» Dans le bon « 

Bruno Govers

Que sa route crochète ou non par le Portugal, le sélectionneur sait où il va.

Mercredi prochain, face à la Croatie, les Diables Rouges disputeront leur avant-dernière joute pour le compte des éliminatoires du Championnat d’Europe 2004. Un rendez-vous capital, au demeurant, car en cas de perte de l’une ou l’autre unité, nos représentants hypothéqueraient sans doute définitivement leurs chances de rallier le Portugal, organisateur de la douzième édition de l’épreuve.

En tout cas, Aimé Anthuenis se fait fort que le match de clôture contre l’Estonie, le 11 octobre, ne s’assimilera pas à un simple baroud d’honneur pour ses ouailles :  » Je caresse l’espoir de faire le carton plein à la faveur de ces deux confrontations à domicile. Avec un total de 16 points, tout porte à croire que nous entrerions en considération pour les matches de barrage entre les deuxièmes des groupes de qualification « .

Pour y parvenir, il faudra cependant battre Ivica Mornar et les siens qui ne nous avaient déjà pas réussis lors des préliminaires pour la Coupe du Monde 2002 : 0-0 lors du premier match de poule au stade Roi Baudouin. Sans Geert De Vlieger, auteur d’un arrêt-réflexe magistral sur un tir de Davor Suker, à un fifrelin du terme, les Diables Rouges se seraient d’ailleurs retrouvés d’emblée les mains vides.

Aimé Anthuenis : L’ancien Madrilène a beau avoir tiré sa révérence depuis lors, nous n’avons pas gagné au change avec ses successeurs (il rit). L’équipe croate que nous avons rencontrée à Zagreb, au printemps passé, aura été de loin la plus coriace de toutes celles qu’il me fut donné de rencontrer avec l’équipe nationale depuis mon entrée en fonction, il y a tout juste un an. Même si, en guise de première, la Bulgarie, emmenée par un Krassimir Balakov souverain, n’était pas mal du tout non plus. Mais il n’y avait pas photo, malgré tout, entre cette équipe-là et celle qui nous malmena quelques mois plus tard, au stade Maksimir. 4-0, cette Croatie-là nous avait vraiment fait mal.

En tant que troisième de son groupe derrière ces deux nations, la Belgique ne se situe-t-elle pas à sa véritable place finalement ?

S’il y a un décalage évident avec les autres représentants que sont l’Estonie et Andorre, l’écart me paraît beaucoup plus ténu entre la Bulgarie, la Croatie et nous-mêmes. En tout et pour tout, nous ne sommes passés qu’une seule fois à côté de notre sujet : en Croatie. A Sofia, en revanche, nous aurions fort bien pu venger la défaite concédée dans nos installations, face aux Bulgares, à l’occasion de notre entrée en matière dans cette compétition. Si l’arbitre Pierluigi Collina avait osé prendre ses responsabilités ce soir-là, il aurait dû siffler un penalty en notre faveur, au cours des ultimes péripéties de la partie, suite à un accrochage sur Mbo Mpenza. En cas de conversion, nous aurions comptabilisé actuellement deux points de plus et la Bulgarie trois de moins. Et, par là même, le prochain match contre la Croatie se serait inscrit dans un contexte forcément différent. Je le dis et je le maintiens : l’arbitre italien fut réellement très mal inspiré sur cette phase.

L’inconnue Jelle Van Damme

Les Pays-Bas constituèrent-ils un sparring-partner de choix dans l’optique de cette confrontation ?

Contre une opposition de valeur, j’aurai quand même eu mes apaisements quant au niveau général de l’équipe et de ses composantes. Je n’en fais d’ailleurs pas mystère : à moins que la fatalité ne s’en mêle, il y a 95 % de chances que je reconduise exactement le même onze de base que face aux Néerlandais. Ma seule réserve concerne éventuellement Jelle Van Damme si, contrairement à ce qui s’était passé pour lui ces dernières semaines, il devait être privé de compétition à l’Ajax Amsterdam et remplacé par John O’brien ou Maxwell. Un autre cas, dans un registre à peu près similaire, a trait à Emile Mpenza. Pour entrer en ligne de compte chez les Diables Rouges, il faut quand même qu’il excipe d’un minimum de présence sur le terrain à Schalke 04. Et il n’en est manifestement pas encore là pour le moment.

Hormis Jelle Van Damme, vous avez dix certitudes dans l’optique du match contre la Croatie. Lors de votre arrivée au pouvoir, le 21 août 2002, contre la Pologne, on était loin du compte : il n’était pas encore question de Thomas Buffel ou de Jelle Van Damme à ce moment-là, Walter Baseggio n’était pas assuré d’une place de titulaire et on en passe. Quels ont été les grands axes de votre démarche durant ces 12 mois ?

A part le poste de gardien de but où j’ai pu £uvrer dans la continuité, les autres secteurs ont effectivement dû être repensés, soit en raison du retrait de certains, comme Marc Wilmots, Gert Verheyen ou Johan Walem, soit parce qu’ils étaient tout bonnement perfectibles. Je songe par exemple à la défense, où je me suis moi-même un peu perdu en conjectures quant à la configuration idéale de l’axe central. Au départ, je disposais de trois candidats pour deux places avec Daniel Van Buyten, Joos Valgaeren et Glen De Boeck mais aucun ne donnait réellement pleine satisfaction. En définitive, j’ai dû me résoudre à titulariser Timmy Simons dans la ligne arrière et, depuis lors, elle a sans conteste gagné en stabilité. Corollairement, il m’aura fallu trouver une solution de rechange dans l’entrejeu, puisque Yves Vanderhaeghe, qui faisait figure d’alternative pour le Brugeois, s’est blessé. Dans un premier temps, Gaby Mudingayi a fait l’affaire avant que Philippe Clément ne s’impose de maîtresse façon.

A l’issue du match contre les Pays-Bas, vous avez déclaré que celui-ci formait un tandem idéal au côté de Walter Baseggio dans l’entrejeu. Pourquoi ?

Pour l’avoir dirigé pendant trois ans à Anderlecht, je suis d’avis que le Clabecquois n’exprime jamais mieux son talent que lorsqu’un véritable récupérateur officie à ses côtés et qu’il peut servir lui-même d’approvisionneur pour un joueur offensif, que celui-ci évolue comme régisseur ou comme deuxième attaquant. Walt en a fait l’expérience au côté d’Yves Vanderhaeghe et comme soutien d’Alin Stoica au Sporting et, chez les Diables Rouges, il opère dans un schéma analogue avec Philippe Clément à sa hauteur et Thomas Buffel devant lui. Pour qu’il donne toute la mesure de son talent, le médian anderlechtois aura toujours besoin d’un ratisseur à ses côtés. C’est pourquoi je comprends les réticences d’Hugo Broos à l’aligner de concert avec Pär Zetterberg en se privant du concours d’un Besnik Hasi actuellement, voire d’un Yves Vanderhaeghe ou encore d’un Junior lorsque tous deux seront rétablis.

La France comme modèle

Avant sa malencontreuse blessure, vous aviez fait de Junior un Diable Rouge en puissance. Idem pour Vincent Kompany à présent et même pour Serge Djamba-Shango, dit-on, sans oublier Gaby Mudingayi, déjà mentionné lui aussi. La Belgique pourrait-elle s’inspirer tant et plus, sous vos ordres, du modèle multiracial français ?

Pour le moment, certains dénichent encore le jeune talent en Afrique, comme Lokeren. D’autres, à l’image d’Anderlecht par exemple, sont déjà à un stade plus avancé et s’attachent à former des éléments de ce continent, issus de la deuxième ou troisième génération, et qui se sont affiliés chez lui en bas âge. Lors de mon arrivée au RSCA, en 1999, j’ai été sidéré, en tout cas, de découvrir le nombre de joueurs de couleur dont regorgeaient les formations de jeunes. Depuis que je suis à la tête des Diables Rouges, je me rends compte d’une même tendance parmi nos diverses sélections représentatives. Ce n’est pas anormal. De tous temps, les Noirs se sont toujours distingués par des qualités athlétiques supérieures à la moyenne. Les récents championnats mondiaux d’athlétisme, à Paris, en auront été une fois de plus un exemple frappant. Dès l’instant où certains ont su coupler des qualités footballistiques évidentes à leur formidable potentiel, on ne s’étonnera pas qu’ils dominent de plus en plus leur sujet. L’évolution d’Aruna Dundane en dit long à ce sujet. Et tout porte à croire qu’un Junior et un Vincent Kompany sont appelés eux aussi à un même avenir radieux.

Deux secteurs n’ont pas encore été évoqués, jusqu’ici, dans notre tour d’horizon : le goal et l’attaque. Commençons par le poste de gardien : quand Geert De Vlieger et Frédéric Herpoel sont absents au même moment, comme à Zagreb, c’est manifestement le désert…

Francky Vandendriessche a eu un moment d’égarement fâcheux là-bas, qui a hélas contaminé toute sa prestation. Mais il n’était sûrement pas le seul responsable de notre revers. La moitié de l’équipe pouvait être aisément montrée du doigt. Certains m’ont reproché, après coup, d’avoir jeté mon dévolu sur le keeper qui s’était le plus souvent retourné en championnat, puisque l’Excelsior Mouscron reposait sur la défense la plus perméable à ce moment. Mais qui aurait-il fallu prendre ? Edwin Lemmens ? Il avait fait l’objet de plusieurs missions de scouting en Espagne et les rapports n’étaient guère plus élogieux. Peut-être y a-t-il effectivement un hiatus entre les deux meilleurs portiers belges actuels et les autres. Mais celui-ci pourrait fort bien être rapidement comblé. Par Tristan Peersman, notamment, s’il continue sa progression dans la hiérarchie anderlechtoise. Même s’il a joué de malchance au Parc Astrid, sous la forme de bobos divers, au moment où j’y étais moi-même entraîneur, j’ai quand même pu mesurer un potentiel évident chez lui.

Une relève prometteuse

Un autre joueur que vous avez eu sous vos ordres au Sporting et que vous retrouvez aujourd’hui comme sélectionneur, est Tom Soetaers. Un attaquant qui n’avait pas bénéficié d’un énorme temps de jeu, ce qui l’avait poussé à tenter sa chance à Roda JC Kerkrade.

A l’époque, il était probablement plus difficile de s’imposer en équipe fanion du RSCA qu’aujourd’hui. A fortiori comme attaquant puisque Tomasz Radzinski, Jan Koller et Elonga Ekakia faisaient figure de priorités aux avant-postes. Tom Soetaers se retrouve dans la même position en équipe nationale, aujourd’hui, qu’à Anderlecht : il est actuellement barré par meilleur que lui, en ce sens que Thomas Buffel et Wesley Sonck constituent les premiers choix parmi les joueurs de ce gabarit. Contre les Pays-Bas, cette association a payé. Mais en d’autres circonstances, un véritable bélier s’impose parfois. Et ceux qui répondent le plus à ce profil sont Cédric Roussel et Bob Peeters, que je ne perds pas de vue, loin s’en faut.

Si la Belgique ne se qualifiait pas pour l’EURO 2004, quel en serait l’impact sur la génération actuelle ?

Dans la mesure où notre championnat, ainsi que le néerlandais, sont quand même moins relevés qu’en Angleterre, en Espagne ou en France, une apothéose comme une phase finale d’un Championnat d’Europe ou une Coupe du Monde constituent un plus dans l’épanouissement d’un joueur. A défaut, un même résultat peut être obtenu par le biais d’une participation à la Ligue des Champions. C’est la raison pour laquelle je suis heureux qu’Anderlecht, Bruges, l’Ajax, Marseille et le Celtic, tous fournisseurs de Diables Rouges, ont décroché la timbale. La Belgique ne peut que s’en porter mieux.

Après la Coupe du Monde 2002, plusieurs joueurs avaient renoncé à l’équipe nationale. D’autres, qui avaient franchi le seuil de la trentaine comme Nico Van Kerckhoven, n’ont plus fait l’objet d’une convocation de votre part. Une même coupe pourrait-elle être de mise après le Portugal ?

Je n’ai pas encore perçu la moindre indication en ce sens de la part de tel ou tel joueur et moi-même, compte tenu du contexte actuel, je ne pousse personne vers la porte de sortie. Mais quelles que soient les intentions de l’un ou l’autre, j’estime que nous sommes dans le bon en prévision de l’avenir. J’ai déjà cité quelques noms mais je pourrais facilement en ajouter d’autres. Comme Koen Daerden, Stijn Huysegems, Onder Turaci et Jonathan Walasiak, pour ne m’en tenir qu’à eux. Avec eux, je sais à quoi m’attendre. Et c’est prometteur aussi.

 » La Belgique n’a jamais souffert autant sous mes ordres qu’à Zagreb « 

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