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Davina Philtjens, la pitbull des Red Flames qui fait la loi sur son flanc gauche

Aurelie Herman
Aurelie Herman Journaliste pour Sport/Foot Magazine

À 33 ans, Davina Philtjens continue de faire la loi sur son flanc gauche avec l’énergie d’une jeune première. Et la rage de celle qui a dû aller chercher la gloire avec les crocs. Portrait d’une géante du football belge.

Les inconditionnels du « Seigneur des Anneaux » le savent: « Même la plus petite personne peut changer le cours de l’avenir. » Les supporters des Red Flames aussi, eux qui voient Davina Philtjens donner sa vie du haut de son minuscule mètre 51 à chaque seconde sous le maillot national depuis une quinzaine d’années. En parallèle d’un parcours quasi sans faute en plus de cent caps au total, l’Hasseltoise arbore l’un des CV les plus costauds du noyau belge avec des titres glanés… à peu près partout où elle est passée, de la Belgique aux Pays-Bas en passant par l’Italie, où elle évolue toujours sous le maillot de Sassuolo. Plutôt pas mal pour une joueuse qui devait jongler entre le foot et son entreprise de nettoyage il y a encore six ans de cela…

Quand tu la vois, tu te dis que ça va aller, car elle est toute petite, mais vu qu’elle se donne à 200% ce n’est pas si simple.  » Laura De Neve

L’envie d’avoir envie

Ce parcours force d’autant plus le respect que Davi ne fait pas partie de ces bien nées dont le talent éclate à chaque prise de balle. Surnommée Pitbull depuis ses débuts, la joueuse de 33 ans a dû se résoudre à utiliser d’autres armes pour s’imposer. « Beaucoup de gens ne croyaient pas que j’arriverais si haut », confirme la principale intéressée. « Mais j’ai utilisé ces critiques pour nourrir cette faim que j’avais en moi. Pour leur montrer qu’ils avaient tort. »

Cette énorme envie, forgée dès le plus jeune âge grâce à l’esprit de compétition qui règne au sein du clan Philtjens, où le sport fait partie intégrante de la vie quotidienne, c’est peut-être ce qui frappe le plus lorsqu’on observe la latérale gauche « bouffer la craie » tout au long de la rencontre sans jamais rien lâcher. Presqu’un instinct de survie, qui lui permet de compenser un déficit de gabarit qui la ferait passer « pour une gamine de quinze ans », comme l’avait lâché avec humour Julie Biesmans, son équipière en sélection, à la RTBF.

Si dans la vie, Philtjens est la petite marrante qui enchaîne les vannes aussi vite que les raids sur le flanc et n’hésite jamais à venir en aide aux jeunes pousses en galère, elle refuse surtout d’être celle qui retire le pied. Pas le choix. « Quand tu la vois, tu te dis que ça va aller, car elle est toute petite, mais vu son expérience et le fait qu’elle se donne à 200%, ce n’est pas si simple. On doit même parfois la calmer », se marre l’Anderlechtoise Laura De Neve, sa partenaire en défense chez les Red Flames, au moment d’évoquer une Davina qui se compare volontiers à Gennaro Gattuso.

Mais même si cette dernière rappelle en riant qu’elle « s’est assagie avec l’âge », c’est bien cette agressivité dans les duels qui la rend si indispensable. Un trait de caractère qui doit aider des Flames encore trop timorées face aux grandes nations à réaliser « un truc » à l’EURO 2022. « Son impressionnante détente, qui lui permet de gagner des duels contre des joueuses de taille et son volume de jeu, aussi », surenchérit Sara Yüceil, ex-équipière de Davina au Standard et en équipe nationale. « Même si ce n’est pas la plus grande tacticienne qui soit, cette grinta, qu’elle apporte au groupe par ses courses, son explosivité, c’est essentiel. » Des qualités qui lui permettent d’aujourd’hui jouer l’Europe en Serie A.

Davina la Darwiniste

Flashback. On est en 2008, Davina Philtjens a 19 ans et c’est là que survient le premier coup de boost d’une carrière qui renseigne déjà un titre de championne et une Coupe de Belgique avec Tirlemont. En plus d’une première cap chez les Red Flames, avec lesquelles elle est alors contrainte d’évoluer avec des shorts d’hommes qui lui donnent des airs d’ Eminem faute de disposer d’équipements aux coupes féminines, Davina rejoint le Standard. Là-bas, elle quitte son poste d’attaquante pour être replacée en tant que latérale gauche. C’est la révélation. En huit saisons passées en bord de Meuse, Philtjens gratte sept couronnes de championne, ainsi que la BeNeLeague 2015 aux côtés de Tessa Wullaert, Aline Zeler, Cécile De Gernier, Yüceil and co. Si Wullaert met directement les voiles direction Wolfsburg, la défenseuse, elle, attend encore un an avant de lâcher la société de nettoyage qu’elle dirige et d’opter pour l’Ajax, en 2016.

Un choix mûrement réfléchi… bien qu’étonnant dans le chef de cette casanière qui chérit son cocon familial comme personne. « Je pouvais aussi aller au PSV, mais Eindhoven, ce n’était pas loin de chez moi et ça serait revenu à choisir la facilité et m’encroûter », rembobine-t-elle. « À Amsterdam, j’ai grandi en tant que personne: j’ai dû apprendre à vivre seule, mais j’ai également dû apprendre à plus l’ouvrir, parce que là-bas, s’ils ont quelque chose à te dire, ils ne prennent pas de gants! » Outre le fait de se débarrasser d’une partie de sa timidité, Philtjens sort de ses deux saisons dans la capitale néerlandaise avec deux doublés dans les poches, mais aussi une technique affinée.

La suite? Elle s’écrit en Italie depuis 2018, pays où elle « s’étoffe tactiquement », selon De Neve. Après deux ans à la Fiorentina, où elle en profite gratter une Supercoupe d’Italie, la voilà qui s’éclate aujourd’hui à Sassuolo, dont l’ambition est de s’installer durablement dans le sillage des mastodontes que sont l’AC Milan et la Juventus. Avec toujours cette constante dans le chef de Philtjens: cette façon de déjouer les pronos et de s’adapter à un nouvel environnement avec succès malgré des débuts compliqués, la faute à la barrière de la langue et un éloignement plus prononcé avec son Limbourg natal. Qu’importent les difficultés, Pitbull remontre les crocs et s’impose comme l’une des backs gauche qui comptent dans le Calcio. Adepte du petit-dèj’ cappuccino-brioche, la voilà carrément devenue la plus italienne des Limbourgeoises.

Une Botte où le football féminin prend une ampleur croissante et qui lui va comme un gant, au point qu’elle se verrait y rester, même si, insiste-t-elle, « tout est possible après l’EURO »… Y compris pour coacher, indique celle qui étudie pour obtenir le précieux diplôme UEFA A. Et affiche le rêve de transmettre son savoir aux plus jeunes. Son principal message? « Même si quelqu’un vous dit que vous n’y arriverez pas, persévérez. Parce qu’il y aura peut-être une autre personne qui croira en vous. » Une Davina Philtjens, par exemple.

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