DE 83-84 À 2006

Bruno Govers

Les Coalisés ont l’équipe la plus jeune de D1. Comme le RWDM jadis.

Des Coalisés qui peuvent se targuer d’évoluer avec l’équipe la plus jeune de l’élite (avec une moyenne d’âge de 22 ans à peine), ce n’est pas un refrain nouveau au stade EdmondMachtens. Au début des années 80, les Molenbeekois, coachés à l’époque par un certain Johan Vermeersch, alignaient une formation tout aussi juvénile, articulée autour de gamins qui, comme Eric Deleu, Rudi Cossey, Franky Van der Elst et Polleke De Mesmaeker, allaient faire leur chemin.

Nous les avons tous invités à établir un parallèle entre le RWDM d’alors et le FC Brussels d’aujourd’hui.

Johan Vermeersch :  » Cartier peut signer à vie  »

Johan Vermeersch (53 ans), président du FC Brussels, commença au stade Edmond Machtens – qui s’appelait Oscar Bossaert à l’époque – comme joueur au Daring, puis au RWDM. En 1983, le président Jean-Baptiste L’Ecluse le nomma coach de la Première. Il avait à peine 30 ans et était le plus jeune entraîneur de l’élite.

 » Albert Cartier avait une dizaine d’années d’expérience, à Metz, Gueugnon et La Louvière, au moment de débarquer chez nous la saison passée. Moi, en revanche, je ne possédais pas le moin-dre vécu d’entraîneur au moment de coacher l’équipe fanion du RWDM. A cette période, déjà, le club avait des problèmes de trésorerie et, pour apurer les finances, Jean-Baptiste L’Ecluse, avait décidé de se séparer des gros contrats comme Jan Ruiter, René De Saeyere, Michel De Wolf et Bernard Verheecke, pour ne citer qu’eux. Du jour au lendemain, sans la moindre transition et préparation, je m’étais donc retrouvé à la tête d’une bande de gamins, au potentiel évident mais aussi au manque d’expérience flagrant. Au premier tour de la compétition 1983-84, nous n’en menions pas large : après 17 matches, nous comptions à peine 9 unités. Le deuxième volet de la compétition fut nettement meilleur, puisque nous en avions engrangé 16 autres. Avec 25 points, nous étions avant-derniers, devant Beringen, premier descendant, et derrière le Beerschot, qui avait terminé la saison avec 26 unités. La situation aurait été inversée si, à l’occasion du déplacement crucial au Kiel, nous l’avions emporté. Ce qui aurait logiquement dû se produire car un but tout à fait valable de Hans Bouwmeester fut annulé par l’arbitre Roger Schoeters. A la réception d’après match, j’entends encore le manager local, Cees Van Mele, déclarer que le Beerschot venait de réussir le hold-up du siècle. Nous étions condamnés, à cause d’un seul et maigre petit point, malgré une fin de saison en trombe, marquée notamment par une victoire 3-0 contre le Standard. Ce qui nous a tués c’est la gestion des matches. J’étais aussi enthousiaste que les joueurs et je n’avais de cesse de les pousser vers l’avant. Résultat des courses : nous avions autant de buts -35 – que des formations qui s’étaient aisément maintenues, comme Courtrai, le Cercle Bruges ou La Gantoise, mais nous en avions pris 48 buts, ce qui nous situait au-dessus de la moyenne.

Aujourd’hui, l’équipe, malgré son jeune âge, parvient à jouer avec sa tête, plutôt qu’avec son c£ur, quand le besoin s’en fait sentir. Cela nous a permis de pren-dre 10 points sur 12 en début de campagne. Le mérite en revient aux joueurs comme à Albert Cartier, qui réalise du bon travail, même si l’on vit une période de flottement après notre départ en trombe. Le Français, qui a fourbi ses armes au sein du centre de formation messin, sait manifestement de quoi il retourne avec les jeunes et il est sans nul doute responsable des bons résultats d’ensemble glanés depuis un peu plus d’un an. Pour moi, s’il le désire, il peut rester à vie chez nous. Chacun sait que, dans un futur proche, je nourris l’espoir de bâtir une équipe compétitive avec des jeunes issus de la capitale. Et Albert Cartier me semble l’architecte tout désigné « .

Eric Deleu :  » Je n’avais pas de guide  »

Eric Deleu (46 ans) a défendu les filets du RWDM de 1979 à 87, totalisant quelque 93 matches pour ses couleurs. Depuis trois ans, il est entraîneur des gardiens au FC Tubize.

 » La grande différence entre ces deux générations, c’est qu’en mon temps il n’y avait pas le moindre joueur d’expérience au sein de l’effectif. Actuellement, dans chaque ligne, il y a au moins un élément chevronné qui peut faire office d’exemple. En défense, il s’agit de Szoltan Petö ou Mohama Atte-Oudey Zanzan, dans l’entrejeu il y a Christ Bruno et Richard Culek, et à l’attaque le club dispose de Dieudonné Kalulika, qui est quand même international congolais ou encore de Nenad Stojanovic. Pour ce qui est du poste de gardien, la situation est en tous points identique puisque Patrick Nys, à 37 ans, sert pour l’heure de guide à Michaël Cordier. Moi-même, j’avais comme concurrent Danny Dieltiens, un compagnon d’âge puisque nous affichions tous deux 23 ans au départ de la saison 1983-84. Jusqu’alors, j’avais eu comme modèle Jan Ruiter, passé d’Anderlecht au RWDM une demi-douzaine d’années plus tôt et qui était incontournable. Il y a eu clairement une hiérarchie entre nous deux. Le Hollandais n’a jamais été disposé à me céder sa place, même pour des joutes amicales. Aux séances de préparation, nous n’étions d’ailleurs pas soumis au même régime. Lorsque Cor Brom était entraîneur, j’étais tout juste bon à aller rechercher les ballons qui filaient derrière ou à côté de la cage de mon rival (il grimace). Au moment où j’ai été lancé dans le bain, par Johan Vermeersch, je n’avais pas le moindre repère. Pas plus que Dieltiens qui avait dû se contenter d’être à l’Antwerp la doublure d’un autre keeper de grande envergure : Ratko Svilar. Pour Cordier, le contexte est différent. Le Hennuyer avait déjà pas mal de matches à son compteur, lors de sa période louviéroise, au moment d’aboutir au boulevard Mettewie. En plus, les choses sont très claires en matière de hiérarchie. Nys a fait clairement savoir qu’un statut de titulaire ne l’agréait plus mais qu’il était pleinement disposé à former son successeur, ainsi que les jeunes gardiens. Dans de telles conditions, c’est sans arrière-pensée et avec un maître sans pareil que Cordier peut donner la pleine mesure de son talent. Cette opportunité-là, malheureusement, m’a toujours été refusée. Reste qu’en classe intrinsèque, je n’ai pas peur de reconnaître non plus que Cordier a plus d’aptitudes. La preuve par ses sélections chez les Diablotins « .

Rudi Cossey :  » Nous péchions par naïveté  »

Rudi Cossey (45 ans) a porté en sa qualité de défenseur la vareuse des Coalisés de 1981 à 89, disputant 186 matches. Passé successivement dans les rangs du Club Bruges puis de Lokeren, il est aujourd’hui entraîneur adjoint d’Ariel Jacobs à Daknam.

 » Près d’un quart de siècle plus tard, le football a changé. Aujourd’hui, la jeune classe molenbeekoise est avant tout louée pour sa rigueur. Ma génération avait essentiellement droit aux éloges en raison de son esprit d’entreprise. Ce n’est pas une critique, mais le FC Brussels d’aujourd’hui joue pour ne pas perdre alors que le RWDM d’autrefois se présentait en toutes circonstances pour gagner. Vu notre manque évident de planches, il en résultait alors des défaites souvent étriquées : 3-2 ou 2-1. De nos jours, grâce à une approche moins déliée, les Coalisés s’imposent souvent par le plus petit écart. Ce n’est pas illogique quand on sait qu’ils opèrent avec une défense très hermétique, tout en procédant par des contre-attaques rapides alors que nous essayions toujours de faire le jeu, même face aux meilleurs. A choisir, j’aurais préféré me retrouver plus fréquemment dans le camp des vainqueurs, comme c’est le cas aujourd’hui. Mais, dans l’ensemble, je ne regrette rien. Car la prise de risques, nous aura aidé à développer des aptitudes importantes, comme le sens du placement. C’est ce qui a permis à certains, tels Franky Van der Elst et moi, de réaliser une belle carrière, par la suite, au Club Bruges. Avec le recul, je me dis que nous péchions trop régulièrement par naïveté, car il n’y avait tout simplement personne pour nous freiner : ni un routinier, ni l’entraîneur. S’il en avait été ainsi, nous aurions réussi à nous sauver. Je pense aussi que, par rapport aux défenseurs actuels, rarement opposés à des monstres sacrés, nous devions composer avec quelques fameux clients : les Anderlechtois Erwin Vandenbergh et Alex Czerniatynski, les Standardmen Simon Tahamata et Horst Hrubesch ainsi que les Brugeois Willy Wellens et Jan Ceulemans. Aujourd’hui, ce n’est plus pareil : il est plus facile de faire preuve de répondant. C’est pourquoi, contrairement à l’équipe des années 80, je pense que celle-ci, dotée de qualités évidentes aussi, n’aura aucune difficulté à assurer son maintien « .

Franky Van der Elst :  » Les tâches étaient plus strictes  »

Franky Van der Elst (45 ans) a joué comme médian chez les Coalisés de 1978 à 84. Au terme de cette année-là, il est passé dans les rangs du Club Bruges où il a évolué l’espace de 15 saisons. Il est toujours chez les Bleu et Noir, mais en qualité d’adjoint.

 » Quand je songe à cette période, je me fais souvent la réflexion qu’il y avait du beau monde dans cette phalange. Dans l’entrejeu, j’étais associé le plus souvent à Yves De Greef, Patrick Thairet et au Néerlandais Hans Bouwmeester. Yves et moi étions chargés de la récupération du ballon, tandis que les deux autres s’occupaient plutôt de l’animation offensive. Les tâches, de ce point de vue-là, étaient bien définies. A présent, signe des temps, c’est un peu plus flou. Au sein de la ligne médiane du FC Brussels, selon que l’équipe est, ou non, en possession du ballon, toutes les composantes sont appelées à attaquer ou à défendre. Ce n’est pas propre à cette équipe en particulier, c’est tout simplement l’évolution du football qui le veut. Au beau milieu des années 80, la France s’appuyait aussi sur deux régisseurs dans sa ligne médiane – Michel Platini et Alain Giresse encadrés par deux ratisseurs comme Luis Fernandez et Jean Tigana. Aujourd’hui, elle dispose non seulement de meneurs de jeu excentrés, tels que Florent Malouda et Franck Ribéry mais également de milieux récupérateurs qui n’hésitent pas à mettre le nez à la fenêtre. A l’image des quelques buts signés par Patrick Vieira lors de la récente Coupe du Monde notamment. Les attributions ont changé, les systèmes aussi. Voici un quart de siècle, il n’était pas courant du tout qu’un team officie avec cinq médians. A présent, il en va parfois bel et bien ainsi. Et notamment au FC Brussels, qui s’est déjà quelquefois produit avec un seul élément en pointe – Dieudonné Kalulika ou, plus récemment, Nenad Stojanovic – et une ligne médiane formée de cinq joueurs : Kristoffer Andersen, Fabrice Omonga, Richard Culek, Julien Gorius et Ebou Sillah. Par rapport à ma propre période à la rue Malis, je remarque quand même que l’homme-clé dans ce secteur est un joueur de grande expérience, Richard Culek, et qu’en temps normal, Alan Haydock officie lui aussi dans ce compartiment. Sans parler de Christ Bruno qui, après avoir débuté au back gauche puis droit, a rendu service dans l’entrejeu aussi, avant d’être freiné par une blessure. L’un ou l’autre de ces chevronnés auraient été bien utiles à la jeune classe que nous formions au beau milieu des années 80. Le potentiel, nous l’avions, mais il faut aussi une dose de routine pour mener à bien chaque rencontre. Trop souvent, emportés par notre enthousiasme, nous oubliions d’utiliser notre matière grise sur le terrain, à des moments où nous aurions dû temporiser. Ce péché-là, je ne pense pas que les Coalisés d’aujourd’hui le commettront de sitôt. Pour ce faire, ils disposent de quelques garçons qui savent calmer le jeu. Si nous avions eu, pour nous entourer, quelques gars de cette trempe, jamais le RWDM n’aurait culbuté « .

Pol De Mesmaeker :  » J’étais responsable de la descente  »

Polleke De Mesmaeker (43 ans) a évolué de 1981 à 86 au RWDM, comme ailier gauche. Après une fructueuse carrière au FC Malines de la grande époque, il travaille à présent sur les marchés avec son épouse.

 » Aujourd’hui, plus de 20 ans après, j’éprouve toujours de profonds regrets concernant cette époque. Et, surtout, par rapport à mon attitude. J’étais jeune et je n’en faisais qu’à ma tête. Après avoir joué toute la préparation au côté du Néerlandais Roger Raeven, je n’avais subitement plus trouvé grâce aux yeux de Johan Vermeersch au moment où furent frappés les trois coups de la saison 1983-84. Je me suis laissé aller et boudais dans mon coin. J’aurais été nettement plus inspiré en me révoltant sur le terrain. D’autant plus qu’au premier tour, nous ne totalisions même pas 10 points. Après la trêve, j’ai été associé à Roger Raeven en pointe, au détriment de son compatriote Antoine Van Mierlo et dès ce moment, l’équipe s’est pleinement ressaisie, n’échouant qu’à une unité du maintien. Je crois que si je n’avais pas râlé pendant toutes ces semaines, au premier tour, jamais nous n’en serions arrivés là. C’est dommage, car malgré mon jeune âge, j’avais les qualités pour faire la différence. J’étais le chouchou du président Jean-Baptiste L’Ecluse qui, en raison de la position que j’occupais sur la pelouse, m’appelait toujours son extrême (il rit). J’ai tellement accusé le coup que, dans un premier temps, je n’avais pas voulu répondre à l’offre du FC Malines, qui me proposait pourtant des conditions financières dix fois supérieures que chez les Coalisés. Ce n’est qu’en réalisant que je risquais bel et bien d’être le dernier des Mohicans que j’ai accepté l’offre du Kavé. Non sans succès, car j’ai vécu l’âge d’or de ce club. Pourtant, le RWDM est toujours resté le club de mon c£ur. Aujourd’hui encore, ce sont toujours ses résultats qui m’interpellent en premier lieu. Et j’avoue me reconnaître en Julien Pinelli, qui a un pied gauche en tous points comparable au mien. Par rapport au Louviérois, qui a affaire à rude concurrence avec Nenad Stojanovic et Dieudonné Kalulika, j’étais sans doute un peu plus chanceux car je devais me frotter à deux garçons qui n’ont jamais, réellement, défrayé la chronique. Mais je suis sûr qu’il marchera un jour sur mes traces. Pour ce faire, il peut compter sur un coach très compétent et intelligent, qui sait fort bien qu’un jeune a besoin d’être protégé. Il est entre de bonnes mains et c’est tout profit pour son avenir « .

BRUNO GOVERS

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