De big maux à Magic Felli

Critiqué de toutes parts il y a un an, notre Diable est aujourd’hui l’homme-clef d’un Manchester United à nouveau victorieux. Explication d’une métamorphose.

C’était il y a un an. Manchester partageait l’enjeu face au Bayern Munich. Malgré ce résultat encourageant pour une équipe pataugeant en championnat, Marouane Fellaini était raillé et accablé par la critique au lendemain de ce quart de finale de Ligue des champions. Et en Angleterre, on ne lésine pas sur la formule qui pique. Le Telegraph comparant même notre international à un  » caniche errant sur la pelouse.  » Le Fellaini bashing battait son plein. Marouane Fellaini est alors le symbole de l’ère Moyes et le bouc émissaire idéal des mauvais résultats. Onze défaites et une septième place indigne viendront ponctuer une saison catastrophique alors que les Red Devils avaient, jusque-là, toujours terminé dans les 3 premiers depuis 1992 et la naissance de la Premier League.

 » Malheureusement, il fut la seule arrivée estivale (ndlr, Juan Mata arrivera en janvier 2014). Il fut donc mis davantage sous pression qu’il n’aurait dû l’être « , déclara Moyes comme tentative d’explication à une transaction aux allures de flop retentissant. Un transfert à 31,5 millions d’euros vendu comme un plan B, très, trop onéreux aux yeux du public mancunien qui attendait davantage un Toni Kroos, un Thiago Alcantara ou un Cesc Fabregas pour rythmer les échanges. Marouane Fellaini n’entrait pas dans les standards d’un club longtemps bercé par la justesse et la qualité technique de Paul Scholes. Les perruques en guise d’accueil folklo lors de ses premiers matches au théâtre des rêves ont fait long feu. L’échec était pourtant à prévoir.

Dès la conférence de presse qui suivit l’annonce du transfert, Felli est apparu mal à l’aise devant tant d’attentes et un prix que lui-même jugeait trop élevé. Et pourtant, Moyes ne jurait que par son big man, sa priorité, après une saison canon à Everton où il termina meilleur buteur du club avec 11 buts. Onze roses de plus que lors de sa première saison mancunienne où il resta également vierge de tout assist. Un flop chiffré dont beaucoup pensaient qu’il allait difficilement se relever. D’autant que la saison fut poissarde tout le long : des multiples blessures (douleurs au dos, à l’aine, aux ischio-jambiers, au poignet gauche) l’ont freiné. Durant deux mois, l’ex-Toffee joua avec une attelle, qui l’empêchait de se livrer totalement dans les duels. Du Fellaini contre-emploi.

La renaissance

15 mars 2015. Old Trafford se lève pour applaudir la sortie de deux des trois buteurs du jour : Wayne Rooney et Marouane Fellaini. Tottenham est balayé lors de cette 29e journée (3-0). Big Mo partage le titre de bourreau des Spurs avec Rooney. A la pointe d’un triangle composé de Ander Herrera, le relayeur, et de Michael Carrick en régulateur, Fellaini est partout, joue juste, gagne quasi tous les duels aériens, et inscrit même le premier but des siens, son 5e de la saison en championnat.

Les consultants revoient leur copie, eux qui n’avaient jamais pointé Fellaini dans leur onze de base mancunien en début de campagne. Le souvent très critique Jamie Redknapp (ex-joueur de Liverpool) titre même dans le Daily Mail, Magic Fellaini.

Phil Neville, consultant pour la BBC, et membre du staff des entraîneurs l’an dernier à United, se fait également élogieux :  » Manchester cherche toujours la verticalité en se projetant rapidement vers l’avant. Cela inclut que les backs doivent parfois monter et apporter un surnombre offensivement. Mais s’il y a une contre-attaque, vous avez besoin de quelqu’un pour fermer la boîte. Et Fellaini est peut-être l’un des meilleurs du Royaume dans ce domaine.  »

Dimanche dernier, rebelote lors du déplacement à Liverpool. Dans le  » clasico  » du foot anglais, Marouane rayonne. Sa première mi-temps sur la pelouse d’Anfield Road est dantesque. Cette fois, c’est Peter Schmeichel qui s’emballe :  » C’est le meilleur Fellaini depuis son arrivée à Manchester.  » Mata, auteur de deux buts, et Fellaini dévorant le milieu des Reds – deux transferts signés Moyes – sont les figures-clefs de ce nouveau succès des Red Devils. Et MarOne de faire à nouveau partie de l’équipe de la semaine de la BBC.

Des supporters aux critiques, Fellaini est désormais indispensable à la bonne marche des Red Devils. Même lors de l’élimination en Cup face à Arsenal, Felli surnage et est un des rares à apporter le danger dans une rencontre où Manchester affiche un manque d’idées offensives et des grossières erreurs défensives.

Et puis, il y a ces chiffres qui ne mentent pas. Manchester a remporté 10 des 13 matches que Fellaini a débutés pour 8 victoires sur 18 rencontres quand il n’était pas titulaire.

Preuve de son importance également : Fellaini est le seul avec David De Gea à avoir commencé les six big games de la saison (deux face à Arsenal, deux face à Liverpool, un contre Manchester City et un contre Chelsea). Un indiscutable donc aux yeux de Louis van Gaal qui soulignait après la rencontre de dimanche à Liverpool  » cette faculté à mettre la pression sur l’adversaire.  » Et pourtant, cette approbation de Sieur Van Gaal était loin d’être gagnée.

Le dernier choix de Van Gaal

Louis Van Gaal est réputé pour ne pas mettre de gants. Preuve supplémentaire, lors du premier échange entre le coach batave et notre international :  » Tu es mon dernier choix au milieu de terrain « , lui balance sans détours Van Gaal. Même TomCleverley prêté depuis à Aston Villa, le devance dans cette peu flatteuse hiérarchie. En gros, Fellaini n’a pas le niveau de Manchester. Même si l’ex-sélectionneur hollandais ne connaît pas le Belge et qu’il ne se base que sur des rapports internes (Ryan Giggs savonnant quelque peu la planche).

Dès le deuxième entraînement, l’avis de Van Gaal diffère déjà. KevinStrootman, priorité numéro un, étant blessé, le coach batave se rabat sur Daley Blind et Ander Herrera pour densifier le milieu de terrain. De la concurrence supplémentaire qui laisse pourtant de marbre Marouane. Le seul avec son entourage proche à n’avoir jamais douté.

 » C’est étonnant de voir que Fellaini fait une meilleure saison que… Kompany « , pointe Ian Herbert, journaliste à The Independent.  » Nous pensions tous que Van Gaal ne comptait pas sur lui mais il a tout ce qui manquait à United : de la présence aérienne. Van Gaal s’en est rendu compte. Je ne crois pas que c’était dans ses plans de faire autant appel à lui aussi mais Fellaini a saisi l’opportunité en réalisant quelques gros matches. Il a marqué lors de sa première apparition sous Van Gaal, en préparation, installant le doute dans l’esprit de l’entraîneur néerlandais. A partir de ce moment, il a chaque fois fait basculer la rencontre en renversant l’intensité physique dans le camp de United.  »

Marouane Fellaini va toutefois devoir attendre le 26 octobre et la venue de Chelsea pour connaître sa première titularisation en championnat. Chez les Diables, aussi, Fellaini semble absent des schémas de Marc Wilmots qui l’envoie sur le banc lors des rencontres face à Andorre et en Bosnie. Alors qu’il avait été l’un des gagnants du dernier Mondial, lui le sauveur face à l’Algérie et son coup de boule libérateur après avoir entamé la rencontre en tant que réserviste. Lucien D’Onofrio, toujours très proche de son ancien joueur rouche, n’avait d’ailleurs pas hésité à remonter les bretelles de notre sélectionneur après la rencontre, considérant le fait de se priver de Fellaini comme une ineptie.

De retour en perfide Albion, Marouane va rapidement saisir sa chance alors que le Vanchester connaît des ratés à l’allumage.  » Fellaini a joué libéré : il n’a pas été acheté par Van Gaal et n’était certainement pas l’homme de Van Gaal. Cela lui a enlevé de la pression « , explique Ian Herbert.  » Il a sa place dans cette équipe parce qu’il apporte toute une série de choses que les autres joueurs sont incapables d’apporter. C’est péjoratif et mal vu à United de parler de longues balles mais quand les Mancuniens peuvent allonger le jeu, les défenses adverses jouent plus bas et cela fournit également plus d’espaces à l’entrejeu. L’apport de Fellaini doit se situer à ce niveau-là, servir de remiseur et maintenir les défenses basses.  »

Contrairement aux idées reçues, la présence de Fellaini n’augmente pas le nombre de longs ballons (avec ou sans Fellaini 10 % des ballons sont longs) mais l’efficacité est tout autre avec notre international comme remiseur auprès d’un Rooney avec qui il s’entend à merveille sur le terrain comme à la ville.

Quelle est sa meilleure place ?

L’éternel débat se pose quant à sa meilleure place. L’intéressé lui-même n’arrive pas à trancher.  » Je sais arracher les ballons, je sais marquer un but. Je suis bon de la tête. Ma relance, sans être la meilleure du monde, est correcte. Je sais aussi combiner. Comme médian offensif, je peux mettre les défenseurs en difficulté. Mais je pense quand même que milieu défensif me convient mieux.  »

C’est là, bizarrement, que Moyes le positionnera alors qu’il en avait fait un box-to-box voire un soutien offensif à Everton.  » Il n’était pas assez discipliné et il n’était pas assez bon passeur pour occuper le rôle de premier relanceur. « , prétend son ex-équipier à Everton, LeonOsman.  » Par contre si vous lui adressez un ballon dans le rectangle, il est quasiment injouable.  »

Marouane Fellaini n’en voudra jamais au mentor écossais les pépins de sa première saison. Au contraire, Marouane lui sera éternellement reconnaissant de lui avoir  » offert  » 10 ans de contrat (5 à Everton et 5 à Manchester) en Premier League. Et l’estime est réciproque. Quand, après avoir annoncé à son vestiaire la fin de son aventure à Manchester, Moyes a convoqué Marouane dans son bureau pour une ultime conversation, les deux hommes n’ont pu retenir leur émotion et sont tombés dans les bras l’un de l’autre. The Chosen One (l’élu) pouvait terminer ses cartons.

PAR THOMAS BRICMONT À MANCHESTER – PHOTOS : BELGAIMAGE

Manchester a remporté 10 des 13 matches que Fellaini a débutés.

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