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Dans l’écurie des poulains

Champion d’Allemagne pour la dernière fois en 1977, le Borussia Mönchengladbach s’est pris à rêver du titre cette saison mais après un zéro sur neuf à domicile, le club de Thorgan Hazard serait déjà heureux de participer à une Coupe d’Europe. Car il revient de loin.

À deux heures du coup d’envoi, on se presse déjà pour entrer dans les parkings qui entourent le Borussia Park mais le trafic est fluide. Le nouveau stade, construit en 2004 sur un terrain déserté par l’armée britannique, a été conçu pour réduire au maximum le temps d’attente.

Depuis un mois, pourtant, c’est un véritable village qu’on trouve ici : le stade est entouré de bureaux, d’une boutique, d’un centre de formation avec un internat pouvant héberger 24 joueurs, d’un hôtel, d’un centre de rééducation et, bientôt, d’un musée. Le tout regroupé dans un seul endroit car le Borussia Mönchengladbach est une famille.

Une famille qui se veut moderne mais respecte la tradition. La rue qui mène au complexe s’appelle Hennes Weisweiler-Allee, du nom de l’entraîneur mythique qui a rendu le club célèbre dans les années 60. Hennes Weisweiler, professeur à l’école de sport de Cologne, était un apôtre du beau football. Comme son club n’avait pas d’argent pour acheter des joueurs, il les formait. Avec succès puisque, en onze ans (1964 à 1975), le Borussia Mönchengladbach a rejoint la Bundesliga, a été sacré trois fois champion et a remporté la Coupe de l’UEFA ainsi que la Coupe d’Allemagne.

Nous formons les joueurs, nous les faisons progresser. Nous sommes un tremplin.  » Rainer Bonhof, sous-directeur et ex-joueur du Borussia Mönchengladbach

L’équipe avec laquelle il a débuté en 1965 affichait une moyenne d’âge de 21,5 ans. On y retrouvait des joueurs comme Gunter Netzer, Jupp Heynckes, Bernd Rupp et Berti Vogts.  » Des jeunes poulains « , écrivait Wilhelm August Hurtmann dans le Rheinische Post, le journal local. Un surnom était né : Fohlenelf. Aujourd’hui, la mascotte du club est un Poulain et le surnom se retrouve partout : sur le magazine du club, sur le car des joueurs…

Thorgan Hazard au duel avec le Coréen Woo-yeong Jeong. Le Diable rouge a tout donné face au Bayern mais n'a pu éviter la défaite de Mönchengladbach.
Thorgan Hazard au duel avec le Coréen Woo-yeong Jeong. Le Diable rouge a tout donné face au Bayern mais n’a pu éviter la défaite de Mönchengladbach.© BELGAIMAGE

Le stade de l’époque, le Bökelberg, a aujourd’hui fait place à des habitations luxueuses. Dans le Fohlen Echo de février, le président Rolf Königs, à la tête du club depuis 1999, revient sur cette époque.  » Lorsque nous avons commencé, nous n’avions pas de stade, pas de terrains d’entraînement, pas d’internat pour les jeunes. Une partie du personnel travaillait dans des containers aménagés en bureaux. Le déménagement au Borussia Park était vital.  »

C’est aussi l’avis du directeur de la communication, Markus Aretz, qui a grandi à Mönchengladbach et accompagnait son père au Bökelberg avant de devenir responsable de la presse, en 1999, à un moment où le club risquait la faillite.  » Je me suis dit que nous ne jouerions plus jamais la Coupe d’Europe et que je devais donc changer de club mais au cours des huit dernières années, nous avons été six fois européens. En 2012, nous avons même participé pour la première fois à la Champions League.  »

L’homme qui a relancé De Bruyne

Samedi, face au Bayern Munich, le Borussia Park affichait complet pour la troisième fois de la saison : 54.022 spectateurs, parfois venus de loin, y compris des Pays-Bas ou de Belgique. Ce n’est guère étonnant car Roermond n’est qu’à 30 km et Eupen à 70 km.

On vient aussi de toute l’Allemagne car le Borussia n’est pas le club d’une ville comme le Hertha BSC, l’Eintracht Francfort, le VfB Stuttgart ou le FC Cologne. Seuls 10.000 des 85.000 membres du club viennent de Mönchengladbach, qui compte pourtant 260.000 habitants.

Au Borussia Park, l’ambiance est fantastique. Avant le coup d’envoi, en tout cas. Les amateurs de football belge d’un certain âge connaissent bien l’homme qui va donner le coup d’envoi. L’ex-attaquant danois Ulrik le Fevre annonce qu’il va offrir une médaille au musée du club, dont l’ouverture est prévue pour le mois de mai. Arrivé à Bruges en 1973, Le Fevre allait y écrire l’histoire, comme il l’avait fait à Mönchengladbach, avec qui il est devenu, en 1971, le premier joueur à remporter le prix du Tor des Jahres (But de l’année) attribué par le célèbre Sportschau, l’émission mythique du samedi soir.

La Nordkurve déploie un fantastique tifo et le stade entier reprend l’hymne du club mais, après une minute, le stade se tait. Le Bayern marque et l’euphorie retombe de plusieurs crans. L’équipe locale défend naïvement et le club bavarois est impitoyable (1-5). Sans l’excellent gardien Yann Sommer, l’addition serait même encore plus salée. Thorgan Hazard, qui a commencé sur la droite mais a rapidement switché avec Alassane Pléa, est l’un des rares joueurs à atteindre un bon niveau. Peu avant le repos, c’est lui qui est à la base du 1-2 mais dès la reprise, le Bayern démontre qu’il est bien décidé à mener la vie dure à Dortmund dans la course au titre. Fin janvier, le Borussia Mönchengladbach était encore deuxième et d’aucuns rêvaient secrètement d’un titre qui échappe au club depuis près de cinquante ans (1971).

L'équipe championne d'Allemagne en 1975. À droite, l'entraîneur Hennes Weisweiler qui a réussi à combiner résultats et beau football.
L’équipe championne d’Allemagne en 1975. À droite, l’entraîneur Hennes Weisweiler qui a réussi à combiner résultats et beau football.© BELGAIMAGE

Mais après un 0 sur 9 à domicile (un but marqué pour onze encaissés), Mönchengladbach est retombé à la quatrième place. Ça reste suffisant pour se qualifier pour la Champions League mais Leipzig est passé devant et le Borussia sent le souffle des poursuivants (Francfort, Leverkusen, Wolfsburg) dans sa nuque.

L’entraîneur, Dieter Hecking, ne cesse d’appeler au calme.  » Il ne faut pas tout remettre en question pour quelques défaites « , dit l’homme qui a relancé Kevin De Bruyne à Wolfsburg.

 » Personne ne nous déteste  »

Lorsque les plans du nouveau stade ont été dessinés, des voix se sont élevées pour qu’il ne soit pas trop grand car, même dans les années 70, le club n’attirait jamais plus de 25.000 spectateurs de moyenne.

La nouvelle enceinte compte tout de même 54.000 places car le Borussia a des fans dans toute l’Allemagne. Il le doit aux années 70 et au beau football qu’il produisait à une époque où les matches à la télévision étaient plus rares.  » À l’époque, les Allemands qui détestaient le Bayern nous supportaient « , dit Aretz.  » C’est toujours le cas maintenant : personne ne nous déteste. Nous sommes le deuxième club de beaucoup de gens.  » Et depuis le déménagement dans le nouveau stade, la moyenne de spectateurs varie entre 49.000 et 51.000.

Comme un tiers d’entre eux habite à plus de 200 km, ils ne viennent pas à tous les matches. C’est pour cela que le club limite le nombre d’abonnés à 30.000, ce qui permet de vendre plus de 20.000 tickets par rencontre. 90% de ceux-ci sont vendus en ligne.

C’est pour ceux qui viennent de loin que, l ‘an dernier, le club a ouvert un hôtel avec 120 chambres et suites. Le Borussia est le seul club de Bundesliga à en posséder un. La chambre coûte entre 79 et 179 euros par nuit et l’entrée de l’établissement est à 128 pas du stade mais, les jours de match, il est obligatoire de réserver pour deux nuits au moins. C’est ainsi que des familles entières débarquent dès le vendredi soir pour repartir le dimanche matin. À partir du 3 mai, elles pourront aussi visiter le musée du club.

Club familial

Dans ce musée, on trouvera aussi des photos et des souvenirs de Rainer Bonhof. Le vice-président, un ancien milieu de terrain aujourd’hui âgé de 66 ans, a écrit quelques-unes des plus belles pages de l’histoire du club. De 1970 à 1978, il a remporté une Coupe de l’UEFA, trois titres et une Coupe d’Allemagne. Il est ensuite parti à Valence puis est revenu au club en 1998-99 comme entraîneur intérimaire, sans parvenir à éviter la relégation.

En 2009, il a été victime d’un écrémage de l’équipe de scouting de Frank Arnesen à Chelsea et a intégré la direction du Borussia, le club de sa région. Cette saison, il est content de ce qu’il voit sur le terrain.  » Il y a longtemps que nous n’avons plus eu une équipe aussi talentueuse « , dit-il.

Son rôle est d’empêcher les dirigeants de prendre des décisions précipitées. L’ex-entraîneur Hans Meyer fait aussi partie des conseillers mais Bonhof réfute l’idée selon laquelle le Borussia Mönchengladbach n’aurait fait que copier le Bayern.  » Ils parlent, nous travaillons « , dit-il.

Il estime que le plus important, aujourd’hui, est de rester fidèle à une philosophie.  » Et le meilleur baromètre, ce sont les tribunes. Après le 0-3 contre Wolfsburg, le Nordkurve a applaudi les joueurs. On ne voit pas ça partout. Et lors des déplacements européens à Marseille ou à Rome, dix à douze mille fans nous ont suivis.  »

Cette philosophie, quelle est-elle ?  » Nous avons été élus pour la sixième fois d’affilée club le plus familial d’Allemagne et les joueurs issus de notre centre de formation reçoivent régulièrement leur chance. C’est une politique à long terme : nous les formons et les faisons progresser. Nous sommes un tremplin. De nombreux joueurs de Bundesliga ont été formés ici.  »

Le Borussia ne recrute plus seulement dans sa région mais aussi à l’étranger.  » Thorgan Hazard était malheureux à Chelsea, qui ne donnait pas sa chance aux jeunes. Ici, il a progressé. Il sait de quoi il est capable et il prend davantage de responsabilités.  »

Les bienfaits du Borussia Park

Reste à voir combien de temps le Borussia pourra le garder car ça a toujours été le problème du club. En 1978, lorsque Bonhof est parti à Valence, Jupp Heynckes (1967 à Hanovre), Gunter Netzer (1973 au Real) et Uli Stielike (1977 au Real) étaient déjà loin. En 1980, Kalle Del’Haye partait au Bayern. Quatre ans plus tard, Lothar Matthäus l’imitait et en 1999, Stefan Effenberg prenait le même chemin.

Bonhof sait pourquoi le Bayern a continué à évoluer après les années 70 tandis que le Borussia régressait.  » Notre stade pouvait accueillir 38.000 spectateurs, dont 18.000 assis. Une seule tribune était couverte. Après les Jeux Olympiques de 1972, le Bayern s’est vu offrir le stade olympique de Munich pour un loyer peu élevé. Septante mille personnes y prenaient place et elles étaient pratiquement toutes à l’abri de la pluie. Or, à cette époque, 80 % des recettes provenaient du ticketing. Faites le compte.  »

En 1999, lorsque Rolf Königs est devenu président, la dette du Borussia était de 15 millions d’euros alors que le chiffre d’affaires n’était que de 16 millions. Aujourd’hui, il est de 170 millions. Le nombre d’employés est passé de 30 à 180, dont 18 au service communication. Tout cela grâce à un nouveau stade qui a coûté 33 millions d’euros.  » Sans cela, nous serions probablement en D3 « , estime Aretz.

Palmarès

2 Coupes de l’UEFA (1975, 1979)

5 Titres (1970, 1971, 1975, 1976, 1977)

3 Coupes (1960, 1973, 1995)

Mönchengladbach et la Belgique

Un millier de Néerlandais et une centaine de Belges assistent en moyenne aux matches du Borussia Mönchengladbach à domicile. Chez nous, Die Fohlen comptent cinq fan clubs : trois dans les cantons de l’est, un à Anvers et un dans le Limbourg.

Thorgan Hazard est le onzième Belge à porter le maillot du club. La Belgique est le deuxième pays étranger le plus représenté dans l’histoire du club, après le Danemark (17). Avant 2000, il n’y a eu qu’un Belge : Roger Roebben. Mais en deux ans (1974-1976), il n’a pas joué un seul match. À l’époque, le nombre d’étrangers était limité à deux et les Danois Henning Jensen et Alan Simonsen étaient indéboulonnables. Roebben est alors parti au Lierse.

Stéphane Stassin est arrivé en 2000. Peter Van Houdt, Joris Van Hout, Nico Van Kerckhoven, Wesley Sonck, Bernd Thijs, Filip Daems, Logan Bailly et Igor De Camargo ont suivi. Daems a longtemps été l’étranger à avoir disputé le plus de matches de Bundesliga pour le Borussia (183 entre 2005 et 2015). Il a été dépassé voici peu par le Suédois Oscar Wendt.

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