DE BRUYNE : VITE LE RETOUR ET N’IMPORTE OÙ !

En septembre, je n’y croyais pas tant : quittant Wolfsburg pour City, Kevin De Bruyne mettait son temps de jeu en danger à la veille de l’EURO, ce qui ne me semblait pas forcément malin. C’est moi qui ne l’ai pas été : avant sa récente blessure contre Everton, le Belge faisait oublier l’indisponibilité de Samir Nasri, Jesus Navas ne lui était jamais préféré, et les stats offensives du Kev’ pulvérisaient celles de Raheem Sterling et même David Silva !

Le foot est décidément truffé d’aléas : prévoir la réussite individuelle – ou l’échec – d’un joueur débarquant dans un club, c’est tout aussi mystère-et-boule-de-gomme que pronostiquer la performance d’un collectif ! Tenez, autre truc auquel je n’aurais jamais cru : qu’en arrivant au Barça la saison dernière, Ivan Rakitic allait directo transformer Xavi en prépensionné… et que le Barça n’allait jamais ressentir l’absence de celui qu’on disait être son cerveau, son maître à jouer !

Cette notion de maître à jouer me ramène à De Bruyne… et à Stephan Streker son thuriféraire, oserais-je ajouter obsessionnel ? Attention, j’aime bien Streker, je trouve qu’il apporte à La Tribune ertébéenne des sons de cloche qui portent à réflexion et que personne d’autre n’émet, mais ça ne m’oblige pas à être toujours, tactiquement, sur sa longueur d’ondes : Stephan le sait, nous eûmes d’ailleurs jadis un débat homérique sur l’apport effectif de Walter Baseggio, et je ne vous dis pas qui était dans quel camp… Dans le cas présent, à chaque match de nos Diables pour lequel il est réquisitionné, Streker martèle sa conviction : De Bruyne est exceptionnel, il doit jouer dans l’axe, c’est aberrant de le décaler sur un flanc, les Belges sont bien meilleurs quand Kev’ est aux manettes ! Ce n’est pas mon avis.

Cela relève d’une pensée de plus en plus obsolète, même si certains raffolent encore d’ériger tel ou tel en dépositaire du jeu de son équipe ! Jadis, chaque onze avait son surdoué technico-tactique : le mec sans discussion le plus fortiche balle au pied, avec de la passe, de la vista, et plantant son p’tit but régulièrement même s’il n’était pas buteur désigné. C’était le créatif de l’équipe, l’animateur de deux ou trois attaquants : n°10 même s’il ne le portait plus, meneur de jeu, stratège, soutien d’attaque, il pouvait se désintéresser de la perte de balle sans qu’on lui en tienne rigueur, s’éloigner des avant-postes si ça lui collait trop culotte.

Mais, surtout, il était offensif AXIAL et c’était sa fierté : pas question de le cantonner sur un flanc, c’eût été l’amoindrir, l’humilier, le brider ! Le flanc, c’était lui qui jugeait bon (ou pas) de s’y montrer à l’occasion. Mais l’axe était son biotope, sa raison d’être, son champ créatif, et son chant aussi ! C’était bien simple : déporté sur l’aile par un coach, le n°10 boudait ; crime de lèse-majesté, l’ailier étant un subalterne ! Et en équipes nationales, remember les vieux, il fut un temps où les n°10 suscitaient de grands débats d’idées : Gianni Rivera OU Sandro Mazzola, Gunther Netzer OU Wolfgang Overath, mais jamais les deux !

Le n°10 s’est évaporé entre l’ère/Platoche et l’ère/Zizou : le premier l’était encore,le second était déjà un 9oe, décalé autant qu’axial si pas plus, bien souvent derrière un seul attaquant. Et aujourd’hui (sauf si l’on est le Messi), le statut de meilleur technicien d’un onze se débat, le surdoué n’est plus seul : bien souvent, en retrait du pivot, ils sont deux voire trois 9oe à se partager la déposition du jeu, à tournicoter sans se vexer entre axe et flancs, et à faire leur part de boulot défensif : tout aussi surdoués que les n°10 d’hier, mais moins narcissiques, moins susceptibles…et souvent plus vivaces vu que les flancs exigent vivacité !

Le mythe du n°10 est moribond, Stephan ! A City, tous ignorent qui, de De Bruyne ou Silva, est le dépositaire du jeu, l’axial, le meneur : mystère heureux, virevoltant ! Et ça doit virevolter pareil chez les Diables dès que Kevin sera rétabli, car il n’est pas seul fortiche : il est bon dans tous les coins, le cantonner dans l’axe serait cantonner sa créativité. Et celle de certains comparses, laquelle n’est pas mal non plus…

PAR BERNARD JEUNEJEAN

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