ici, tout le monde peut se réhabiliter.

-Y compris Advocaat ?

-Oui, mais j’ai déjà joué une demi-finale au Mondial !

Il rit, mais le niveau de Mönchengladbach requiert énormément de concessions de la part de l’ancien sélectionneur des Pays-Bas, qui l’avoue sans fard :  » Entraîner est différent ici. On s’occupe plus de l’organisation dans un grand club tandis qu’ici, je dois expliquer beaucoup de choses à l’entraînement, soigner les détails. C’est un travail différent, plus intense « .

Wesley Sonck fait remarquer que, faute d’automatismes, l’équilibre de l’équipe est encore loin d’être optimal. Il pense que son statut au sein du groupe va évoluer au cours des prochaines semaines, quand le passing s’améliorera et que la créativité émergera. Pour l’heure, l’attaque court trop loin du ballon, le perd souvent et les deux autres lignes cherchent trop assidûment leur salut dans les longs ballons. Wesley veut proposer des solutions intelligentes

 » A terme, l’objectif est de m’aligner en pointe, dans un rôle libre « , explique Sonck.  » Le problème de l’équipe, en possession du ballon, est qu’il faut trop chercher une solution footballistique. Si nous jouons plus haut, plus près du but, donc, nous pouvons réaliser des actions à un contre un et c’est là que je peux apporter quelque chose à l’ensemble : conserver le ballon et parfois jouer homme contre homme. Je sais jouer de la tête mais alors, je dois être près du but. Ce n’est pas évident à 60 mètres de celui-ci. Je trépignais d’impatience de rejouer mais j’ai senti à quel point il est difficile de gommer plusieurs semaines d’inaction. Le football allemand, c’est y aller à 100 %, jusqu’à la dernière seconde, et imposer la pression constamment. Mais il ne faut quand même pas avoir 11 combattants. Il faut aussi des éléments qui jouent intelligemment et qui savent conserver un ballon. Je pense pouvoir apporter quelque chose à l’équipe de ce point de vue « .

Les joueurs du Borussia Mönchengladbach quittent le terrain, après l’entraînement matinal, pour s’engouffrer dans le stade, dont le design rappelle une araignée. Thijs est manifestement content quand il parcourt les couloirs du Nordpark . Il raconte que les entraîneurs, dans leur bureau là, à droite, disposent des ordinateurs les plus modernes, avec des écrans plats, tandis que de l’autre côté, les joueurs disposent eux aussi d’ordinateurs flambant neufs avec une connexion Internet. Qu’il s’agisse du cabinet médical, de la salle de fitness ou de la salle de presse, le Nordpark a dix sur dix. Le stade est beau et est la parfaite illustration de l’efficacité allemande.

Advocaat estime que le 4-3-3 est le meilleur système pour cette équipe. Thijs y travaille dur au niveau des passes mais ses tirs ratent souvent leur objectif et il ne s’impose pas encore à la construction. Mais défensivement, il apporte un plus à l’organisation. Dans le passé, elle était plutôt chaotique.

Advocaat :  » J’espère qu’il fasse comme à Genk, soit diriger le jeu depuis le milieu et soigner le passing. C’est l’essentiel. Il doit aussi défendre mais il s’épanouit surtout avec le ballon. Il doit donc donner une meilleure stature à l’entrejeu. En principe, nous évoluons en 4-3-3. Il est l’angle inférieur de notre triangle médian. Il a un bon tir, donc, il doit pouvoir jaillir de la deuxième ligne. Il peut aussi botter des coups francs. Compte tenu de ses qualités, la dureté de la Bundesliga ne devrait pas poser problème mais il doit démontrer en championnat qu’il a les qualités requises « .

 » Nous pouvons mieux jouer mais l’entraîneur m’a surtout demandé au début de rester devant la défense et de ne pas quitter ma position tout en jouant simplement « , déclare Bernd Thijs.

En fait, Advocaat espère que Thijs et Sonck retrouveront les automatismes qui les unissaient à Genk, où Sonck se repliait régulièrement dans l’entrejeu. Thijs :  » Je dois essayer de parler le plus possible sur le terrain, d’être bien démarqué, de demander le ballon et de bien étendre le jeu vers les ailes ou en avant. Nous venons de passer des tests physiques. Ils étaient excellents. La Bundesliga est évidemment un championnat physique mais un entraîneur néerlandais essaie quand même de placer des accents footballistiques. Le maintien constitue notre priorité mais l’année prochaine, nous devrons viser plus haut. Le championnat est extrêmement serré, donc, tout peut basculer très vite « .

La mauvaise expérience turque de Thijs

Bernd Thijs a quitté la Turquie :  » Le stade de Trabzon était vétuste, comme la plupart des arènes turques, et avait une capacité de 25.000 places. Généralement, il accueillait 20.000 personnes. Ici, on peut en caser le double. C’est incomparable « .

Une seule tribune derrière le but peut accueillir 20.000 spectateurs.  » Presque autant que tout le stade de Genk, au fond « , rigole Thijs, auquel on a raconté que les supporters des places debout étaient bruyants et turbulents.  » Le club est très ambitieux. En huit matches à domicile, il a une moyenne de 50.000 personnes. Pareil club ne peut tout simplement pas rester en bas de tableau « .

L’été dernier déjà, Bernd Thijs avait eu l’opportunité de jouer en Bundesliga. C’était ça ou Trabzonspor.  » Un club allemand m’avait longtemps suivi. Il me voulait mais il a enrôlé un entraîneur qui ne souhaitait pas mon transfert. Je ne vous en dirai pas davantage « …

Il est donc parti en Turquie.  » On sait que là-bas, c’est un peu l’aventure. Nous sommes allés découvrir l’environnement, qui n’offrait pas beaucoup de possibilités, mais le club avait gagné la Coupe deux fois de suite et le groupe ne manquait pas de qualités. J’ai joué huit des dix premiers matches, nous nous sommes imposés huit fois. Puis il y a eu des problèmes avec deux joueurs et ce fut le début de la fin. J’ai fait banquette « .

Le coach Ziya Dogan est parti et Trabzonspor a fait appel à Senol Gunes. Là, Thijs a été carrément mis sur une voie de garage.  » Les joueurs locaux ont encore eu plus à dire, c’est clair. Ceux qui ne jouaient pas se sont brusquement retrouvés dans l’équipe. Un moment donné, tous les étrangers occupaient le banc. D’autres éléments entraient manifestement en compte… Deux grands hommes décident de tout, dans cette équipe. Ils s’entraînent quand ils le veulent bien, sinon, ils s’abstiennent. On ne leur dit jamais rien. A la longue, c’est énervant mais faire une remarque à ce propos n’entre pas dans la mentalité turque. Par exemple, quand on s’adresse aux plus âgés, on doit ajouter le suffixe be à leur nom, par respect. Donc, on ne leur fera certainement aucune remarque négative. Je ne suis pas habitué à ça. Selon moi, au sein d’un groupe, chacun doit avoir les mêmes droits, afin que l’ambiance soit bonne. J’ai donné mon avis à quelques reprises û j’étais pratiquement le seul à le faire û et on m’en a porté ombrage. Nous évoluions en 4-4-2 avec deux médians défensifs et je n’avais pas le droit de jouer en profondeur : il fallait que je reste devant la défense. Comme ça, évidemment, il est facile de défendre. Parfois, je n’ai pas tenu compte de cette consigne et je suis monté. Et même si je réalisais une bonne action, on m’en voulait. Toute l’équipe était en fait au service de ces deux joueurs offensifs, qui se promenaient où ils le voulaient. Nous devions constamment exercer la pression mais ces deux-là en étaient exemptés. Je pensais qu’on devait faire ça à onze, pas à neuf. Cela m’a beaucoup énervé. Sur un coup franc, il faut trois ou quatre hommes derrière le ballon mais quand je voulais m’exercer à l’entraînement, on me disait qu’on verrait bien pendant les matches. Je pouvais botter les coups francs des 30 mètres mais quand ils étaient mieux placés, ils me filaient sous le nez « .

Bernd a-t-il eu trop vite pitié de lui-même ?

 » Tout le monde était au point physiquement et techniquement mais tactiquement, c’était une autre paire de manches. On voit bien la différence entre les grandes équipes û Besiktas, Fenerbahçe et Galatasaray û dirigées par des entraîneurs européens et le reste. Celles-là ont un vrai système de jeu. Les autres jouent comme nous : elles mettent la pression, récupèrent le ballon et comptent sur un ou deux joueurs pour faire la différence. Je n’ai pas grande estime pour les deux entraîneurs turcs que j’ai eus.

Nous avons gagné 1-2 au Dynamo Kiev, au troisième tour préliminaire de la Ligue des Champions, alors que personne d’autre n’y parvenait : ni le Real ni Leverkusen ni l’AS Rome. Puis, à domicile, nous sommes menés 2-0 û suite à deux erreurs individuelles, dont une de moi, car je suis arrivé trop tard sur mon concurrent direct. Même à onze contre dix, nous n’avons pu marquer. A trois reprises, nous avons joué en supériorité numérique. Bilan : un sur neuf. Au premier tour de la Coupe UEFA, nous menions 3-0 face à l’Athletic Bilbao mais l’entraîneur a effectué des changements dans les dix dernières minutes et Bilbao est revenu à 3-2 pour nous éliminer au match retour. J’ai appris quelque chose de tous mes entraîneurs mais là, je n’ai strictement rien à retenir. Financièrement, ce fut une bonne affaire et j’étais sous contrat pour trois ans et demi encore  »

Un footballeur transféré dans un grand club étranger ne doit-il pas s’intégrer ? La réalisation d’un rêve ne requiert-elle pas plus de sacrifices que quand on joue dans son jardin ? En d’autres mots, n’aurait-il pas dû être plus fort mentalement ? Et quel entraîneur laisse un bon joueur sur le banc ?

 » J’ai essayé d’être dur. C’est d’ailleurs la seule chose que voulait l’entraîneur : que je sois dur, que je tacle. Même quand je n’avais pas le ballon, c’était bravo, tant que je taclais. Mais ce n’est pas mon atout principal. Je suis fait pour prendre le ballon, le faire circuler. JosipSkoko travaille à Gençlerbirligi avec mon premier entraîneur (il rit). Nous en avons discuté et il m’a avoué : – Il me fout à plat. Un pressing constant, comme je le lui avais dit. Karel D’Haene est lié à Trabzonspor pour un an encore et il se demande s’il va rentrer ou pas. Il se tire bien d’affaire mais il est plus relax que moi. Je pense qu’il s’accommode mieux de la mentalité turque. Ceci dit, tout n’a pas été négatif. Les gens vous invitent à boire un verre chez eux, les supporters me portaient aux nues. A mon arrivée, ils m’ont porté en triomphe. D’emblée, j’ai été entouré par vingt journalistes. Ils ont demandé quelles étaient mes qualités et se sont exclamés : un nouveau Pierre van Hooijdonck ! C’était l’euphorie, dès les premières minutes. J’étais reconnu partout et les gens étaient amicaux, serviables. J’ai essayé d’accepter leur mentalité mais je n’ai pu m’y habituer. C’est un problème. Dans ces conditions, je ne pouvais rester. C’eût été en contradiction avec mon tempérament « .

Par Raoul De Groote, envoyé spécial en Allemagne

 » On ne s’en sort pas en Bundesliga RIEN QU’EN COMBATTANT  » (Wesley Sonck)

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