Dans la vitrine

L’avant ivoirien veut inscrire 15 buts et permettre à son club de terminer dans le top 7.

C onstant Kipre Kaiper :  » Je viens d’un milieu modeste. Mon père est adjudant-chef, ma mère a été secrétaire mais a arrêté de travailler. Je suis un Ivoirien de pure souche. Nos ancêtres ont tous leurs racines dans ce pays. Avant ma mère, mon père a eu d’autres femmes. Au total, j’ai neuf frères et cinq s£urs. Des demi-frères et s£urs, car je n’ai qu’un seul vrai frère. La partie islamique du pays autorise les hommes à épouser plusieurs femmes mais ce n’est pas le cas chez nous. Nous ne vivons donc pas en communauté.

J’ai intégré l’Académie à 14 ou 15 ans, je ne sais plus exactement. Comme tous les autres, j’ai été découvert à l’occasion d’un tournoi organisé par l’Académie. J’ai dû choisir entre l’école et le football. Mon choix a été vite fait : à mes yeux, l’Académie constituait un billet pour l’Europe. J’y ai été heureux pendant quatre ans. Nous nous comprenions à merveille, chacun poursuivait le même objectif et nous venions du même quartier. DidierZokora, Gilles YapiYapo, JosselynnJoss Péhé : je les connais pour ainsi dire depuis leur naissance. Non que nous ayons été des amis avant, mais nous jouions au foot ensemble.

Je n’ai jamais remarqué de signe de jalousie. Nous nous soutenions les uns les autres, en espérant pouvoir rejoindre l’Europe. Je n’ai perçu aucune réaction négative, ni à l’école ni dans le voisinage.

Ce n’est qu’en Belgique que j’ai commencé à jouer pour les points. De mon temps, l’Académie collaborait étroitement avec l’ASEC, mais alors que j’allais en porter les couleurs, on m’a transféré à Beveren, avec ArthurBoka, notre arrière gauche.

Au début, c’était difficile. Il y avait le climat mais bon, on peut s’armer contre le froid. Nous n’étions pas dépaysés puisque beaucoup de compatriotes vivaient ici. Nous avions quelque peu le mal du pays. Notre famille nous manquait. C’est le rythme des matches qui a requis la plus grande adaptation. Pour nous, gagner est intrinsèquement moins important que bien jouer. D’un coup, je devais affronter un stress qui m’était inconnu. Ça, la tactique, la presse, les supporters, ça faisait beaucoup.

Je marque facilement. Je vais droit au but. Mais sans l’aide de mes coéquipiers, ça n’irait pas, je tiens à le souligner. Ce sont eux qui assument la construction du jeu pendant que j’attends le ballon en pointe. Après un début aisé, je trouve plus difficilement le chemin du but. J’espère que cette période passera vite. Je ne me tracasse pas : chaque attaquant connaît de tels passages à vide. Ma foi et ma morale me soutiennent : il en faut beaucoup pour me déséquilibrer.  »

Le SK Côte d’Ivoire

L’entraîneur, Herman Helleputte, fait du bon boulot avec ce groupe. Il nous traite en adultes, ce que nous sommes d’ailleurs. Il nous comprend et saisit bien notre caractère. Il nous accorde beaucoup de liberté et laisse passer certaines choses car il sait que nous pouvons flipper s’il nous met trop sous pression. Il aime travailler calmement. D’accord, les plus anciens sont en Belgique depuis près de trois ans et peuvent donc supporter une certaine pression. N’oubliez pas non plus que Yaya Touré, Yapi et Arsènesont bientôt en fin de contrat. Ils doivent donc se mettre en évidence s’ils veulent intéresser un autre club. Idéalement, ils doivent partir, pour laisser leur place à d’autres Ivoiriens.

Si nous n’avons pas une mentalité de vainqueurs ? Je pense que nous ne pouvons brûler aucune étape de notre développement. Nous avons appris à jouer en Afrique et nous adaptons notre manière d’être à l’Europe mais nous amuser reste essentiel. Les victoires suivront automatiquement. Nous voulons nous amuser, bien jouer, c’est dans notre mentalité. Le reste viendra, cette année encore, prenez patience. La première année a été dure, pour les pionniers. Ils n’étaient que quatre ou cinq et faisaient face à une certaine opposition. Ils ont mangé leur pain noir. La saison passée a été meilleure, avec sept Ivoiriens sur le terrain, voire davantage. Ce ne sont pas mes propos mais ceux de l’entraîneur. Plus il y a d’Académiciens, plus le jeu est bon, avec la victoire en fin de compte.

Cette saison est un peu moins bonne mais nous allons nous reprendre rapidement. Nous avons perdu des matches que nous dominions et que nous n’aurions pas dû perdre. Ce qui nous fait encore défaut, sans doute, c’est ce fifrelin de caractère.

Je ne suis pas trop sûr de ma place et je ne me laisse pas aller. Permettez-moi de m’expliquer : j’ai besoin d’être à l’aise, en position confortable, même si je suis d’accord que c’est la concurrence qui fait progresser, qui vous pousse en avant. L’année dernière, quand Yaya a eu un creux, on a dit qu’il avait grossi. Souvent, quand Beveren perd, la réponse est toute prête : – Les Africains arrivent souvent en retard. La vérité est un ensemble de facteurs, elle ne se réduit pas à un cliché. Croyez-moi : notre bilan, en fin de saison, sera meilleur que celui de l’année dernière. Je suis plus détendu qu’alors, mais pas parce que je travaille moins. Parce que j’ai plus d’expérience.

Au début, l’argent est toujours un problème. C’est réglé, maintenant. Tout le monde est content de son salaire, même si nous savons que nous gagnons le minimum et que nous devons quitter ce club pour obtenir de meilleures conditions. La balle est dans notre camp : à nous de nous montrer.  »

 » L’éloignement n’est pas une fausse excuse  »

 » Peut-être partirai-je en fin d’exercice. Le football nous a réunis mais il va aussi nous séparer. Chacun doit faire son chemin. Pour être franc, il ne me déplairait pas qu’on me mette davantage sous pression mais je ne vais quand même pas le proclamer au club (il rit). Finalement, personne n’aime travailler dur. (Il observe un instant de silence). 15 buts, ça peut être mon objectif.

Mon amie et moi on se téléphone énormément. Malheureusement, c’est notre réalité quotidienne. Je lui fais des cadeaux mais il y a ses doutes, les problèmes liés à la distance. Ces choses influencent notre vie. Nous sommes toujours liés. J’aimerais qu’elle me rejoigne (il soupire). Ça me travaille. Une fois, Monsieur Guillou m’a convoqué dans son bureau. Il m’a demandé ce qui n’allait pas. Je le lui ai confié mais il a balayé le problème. Il m’a dit que c’était une fausse excuse. Ce n’est pas le cas, vous savez. Il y a une vie, à côté du football. Cette affaire me perturbe. S’il peut faire transférer des joueurs ici, il doit réussir à faire venir leurs partenaires. Il déclare qu’il a essayé mais que ça ne marche pas. Je continue à espérer.

Je suis sous contrat jusqu’en 2005. Nous voulons terminer la saison parmi les sept premiers. Un transfert ? On verra bien. Je n’ai pas de manager, c’est Monsieur Guillou qui s’occupe de nous. Il n’a pas beaucoup confiance dans les managers et nous répète qu’un club qui s’intéresse à nous nous trouvera bien tout seul. Nous l’écoutons, nous lui faisons confiance mais sans toujours faire ce qu’il veut. Quand nous ne sommes pas d’accord avec lui, nous le lui disons et nous ne faisons pas ce qu’il demande « .

Peter T’Kint

 » Nous faisons confiance à Monsieur Guillou mais sans toujours faire ce qu’il veut  »

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