De Gascoigne aux paris grecs

A 35 ans, l’avant sprinter canadien est de retour en Belgique, au… Lierse !

L’ex-buteur d’Anderlecht parti il y a sept ans à Everton (!) joue désormais en D2 au Lierse. Sa femme- une Anversoise – entendait bien accoucher dans sa ville et ceci explique ce retour un peu surprenant. Mais le Canadien conserve des ambitions sportives réelles :  » Tant que je disposerai d’une bonne pointe de vitesse, je ne remiserai pas mes boots. Et j’espère contribuer à la montée du Lierse. Le potentiel est là, seul le déclic se fait attendre. Mais dès qu’on aura signé deux prestations convaincantes de rang, on sera lancé, j’en suis sûr. Pour le reste, je souhaite encore jouer deux ou trois ans. « 

Qu’attendez-vous du Standard contre Everton (votre ex-club) demain ?

Tomasz Radzinski : Le 2-2 réalisé par les Liégeois à Goodison Park offre de belles perspectives. Mais les Standardmen devront quand même se méfier jusqu’au bout. Les Anglais, c’est comme les Allemands, que j’ai bien connus aussi pour avoir joué là-bas en classes d’âge : on n’en a jamais fini avant le coup de sifflet final. A la place de Laszlo Bölöni, je ne spéculerai pas trop sur un nul vierge. Dans ce cas, je ne donnerai pas cher de ses chances. Par contre, s’il choisit de jouer l’offensive, je vois son équipe passer.

Que vous inspirent les Liégeois ?

Ils m’épatent, ni plus ni moins. Contre Liverpool déjà ils auraient mérité mieux. J’ai rarement vu les Reds secoués à ce point par une formation continentale. Mais il ne suffit pas de faire mal, il faut aussi concrétiser. Et c’est là que ça a coincé. A ce niveau-là, quand on hérite d’un penalty, il s’agit de mettre la balle au fond. Le Standard a eu cette chance mais l’a gâchée. Et il s’en mord toujours les doigts.

La presse anglaise dit que le Standard ne détonerait pas en Premier League. C’est votre avis aussi ?

Oui. Quand on traite d’égal à égal avec deux formations qui faisaient partie du top-5 en Angleterre la saison passée, c’est le signe qu’on a du répondant. De fait, le Standard actuel me fait un peu songer au Sporting de jadis, qui avait lui aussi réalisé de bons résultats face à des clubs anglais. Comme ce 2-1, au Parc Astrid, contre Manchester United. Voire cette courte défaite, sur le même score, à Leeds United au cours de la même saison 2000-01.

 » Fellaini est promis à un bel avenir « 

Vous aviez marqué les esprits en inscrivant les deux buts face aux Mancuniens. Avec pour conséquence un transfert à Everton. Pourriez-vous comparer les Toffees ?

L’équipe avait comme manager l’Ecossais Walter Smith et n’était pas vraiment un modèle de stabilité. C’était toujours la grande lessive en matière d’effectif. Sur mes trois saisons là-bas, les seuls à avoir duré étaient Alessandro Pistone, qui a abouti à Mons l’année dernière, Niclas Alexandersson, Kevin Campbell, Duncan Ferguson, Gary Naysmith, Mark Pembridge, Steve Watson et David Weir. La vingtaine d’autres ont tous changé d’entourage. Depuis que David Moyes a remplacé Smith, on remarque moins de changements. La quantité a fait place à la qualité. De nos jours, le club cible mieux ses priorités. La preuve avec l’engagement de Marouane Fellaini.

Vous êtes l’un des rares Belges, ou Belgicains, à avoir réussi aux Iles, à l’instar de Philippe Albert. L’ancien Standardman est-il capable de marcher sur vos traces ?

Je ne le connais pas bien. Deux matches face au FC Liverpool, c’est un peu maigre pour un jugement autorisé. Mais Fellaini présente cette qualité rare de se muer aisément de milieu défensif en offensif. C’est une qualité peu banale et, bien sûr, un profil recherché. Reste à voir si après Everton, qui fait partie du sub-top, le garçon pourra un jour viser plus haut et se tirer d’affaire chez un tout grand comme Manchester United, Arsenal ou Chelsea. Ce qui me frappe, en Premier League, c’est le rythme des échanges. Il y avait déjà un décalage à l’époque où je suis passé d’Anderlecht à Everton mais il s’est intensifié. Ce n’est pas évident pour des joueurs de grande taille. Et Fellaini en est un.

Comment un pocket-player comme vous a-t-il pu survivre parmi tous ces monstres ?

J’ai toujours eu la chance d’être couplé à des déménageurs tels que Jan Koller à Anderlecht ou Campbell à Everton. Ils prenaient les coups et moi, j’utilisais ma pointe de vitesse. J’ai eu droit aussi, par moments, à un petit coup de pouce du destin. Ce qui m’a notamment valu le statut d’immortel, chez les Toffees, c’est un but inscrit lors du derby contre Liverpool. A partir de ce moment-là, j’étais classé. Aux yeux des fans d’Everton… et des Reds. Durant ces trois années sur les bords de la Mersey, il ne me serait d’ailleurs jamais venu à l’idée d’aller me balader en ville. C’eût été de la provocation vis-à-vis des supporters d’Anfield.

 » Je ne veux retenir que le meilleur de Gazza « 

Joueur à Fulham, vous avez vécu une rivalité encore plus exacerbée encore à Londres avec cinq clubs, non ?

C’est peut-être la guerre dans le nord, entre Arsenal et Tottenham ou encore entre Chelsea et Arsenal mais Fulham a toujours joui d’une cote de sympathie. Les fans de Chelsea, club le plus proche de Fulham, m’avaient d’ailleurs à la bonne car au cours des mes années à Everton, je m’étais signalé en marquant à la fois contre les Spurs et face aux hommes d’Arsène Wenger : 2-1 chez nous avec un but de ma part et un autre d’un certain Wayne Rooney ( il rit). Comme Fulham ne se mêlait pas à la lutte pour le titre ou les places d’honneur, il n’y avait jamais d’attitude hostile envers ses joueurs et je pouvais sortir en toute tranquillité. Mais dans les limites car la capitale anglaise est une ville extrêmement chère. Je payais 2.700 euros par mois pour mon loyer à Liverpool. A Londres, dans le quartier de Kensington, près de Chelsea et Fulham, un même logement se négocie à 2.500 euros par semaine.

Les joueurs peuvent quand même voir venir ! La masse salariale, à Chelsea, est de 200 millions d’euros par an. Cet argent et la célébrité montent manifestement à la tête de certains au point d’engendrer des problèmes d’alcoolisme par exemple… C’est le cas, notamment, de Paul Gascoigne que vous avez côtoyé à Everton.

C’est toujours les mêmes noms qui reviennent mais on ne parle jamais des autres, la majorité, et qui mènent une existence bien tranquille. J’avais 28 ans quand je me suis permis pour la première fois une folie, une Porsche. Tout le monde n’a pas la folie des grandeurs. A Fulham, mon coéquipier Sylvain Legwinski roulait en VW. Certains se déplaçaient même à vélo. Pour en revenir à Gascoigne, je suis triste mais je ne veux retenir que le meilleur : un gars qui a toujours eu le c£ur sur la main et m’a fait rire aux éclats comme nul autre.

Des anecdotes ?

Gazza a une grande passion : la pêche. Avant l’entraînement du matin, il n’était pas rare qu’il y aille dès les petites heures. Un beau jour, il est revenu avec ses prises. Profitant d’un moment d’inattention de notre préposé au matériel, il a pris ses clés de voiture et mis ses poissons dans le coffre. Deux jours plus tard, le gars s’est plaint d’une odeur dans son véhicule dont il ne situait pas l’origine. On lui a dit d’aller jeter un coup d’£il derrière et il a tout compris ( il rit). La puanteur s’était à ce point imprégnée partout qu’il a fallu rafraîchir tout l’habitacle. Grand seigneur, Gascoigne a pris tous les frais à son compte. Une autre fois, il a joué un tour à Abel Xavier. En partance pour le Portugal, celui-ci avait laissé sa Smart à Paul. Bleu au départ, le véhicule était entièrement rose à son retour. Tout y était passé, même le pare-brise. Seuls deux petits ronds avaient été épargnés, histoire qu’Abel puisse quand même voir quelque chose ( il rit). Dans ce cas aussi, Gascoigne a payé la note.

 » L’argent, c’est la reconnaissance de ta valeur « 

De la mégapole anglaise, vous êtes ensuite passé à Xanthi et ses 80.000 habitants. La transition a dû être abrupte ?

Je me suis senti à l’étranger en Grèce. Partout où j’étais passé auparavant, que ce soit en Pologne, en Allemagne, au Canada ou en Belgique, j’avais appris la langue. Mais là, j’étais démuni. Je ne pigeais rien. Le seul mot que je comprenais, c’était . Comble de malchance, il ne voulait pas dire non mais oui ( il rit). Ce n’était pas la seule chose qui m’interpellait. Il y avait aussi la valse des entraîneurs. Chaque semaine, il y en avait un qui valsait à la porte. Si moi, je me posais des questions à ce sujet, mes partenaires grecs, eux, trouvaient ça normal.

Les Chinois et les Grecs sont les plus grands parieurs. On sait ce que sont les chinoiseries en Belgique mais qu’en est-il en Grèce ?

J’ai sursauté à l’occasion de la dernière journée du championnat. Nous allions à Ergotelis, qui avait absolument besoin d’une victoire pour se maintenir. L’Olympiacos, lui, jouait dans le même temps à domicile face à Iraklis, un autre club du bas du classement, et il lui manquait un succès pour être assuré du titre. La logique voudrait que la tâche des Athéniens soit plus facile que celle des joueurs d’Ergotelis. Pourtant, aux pronostics, la cote de ces derniers était plus faible que celle des gars de la capitale. Bizarrement, le jour du match, on s’est aligné avec une demi-douzaine de réservistes. Le match a commencé par un penalty cadeau pour les visiteurs, suivi d’un deuxième but tiré par les cheveux aussi. A la rentrée aux vestiaires, j’ai shooté de toutes mes forces dans des sacs de sport qui se trouvaient posés à même le sol ainsi que dans deux portes d’armoires. Je pensais susciter une réaction mais certains riaient. Du coup, ma décision était prise : la deuxième mi-temps se déroulerait sans moi. J’ai pris une douche et je suis parti. A ce moment-là, je me suis fait la réflexion qu’il ne faudrait plus trop compter sur moi là-bas. Et j’ai saisi l’occasion quand le Lierse m’a proposé de revenir en Belgique.

La Grèce compte 10 millions d’habitants, comme la Belgique, et trois ténors (AEK, Olympiacos et Panathinaïkos). Pourquoi ces clubs et l’équipe nationale réussissent-ils mieux que les nôtres ?

Au niveau de la sélection, les Grecs n’ont pas hésité à faire appel à un coach étranger, Otto Rehhaghel, qui est au-dessus de la mêlée et qui ne s’occupe nullement des querelles de clocher. Et puis, il y a l’aspect financier. Qu’on le veuille ou non, l’argent est la reconnaissance de ta valeur. Si la Premier League domine le monde du football, c’est parce qu’elle brasse le plus d’argent, tout simplement. En Grèce, les grands clubs ont davantage de moyens que leurs homologues belges. Et c’est ce qui leur permet d’attirer de bonnes pointures. Je songe à Rivaldo, qui est passé par l’Olympiacos. Au contact d’un tel talent, il est normal que les autres se subliment.

par bruno govers : photos: vermeersch

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