Danse avec les Loups

Nous avons suivi le match Wolfsbourg – Hanovre entouré de la famille et des amis du Diable Rouge à la VW Arena, et humé l’atmosphère d’un club qui, sous son impulsion, va jouer la finale de la Coupe d’Allemagne et occupe la deuxième place de la Bundesliga.

L’ambiance est à la fête à Wolfsbourg et le Vfl, le club de foot local, y est pour beaucoup. La semaine dernière, dans un stade comble (26.137 spectateurs), il s’est imposé 0-4 à Arminia Bielefeld (D3) en demi-finale de la Coupe d’Allemagne. Kevin De Bruyne était à la base du but inscrit par Ivan Perisic (ex-Roulers et Club Bruges). Après avoir écopé d’un carton jaune, il fut remplacé à la 55e minute par l’international français Josuha Guilavogui. Une mesure de prudence car il a souffert du pied droit.

La finale aura lieu le 30 mai au stade olympique de Berlin. Pour Wolfsbourg, qui affrontera le Borussia Dortmund, il s’agit d’un événement particulier car le club-phare de Volkswagen n’a encore remporté qu’un seul trophée, en 2009, lorsqu’il avait causé la surprise en devenant champion d’Allemagne sous la direction de Felix Magath. Il a, certes, disputé une première finale de Coupe d’Allemagne en 1995 face au Borussia Mönchengladbach mais il l’a perdue (3-0).

Plus de 20.000 supporters accompagneront l’équipe à Berlin. Les autres suivront le match sur l’écran géant installé devant l’hôtel de ville. C’est la deuxième fois que Klaus Mohrs, bourgmestre social-démocrate de Wolfsbourg, autorise une telle manifestation. En 2009, 100.000 personnes (sur une population totale de 120.000) avaient longuement fait la fête au centre de la cinquième ville de Basse-Saxe. Et tous les ingrédients pour une nouvelle explosion de joie semblent à nouveau réunis.

Vendredi dernier, l’équipe féminine de Wolfsbourg a montré la voie à suivre en remportant la Coupe d’Allemagne pour la deuxième fois en trois ans. Comme en 2013, Martina Müller, qui effectuait ses adieux, a inscrit deux buts et délivré un assist face au 1. FFC Turbine Postdam (3-0). Ralf Kellermann, l’entraîneur, saura le 10 mai si les demi-finalistes de la Ligue des Champions (elles ont été éliminées par le PSG) décrocheront un troisième titre consécutif. Pour cela, il leur suffira de battre le FFC Francfort, troisième à deux points (le Bayern est deuxième à un point seulement). La finale de Coupe, disputée devant 19.204 spectateurs au Rhein-Energie-Stadion de Cologne, était également retransmise en direct sur la chaîne publique ARD. Preuve que le football pour femmes est extrêmement populaire chez nos voisins.

Nous nous en apercevons le lendemain en nous rendant à l’Allerpark et à la VW Arena après être passé par la Porsche Arena – le centre de formation – et le Vfl Stadion – qui abrite les matches de l’équipe féminine. Wolfsbourg affronte Hanovre dans ce qu’on appelle le Nordduel. Hanovre lutte pour son maintien mais 29.514 spectateurs sont présents au stade. Notre attention est également attirée par l’AOK Stadion, un stade de 5.200 places ouvert en janvier à l’intention de l’équipe B et de l’équipe féminine.

De Bruyne, le plus populaire

 » Le football est avant tout basé sur les résultats et nous tentons de tirer un profit maximal de ceux-ci « , admet la vendeuse d’un fan-shop qui ne désemplit pas. Les gens doivent faire la file mais personne ne se plaint. Tout le monde est très discipliné et souriant. Dehors, une tonnelle abrite des articles de merchandising exclusivement consacrés à la finale de la Coupe sous le slogan Der Weg der Wölfe nach Berlin. Les T-shirts (10 €) et les écharpes (5 €) trouvent vite acquéreurs : des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux… Quand on lui demande quel joueur est le plus vendeur, la vendeuse n’hésite pas une seconde : 1. Kevin De Bruyne, 2. André Schürrle. Jusqu’il y a peu, Junior Malanda arrivait en troisième position.

Nous nous rendons tout doucement au centre nerveux, la loge numéro 30, celle de notre Diable Rouge. Pour entrer dans la VW Arena, il faut montrer patte blanche. Notre badge d’accréditation est scanné à trois reprises avant que nous arrivions au restaurant où nous attend Patrick De Koster, l’agent de Kevin De Bruyne. Le Bruxellois a choisi la décoration de la loge avec son épouse, Pascale, qui s’occupe des relations publiques et de la communication de son agence, J&S International Football Management. Au mur, un poster géant de De Bruyne. Les écrans de télévision retransmettent des résumés de matches de D2 allemande tandis que six dames installées à table dégustent du prosecco ou du vin blanc. A l’extérieur, quatre hommes et trois enfants. De Koster a choisi lui-même l’apéritif. Le service catering du club fonctionne à la perfection. Michelle, la copine de De Bruyne, et Stéphanie, sa soeur, sont un peu malades. Anne, sa maman, et Herwig, son papa, se rendent au buffet.

 » Voilà le loup « , s’écrie soudain le petit Lucas. Il est 14 h 50 et la mascotte fait son entrée sur le terrain. Pour chauffer le public, les haut-parleurs diffusent Rockin’ all over the world, de Status Quo, puis Thunderstruck, d’AC/DC. Le fils de Werner Moonens, un des invités, sort son iPad et prend des photos. Quelques minutes plus tard, nouveaux frissons lorsque les joueurs montent sur le terrain, Schürrle en tête. De Bruyne, troisième dans la file, est très applaudi. Il répond en levant le pouce. Sur un des murs de la loge, un tableau sur lequel est écrit à la craie : KDB Family & Friends. En dessous, des polaroïds sont affichés. Nous reconnaissons rapidement Dimitri Daeseleire, défenseur de Saint-Trond et ancien joueur de Genk.

Il est le fiancé de Joyce, la fille de Patrick et Pascale De Koster. Le mariage est prévu pour le mois de mai de l’année prochaine. Sous la photo, il a écrit 1ste Wolfie, accompagné d’un coeur. Les meilleurs amis de De Bruyne, rassemblés sous l’appellation The Crew, sont également sur les photos. Leur message : Brave Jongens. Katrien, la copine de Dries Mertens, est déjà venue à Wolfsbourg également : A mon deuxième Diable préféré. X Kat, a-t-elle écrit. Anne nous explique que, parmi TheCrew, il y a un Hollandais :  » Juriën Dam a joué avec Kevin en équipes d’âge à La Gantoise. Il est originaire de Terneuzen. Il a également fait une semaine de tests avec lui à Arsenal.  »

Assists numéros 18 et 19

A 15 h 25, De Koster rappelle tout le monde :  » Les amis, le match va commencer. Wo sind die Wölfe ? Moment particulier juste avant le coup d’envoi : un loup apparaît sur le grand écran et se met à hurler. Tout le public reprend son cri. Tandis que Michelle et Stéphanie se réfugient sous une couverture, Herwig refuse de s’asseoir.  » Ce n’est pas que je sois nerveux mais je préfère suivre le match debout : on voit mieux.  »

Werner fait remarquer qu’après dix minutes, on n’a pas encore beaucoup joué avec De Bruyne. Il doit cependant rapidement changer d’avis car, à la douzième, celui-ci combine avec Schürrle.  » Bien joué ! Tu vois, quand Kevin touche le ballon, tout va bien plus vite.  » A la 24e, De Bruyne intercepte un ballon et adresse un centre parfait à Bas Dost, qui inscrit son quatorzième but de la saison.  » Oh Kevin, qu’est-ce que tu nous fais ? « , dit Herwig, super heureux.  » C’est déjà son 18e assist.  » Werner approuve :  » Où s’arrêtera-t-il ?  » Vieirinha, l’arrière droit, exécute un petit numéro.

 » D’après Kevin, c’est le joueur du noyau qui possède la plus belle technique « , dit Herwig.  » C’est presque un attaquant. Heureusement, il a rempilé jusqu’en 2018.  » Il attire également notre attention sur le fait que Kevin et Luiz Gustavo ne cessent de replacer leurs partenaires.  » C’est Dieter Hecking, l’entraîneur, qui veut cela.  » Juste avant la mi-temps, De Bruyne délivre un deuxième assist à Perisic, qui expédie le ballon dans la lucarne d’un tir tendu du pied gauche.  » On ne le voit pas puis, soudain, il surgit « , dit De Koster tandis que le speaker du stade est en transe.  » Zwei fur die Wölfe, Hannover…  » Et le public réagit :  » Nullllll « . Bitte schön, danke schön.

Ces deux assists valent à De Bruyne de passer en tête du classement des meilleurs passeurs des cinq plus grands championnats européens. Il fait mieux que Lionel Messi (Barça, 18) et Cesc Fabregas (Chelsea, 17). Au repos, un hommage est rendu à l’équipe féminine au centre du terrain. Beaucoup d’entre elles portent des lunettes de soleil. Elles effectuent un tour d’honneur au son de O Fortuna(Carmina Burana) de Carl Orff.

 » Hola, qu’est-ce qui se passe ? Ils dorment ? « , demande Herwig lorsque Jimmy Briand, qui vient d’entrer au jeu, ramène le score à 2-1 à la 47e minute. Et il secoue encore plus la tête à la 58e minute, lorsque Salif Sané fait 2-2 d’un retourné magistral sur corner. Wolfsbourg ne réagit plus que par Perisic, qui tire sur la transversale.  » Aïe, ils ont perdu le fil « , dit Werner. Malgré une possession de balle de 62 %, Wolfsbourg ne s’en sort que grâce à deux arrêts de Diego Benaglio dans les dix dernières minutes.  » Ils peuvent encore s’estimer heureux avec un point « , conclut Werner.

Kevin De Bruyne est le premier à quitter le terrain. Fâché, il jette son bidon au sol.  » Je le comprends « , dit Herwig.  » En prenant les trois points, le Vfl aurait fait un grand pas vers la deuxième place. Maintenant, il va falloir se battre.  »  » Dans un quart d’heure, il sera calmé « , rassure Michelle.  » Quand nous quitterons le stade, il n’y paraîtra plus.  »

L’usine à rêves

Un quart d’heure après le coup de sifflet final, De Koster réintègre la loge, un peu essoufflé, un sac d’articles de merchandising à la main.  » Nous payons nous-mêmes ces maillots et ces boîtes à tartine à l’effigie de Kevin, c’est au profit d’une action humanitaire « , dit-il. On nous tend une feuille avec les statistiques du match. Il en ressort que notre compatriote a été le plus dangereux avec six passes donnant lieu à des tirs au but.

A 17 h 50, Clemens Mayer, le responsable du sponsoring, amène Kevin De Bruyne – qui porte un training Nike – à la séance d’autographes réservée aux fans. Il arrive à la loge une demi-heure plus tard. Il salue brièvement sa famille et les amis mais on dirait un aimant : toutes les deux minutes, quelqu’un entre pour lui demander un selfie ou un autographe (sur le maillot, sur la casquette). Kevin De Bruyne se prête au jeu de bonne grâce, il a l’habitude.

 » Je râle « , dit-il sincèrement.  » Ces dernières semaines, nous avons laissé filer plusieurs occasions de nous assurer une place en Ligue des Champions. Pourtant, sur l’ensemble de la saison, nous mériterions d’y être. Wolfsbourg a tout ce qu’il faut pour jouer la tête du championnat d’Allemagne mais si nous avons dix internationaux, le Bayern Munich en a vingt, vous comprenez ? C’était notre 48e match de la saison et, chez certains joueurs, la fatigue commence à se faire sentir. Moi aussi, j’ai joué sous infiltration. Ça commence à peser.  »

Il est particulièrement satisfait de ses statistiques mais aussi flatté que ses belles performances en Europa League aient été remarquées.  » C’est pour ça qu’on joue au foot, non ? J’essaye de progresser chaque année. Les assists et les buts, c’est important mais ce n’est pas tout. Je me sens très apprécié en Allemagne. Mon engagement et ma mentalité de gagneur leur plaisent. Au cours des quatre derniers mois, je n’ai passé que quelques heures chez mes parents, au moment des matches de l’équipe nationale. C’est pourquoi je suis content de pouvoir accueillir tous les quinze jours des gens que j’apprécie.  »

A 18 h 30, Kevin De Bruyne et sa famille quittent la VW Arena. En sortant de la loge numéro 30, nous remarquons sur le mur une phrase qui en dit long : Fussball ist unser Traum vom Titel (le football, c’est rêver du titre). Enfin une usine où on a le droit de rêver.?

PAR FRÉDÉRIC VANHEULE À WOLFSBOURG

 » Je râle. Depuis quelques semaines, on laisse filer des occasions d’assurer une place en Ligue des Champions.  » Kevin De Bruyne

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