DAVID CONTRE GOALIATH

Revenu dans le Pays Noir avec le numéro 10 dans le dos et beaucoup d’attentes sur les épaules, David Pollet laisse un goût de trop peu. Trop peu de buts, surtout. Et les histoires d’attaquants qui ne marquent pas ont rarement une happy end.

« Il devait créer des espaces et a fait une bonne entrée. C’est bien pour lui.  » Les mots de Felice Mazzù à l’égard de David Pollet ressemblent à la note d’encouragement accordée à l’élève qui termine un trimestre avec des 5/10 sur son bulletin grâce à des heures passées à potasser la matière. Il faut dire que depuis le début du mois de février, l’attaquant des Zèbres vit en apnée. Sa passe pour Jérémy Perbet face à Courtrai est sa première action décisive depuis le 6 février et un but inscrit sur un centre de Clément Tainmont sur la pelouse de Zulte Waregem.

Depuis, c’est le désert. Le désert, et même le banc de touche, après une défaite à Sclessin qui a contraint Mazzù à ranger son 4-4-2 au vestiaire au nom de l’équilibre du système.  » C’est dommage car je pense que ce système marchait plutôt pas mal. Mais l’équipe a traversé une mauvaise passe, encaissait beaucoup, et a voulu resserrer les boulons. C’est moi qui en ai fait les frais.  » Parce que le coach carolo ne pouvait conserver qu’un seul attaquant sur le terrain, il a opté pour celui qui marque.

HEUREUX EN 4-4-2

Ironie de l’histoire, c’était pour retrouver du temps de jeu, de la confiance et le chemin des filets que David Pollet avait décidé de revenir fouler la pelouse du Mambour après deux titres gagnés sur le banc. Le récit du retour de l’enfant prodige commence comme dans un conte de fées, avec un but dès la dixième minute face au Beitar Jerusalem, pour son premier match, sur un service de son ami Tainmont. Ce jour-là, Pollet s’offre un doublé et une passe dé’, avant de sombrer dans une disette qui amènera la T4 à créer en son honneur un chant teinté d’ironie :  » Pollet va marquer.  »

Et Pollet ne marque pas. Ni lui, ni les autres. Au bout de quatre matches sans but zébré, Mehdi Bayat active les réseaux de son frère pour ramener un autre ancien chouchou de la maison. Perbet débarque, mais ses premiers mots sont de nature à rassurer son nouveau concurrent :  » Je préfère jouer dans un système à deux attaquants, c’est comme cela que je me sens le plus à l’aise.  » Mazzù, qui n’a pas son pareil pour mettre ses forces offensives dans les conditions idéales à leur rendement, ne tarde pas à céder à la tentation du 4-4-2. Elle permet à Perbet de marquer des buts.

Mais Pollet ne sort toujours pas la tête de l’eau. L’ancien Lensois, à la dérive, se confie à Clément Tainmont qui partage ses trajets quotidiens, et finit même par faire appel à une aide extérieure qu’il a déjà expérimentée du côté de Gand :  » Je m’entoure de personnes qui peuvent me faire progresser. Ainsi, j’ai fait quelques cours avec un coach mental et je lis des livres liés à la psychologie.  »

Pollet disparaît du onze en même temps que le 4-4-2 où les attaquants ne travaillent pas assez aux yeux de Mazzù, avant d’y revenir à la fin de l’année 2015, ponctuée par un but capital face à Genk. Sa bonne forme attire même l’oeil d’Angers, surprise de la première partie de saison en Ligue 1. Le président du SCO contacte David en janvier, tout comme le coach Stéphane Moulin. Mais le numéro 10 des Zèbres décline .

LES BUTS DE PERBET

2016 commence sous le signe des occasions manquées pour Charleroi. Perbet est dans l’oeil du cyclone tandis que Pollet est toujours loué pour la qualité de ses prestations. Il faut dire que l’animation du 4-4-2 met particulièrement ses atouts en lumière.  » Le but du jeu, quand les milieux avaient la balle, c’était que je décroche et que David parte en profondeur « , analyse Jérémy Perbet.  » Mais les trois quarts du temps, ils essayaient de chercher David. Les lignes étaient tellement étirées que le temps que je revienne pour avoir une combinaison ou réceptionner un centre, ce n’était pas possible. C’était compliqué de se trouver. Des fois, on sortait des matches et je me disais que ça avait été difficile pour tous les deux.  »

Perbet a de moins en moins d’occasions pour marquer, et Pollet galvaude celles qu’il reçoit. À Sclessin, il manque un face-à-face inimaginable face à Guillaume Hubert en début de rencontre, alors que le but s’offre à lui. Et comme Charleroi encaisse trois buts dans le même temps, Mazzù revient une nouvelle fois au 4-2-3-1. Et c’est évidemment Pollet qui en fait les frais. Le résultat ne se fait pas attendre : lors des trois derniers matches de la phase classique, Perbet marque trois fois. Seul devant. La nouvelle animation sublime le Taureau d’or, et renvoie une nouvelle fois Pollet sur le banc.

Deux ans après son départ en grandes pompes pour Anderlecht, l’homme qui avait planté onze buts en vingt-deux matches de Pro League sous le maillot zébré ne semble toujours pas être revenu au Mambour. La faute à ce cercle vicieux que traversent tous les attaquants en manque de confiance, évidemment, mais aussi au changement de statut des Carolos, qui sont devenus une équipe crainte sur une bonne partie des pelouses du Royaume en l’espace de dix-huit mois.  » Par rapport à mon premier passage, je constate que les adversaires sont plus regroupés « , admet Pollet.  » Surtout à domicile, ils n’ouvrent plus le jeu comme ils le faisaient avant les excellents résultats de la saison dernière.  » Plus près du but, avec une profondeur toujours plus rare à attaquer, David a perdu son environnement de prédilection, lui qui aime tant faire parler ses courses dans le dos de la défense. Dans les seize mètres, c’est Perbet qui s’épanouit : depuis qu’il est seul en pointe, le Français enchaîne les buts, car il est souvent le seul homme à servir dans le rectangle.

David Pollet doit maintenant se contenter des miettes. Et il les mange avec voracité, car ses montées au jeu sont souvent synonymes de panique accrue dans la défense adverse. Contre Lokeren, ou contre Courtrai, la montée au jeu de Pollet a permis à Perbet d’inscrire deux buts terriblement précieux. Le compteur de David, par contre, reste irrémédiablement bloqué à trois réalisations en Pro League. Insuffisant pour être l’un des trois meilleurs buteurs carolos. Insuffisant pour un attaquant.

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTO BELGAIMAGE

Contre Lokeren et Courtrai, la montée au jeu de Pollet a permis à Perbet d’inscrire deux buts terriblement précieux.

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