Dans L’OMBRE

Vainqueur du Circuit Het Volk en février dernier, le Campinois (24 ans) se prépare au Tour des Flandres.

En 2003, lors de ses débuts professionnels, on a surtout parlé de sa relation avec une cycliste, Evy Van Damme, devenue sa femme depuis, et de son diplôme universitaire en communication. Les observateurs savaient aussi que Nick Nuyens était un talent réel en cyclisme… En 2002, lors de sa dernière saison en Espoirs, il a gagné le Tour des Flandres et le championnat de Belgique. Quick Step l’a engagé six semaines après l’obtention de son diplôme.

En septembre dernier, il a éclaté, remportant trois victoires de taille en neuf jours : Paris-Bruxelles, le GP de Wallonie et le GP Prato :  » J’avais bien couru au printemps. Gand-Wevelgem fut une de mes meilleures courses mais comme je n’avais pas gagné, on ne m’a pas remarqué. Je me suis placé au service de l’équipe, j’ai travaillé dur et j’ai progressé. L’équipe a remarqué que je terminais plus près des premiers et j’ai gravi les échelons de la hiérarchie. A Paris-Bruxelles, Tom Boonen m’a dit qu’il ne se sentait pas bien et qu’il ne fallait pas l’attendre « .

Evy a déclaré que vous vous sous-estimiez.

Nick Nuyens : C’est vrai. Dans un jour sans, je doute vite de moi, comme quand je suis fatigué en fin d’épreuve. Je dois comprendre qu’en de tels moments, tout le monde l’est. Après 230 kilomètres, nul n’est encore en jambes. J’étais empreint d’assurance au GP Prato. Je m’étais contenu jusqu’au dernier circuit local puis j’ai démarré. On m’a rattrapé et j’ai pensé : – Je les aurai au sprint.

Ces performances ainsi que votre victoire au Circuit Het Volk relèvent la barre.

Je dois pouvoir accomplir un nouveau pas en avant. Il est possible que je gagne moins tout en effectuant une meilleure saison. Je ne dis pas que je vais gagner une grande classique. C’est possible mais je ne suis pas le finisseur de l’équipe non plus. Je grandis dans l’ombre. Je peux tirer mon épingle du jeu quand les leaders, Boonen et Paolo Bettini, ne sont pas en grande forme ou sont trop neutralisés par les autres mais je ne suis pas encore capable de porter le poids d’une course. Ma mission a quand même changé : alors qu’avant, façon de parler, j’étais le premier à rouler en tête, je dois assister les leaders le plus longtemps possible et si je suis encore là au final, tout est possible.

Vous aimez grandir dans l’ombre. Pour éviter la pression ?

Sans doute. Je peux la gérer. La pression ne me jouera pas de tours. On me dit calme mais en fait, j’intériorise. En Juniors, je souffrais de l’estomac avant chaque course. Quand les supporters me demandaient comment je me sentais et que je répondais ûMal !, ils étaient rassurés : j’allais bien rouler. Une saine nervosité ne fait pas de tort. Je ne souffre plus de l’estomac, maintenant, mais je suis casse-pieds. Ceci dit, les grandes classiques ne sont pas encore à ma portée. Je ne vis pour le cyclisme que depuis trois hivers, à cause de mes études.

Votre programme est chargé : Milan-Sanremo, les classiques flamandes, les classiques wallonnes puis le Tour d’Italie…

On verra : ce serait stupide de rouler le Giro en étant cuit. L’année dernière, j’ai fait les classiques wallonnes au service de Bettini. Les Flamandes me conviennent mieux, surtout maintenant. Dans quelques années, j’aurai plus de force pour négocier les collines ardennaises. Bettini espère mon aide à la Flèche Wallonne et à Liège-Bastogne-Liège mais on verra si je suis assez frais.

Comment s’est passée votre préparation ?

Mon mariage en novembre et ma chute à Paris-Tours m’ont contraint à en retarder le début mais je me suis astreint à plus de séances longues car dans le passé, mes bases n’étaient pas suffisantes. J’ai besoin de courses pour acquérir du rythme et ces longs entraînements portent leurs fruits.

 » Mes études universitaires ont retardé mon éclosion  »

Vos études ont retardé votre éclosion…

En Espoirs, mes études ont constitué un handicap mais maintenant, c’est le contraire : je peux encore progresser en m’entraînant plus dur. Ces quatre années ont été pénibles. Mon programme était chargé et je devais aussi me détendre car rester dans son kot, c’est impossible. J’espère ne pas avoir besoin de mon diplôme plus tard û cela signifierait que j’ai réussi ma carrière sportive û mais peu de coureurs peuvent se permettre de ne plus travailler.

Quand avez-vous su que vous pouviez réussir ?

J’ai joué au foot pendant onze ans. Puis j’ai voulu un diplôme à tout prix car on ne va pas loin avec des humanités latin/grec. En m’entraînant, je me disais que si j’échouais, je rejoindrais les cyclotouristes. J’ai gagné dix courses lors de ma première année Espoir et j’ai rejoint l’équipe semi professionnelle de Herman Frison. Je savais alors que des performances m’ouvriraient la porte du professionnalisme. J’ai eu du mal à me faire à des courses plus longues, mes études en ont pâti. Puis j’ai gagné le Tour du Brabant. En deuxième licence, j’ai entamé ma thèse sans tarder û la partie théorique était achevée en décembre û pour pouvoir m’entraîner. La Flèche Campinoise a été ma première grande victoire.

Comment vit un couple de cyclistes ?

Nous nous soutenons. Evy s’entraîne moins longtemps et s’occupe plus du ménage mais je l’aide. Vivre avec quelqu’un qui comprend ce qu’implique une carrière de cycliste a ses avantages. Evy sait que nous ne pouvons pas sortir souvent. Pour l’entraînement, nous partons ensemble et elle revient plus tôt ou nous la déposons à la maison. Elle est rarement en tête mais elle suit sans problème. Dans les courses internationales, les femmes atteignent 40 km/h de moyenne aussi.

Un jour, vous avez écrit une lettre de lecteur pour réagir aux accusations de dopage en cyclisme. C’est quand même un problème ?

Oui, puisque certains se font prendre. Mais quand c’est le cas d’un footballeur, ça fait un petit encadré dans le journal tandis que pour un cycliste, ça s’étale sur deux pages. Ceci dit, les instances concernées s’y prennent bien. Il faut beaucoup de contrôles inopinés. Mais il y a un os : il est presque impossible de remplir une liste en disant où vous serez, jour après jour, pendant les trois mois à venir. C’est excessif. J’ai écrit cette lettre car des gens généralisent et disent que tous les coureurs se dopent. Quand, en plus, des médecins déclarent qu’un sportif entraîné ne peut avoir que 40 d’hématocrite alors que je suis aux alentours de 44 quand je suis bien… Le public les croit : ils sont médecins et moi seulement coureur. Ces personnes doivent être frustrées ou avoir besoin de faire la une des journaux. La saison passée, après mes trois victoires, des gens m’ont dit : – Tu as sans doute trouvé quelque chose de bien ? C’est triste mais il faut rester au-dessus de tout ça.

Roel Van den Broeck

 » La pression ne me jouera PAS DE TOURS « 

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