De bon aloi

L’attaquant camerounais est arrivé au FC Liège à 16 ans. Il retrace son parcours de Douala au Malinwa. Monologue.

A loys Nong :  » Contrairement aux autres joueurs camerounais de l’élite, comme le Mouscronnois Bertin Tomou, le Beerschotman Justice Wamfor ou encore le Genkois Eric Matoukou, je n’ai jamais joué parmi l’élite footballistique de mon pays. Au même titre que Samuel Eto’o ou Geremi Njitap avant moi, je suis effectivement passé sans la moindre transition du centre de formation de la Kadji Sport Academy de Douala à un club étranger, le FC Liège en l’occurrence pour moi. Je n’étais pas vraiment prédestiné à cette trajectoire. Mes parents, Blaise et Honorine, avaient essentiellement à c£ur que j’emboîte le pas de mon frère aîné et de ma s£ur qui étaient tous deux des élèves très brillants. J’aurais pu aisément marcher sur leurs traces car les études ne constituaient pas le moindre problème. Mais à l’image de mes copains de classe, je jurais surtout par le ballon rond. Ma mère a très longtemps essayé de me dissuader, sous prétexte que le gène du talent était soi-disant héréditaire et qu’avant moi, personne dans la famille n’avait jamais tâté du moindre sport de ballon ( il rit).

A la maison, le son de cloche a toutefois changé après que j’aie abandonné les matches inter-quartiers, au sein de la formation de Sao Paulo, pour intégrer la structure mise sur pied par Gilbert Kadji, de loin la plus réputée au Cameroun. Du coup, j’avais la bénédiction de tous pour tenter de faire du foot mon métier. L’un ou l’autre de mes compagnons de promotion ont poursuivi leur chemin dans ma ville natale, au Rail, au Caïman ou à l’Union. D’autres sont passés pros au Tonnerre ou au Canon de Yaoundé. Personnellement, j’ai eu la chance de brûler les étapes en allant immédiatement à l’étranger. Après des tests à Nice et au Havre, j’ai abouti au FC Liège à l’âge de 16 ans à peine. Le directeur technique de l’école des jeunes du cru, Vincent Ciccarella, avait décelé de la graine de bon joueur chez moi et, à son instigation, j’ai signé un contrat avant d’être confié à une famille d’accueil, les Fanara, avec qui je suis toujours lié aujourd’hui.

Quoi de plus normal d’ailleurs, dans la mesure où le paternel, Dominique, qui était le correspondant qualifié du Great Old, a eu tôt fait de devenir un papa de substitution pour moi. Quant à son fils Luca, qui accuse huit années de moins que moi, il m’a toujours considéré comme son grand frère « .

 » Le King m’a scié « 

 » Je n’aurais pu rêver, à l’époque, de meilleur point de chute. D’un côté, tout le monde, sans exception, était aux petits soins pour moi. Et, sur le plan sportif, je n’aurais pu rêver de meilleur guide qu’ Henri Depireux. Il m’avait à la bonne et, au bout de quelques mois à peine, c’est sur ses conseils que je m’étais lié avec les voisins du CS Visé, une entité plus stable que le club liégeois, qu’il connaissait bien sûr comme sa poche. Le King est sans doute celui qui a eu l’influence la plus déterminante sur moi lors de mes débuts en Belgique. Je me souviens qu’il m’avait fait la réflexion, un jour, qu’en dépit de mon naturel de droitier, c’est du gauche que j’allais pourtant inscrire la plupart de mes buts. A l’analyse, je me rends compte qu’il avait vu juste. Avec le droit, j’éprouve en réalité tant de facilités, que je tergiverse, ne sachant trop si je vais conclure en force ou sur la droite ou la gauche du gardien. De l’autre pied, en revanche, je me pose nettement moins de questions. Dans ce cas, c’est vraiment à l’instinct que j’agis.

En l’espace de deux saisons chez les Oies, j’ai paraphé 14 buts en 28 matches, ce qui représente une appréciable moyenne d’un goal toutes les deux rencontres. Il n’en aura pas fallu davantage pour que j’éveille la curiosité au pays. Jean-Paul Akono et Ndoumba Bosso, qui étaient en charge de la sélection olympique en prévision des Jeux d’Athènes firent appel à moi dans le cadre de la joute décisive que l’équipe était appelée à disputer au Mali. Pour la circonstance, j’avais été associé à Daniel Wansi, actif à Mons actuellement, ainsi qu’à Achille Webo, qui milite pour l’heure à Osasuna. Hélas, nous avions perdu ce match sur le plus petit écart. Pour une première, je n’avais pas été à mon affaire. J’étais habitué au climat belge entre-temps, alors qu’à Bamako, la température était de 40 degrés à l’ombre. Pour lutter contre le soleil, la veille de la rencontre, dans une chambre non climatisée, je n’avais trouvé d’autre solution que de recouvrir mon corps avec un drap de lit mouillé. Trois fois j’ai dû répéter ce geste durant la nuit. Quand j’allumais la lumière, on pouvait voir la vapeur monter du lit ( il rit)  »

 » Au Brussels, j’étais devenu un zombie « 

 » En 2004, deux ans après avoir posé le pied sur le sol belge, je touchais déjà au but que je m’étais assigné : jouer en D1, au FC Brussels plus précisément. J’étais très loin de me douter que mes six mois, là-bas, s’assimileraient à un véritable calvaire. Le président Johan Vermeersch n’avait de cesse de me mettre la pression, sous prétexte que je ne marquais pas. Semaine après semaine, je m’enfonçais de plus en plus. A la longue, je ne parvenais même plus à trouver le sommeil. J’étais un véritable zombie, rongé par les tracas. Le pire, je l’ai vécu durant cette période lors d’un match de Coupe de Belgique à La Gantoise. Nous avions été éliminés et j’avais loupé à deux reprises l’immanquable. Au retour, une frange de supporters m’attendait à la descente du bus. C’est sous escorte que j’avais dû regagner les vestiaires.

Deux personnes seulement avaient cru bon devoir s’apitoyer sur mon sort : l’entraîneur, Emilio Ferrera de même que l’un de mes coéquipiers, Fritz Emeran. Les autres, du plus expérimenté au plus jeune, m’avaient tout simplement laissé tomber. Quelque temps plus tard, l’homme fort du club en rajouta une couche en disant à mon manager, Freddy Luyckx, que j’étais tout juste bon à travailler dans la mine. A ce moment-là, j’ai pris la décision de ne pas faire de vieux os à la rue Malis et j’ai opté pour un prêt à Courtrai. Quand j’ai vidé mon casier, je savais que c’était pour de bon et que rien ni personne ne me ferait revenir chez les Coalisés. Eux-mêmes n’y tenaient d’ailleurs pas. Durant la campagne 2005-06, par l’entremise du manager sportif, Dimitri Mbuyu, ils voulurent d’ailleurs me transférer au Neftchi Bakou. Mon sang n’a fait qu’un tour et j’ai demandé à Dim s’il enverrait son propre fils en Azerbaïdjan ? Sa réponse fut des plus laconiques : – Tu n’es pas mon fils, la question ne se pose donc pas. Dans ces conditions, il était évidemment exclu que je fasse une fleur au club molenbeekois et à ses responsables « .

 » Cinq buts et ça suffit « 

 » Au même titre qu’à Henri Depireux, je dois une fière chandelle à deux autres coaches : Manu Ferrera, que j’ai eu au KVK et Peter Maes, sous la coupe duquel j’évolue à présent à Malines. C’est franchement marrant, mais tous deux m’ont tenu exactement le même langage lors de mes débuts dans ces clubs : – Tu inscris 5 buts et on est content. Il est symptomatique de constater que j’en ai scoré 36 pour le compte des Courtraisiens, en l’espace de deux saisons, et que j’ai déjà dépassé ce total de cinq buts sur l’ensemble du premier tour pour le Malinwa. Et je ne compte évidemment pas en rester là : après une entame des plus laborieuses, à l’instar de l’équipe d’ailleurs, je commence à trouver mes marques. Ma collaboration avec Björn Vleminckx est de plus en plus fructueuse aussi.

Je suis intimement convaincu, aujourd’hui, que nous avons les moyens d’assurer notre survie parmi l’élite. Peut-être concéderons-nous encore l’un ou l’autre revers en déplacement, d’accord. Mais devant notre fabuleux public, nous devons être en mesure de prendre les points qui nous maintiendront au plus haut niveau. Ces gens-là me donnent des ailes, en tout cas. Et moi, j’essaie tout simplement de les remercier en faisant trembler de temps en temps les filets adverses. Cela m’a réussi pour l’instant. Je croise les doigts pour que ça dure « .

par bruno govers – photos: belga

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