« Dans 15 jours, je reprends »

Optimiste de nature, le joueur garde le moral et est animé par l’espoir de rejouer. Et si possible, au plus haut niveau.

On se posait beaucoup de questions à propos de Walter Baseggio. On le disait malade, mais sans apporter beaucoup de précisions. On ne le voyait pas aux entraînements, pas même au stade les jours de match, pour encourager ses partenaires. Certains pensaient qu’il avait été volontairement écarté de l’équipe pour bien lui faire comprendre qu’on ne comptait plus sur lui. Le 10 juillet, on apprenait qu’il avait été opéré de la glande thyroïde. On annonçait son retour à l’entraînement quatre ou cinq jours plus tard, mais c’était peine perdue. La semaine dernière, on a enfin appris de quoi il souffrait exactement : d’un cancer de la glande thyroïde…

La première question que l’on a envie de vous poser est : comment allez-vous ?

WalterBaseggio : Bien. Je suis d’un naturel optimiste. Je ne me laisse pas abattre facilement. Je vais lutter. J’ai toujours aimé rigoler et je ne vais pas perdre mon sourire. Il y a, malheureusement, beaucoup de personnes malades dans le monde. Cette fois, c’est tombé sur moi. Ce n’est pas drôle, mais je dois l’accepter et travailler pour vaincre la maladie, au lieu de me plaindre.

Vous semblez avoir surmonté le premier choc. Le plus dur, ce fut le moment où vous avez appris la nouvelle ?

Ce n’était pas agréable à entendre, c’est clair. Mais, pour prendre la chose sous un angle positif, je peux dire que c’est une chance qu’on ait décelé ce cancer à un stade précoce. Avec les progrès de la médecine, il y a de grandes chances que je guérisse complètement. Et même, que je puisse rejouer au plus haut niveau. Je recommence donc à regarder devant moi.

L’examen médical effectué en avant-saison vous a peut-être sauvé ?

Oui. Le médecin qui a pratiqué l’examen a décelé un petit nodule au niveau de la thyroïde. Des examens complémentaires ont été demandés. C’est là qu’on a détecté un liquide suspect. On n’a pas su directement qu’il s’agissait d’un cancer. C’est lors de l’ablation de la glande, le 10 juillet, qu’on s’est aperçu qu’il y avait des tumeurs cancéreuses autour. J’ai suivi d’autres traitements : notamment, une cure d’iode en isolation dans un hôpital de Tournai, qui a duré cinq jours. L’objectif était d’enlever un maximum de tumeurs cancéreuses. J’ai ensuite passé une scintigraphie, car il restait des petites séquelles. Le médecin s’est dit très satisfait de mon évolution. Je dois encore faire une prise de sang vendredi, puis une autre mercredi prochain. Si on ne décèle pas de nouvelle anomalie, je pourrai reprendre dans 15 jours.

Pardon ?

Enfin, cela dépendra de ma condition physique. Je reprendrai une activité progressive. Sans forcer. En principe, lorsqu’on fait une cure d’iode, on accuse une certaine fatigue pendant deux ou trois semaines. Pour l’instant, ça va, je me sens bien. J’avais perdu quelques kilos, mais je les ai déjà repris. La rééducation totale prendra six mois.

 » Sans cette maladie, je jouerais en France ou en Italie « 

Vous aimez vous entraîner ?

Absolument. Vous pouvez le demander aux différents entraîneurs que j’ai eus : j’étais toujours à l’heure, j’ai toujours effectué les exercices demandés. Même les courses sans ballon ! Je me suis rarement plaint dans le vestiaire. Prétexter une blessure ou une fatigue quelconque pour brosser l’entraînement, cela n’a jamais été mon style. Enzo Scifo peut en témoigner. On prétend qu’il était mon copain, mais il ne m’a pas ménagé.

Sachant que la glande thyroïde régule le métabolisme, est-ce une explication à votre prise de poids régulière ?

Je ne sais pas. C’est la nature qui a voulu que je prenne facilement un kilo ou deux. J’ai été constitué ainsi, d’autres personnes l’ont été différemment. On m’a longtemps accusé de ne pas avoir un régime diététique digne d’un sportif, mais ceux qui me connaissent savent que je me soigne. Sinon, je n’aurais pas été footballeur professionnel depuis 14 ans.

Vous en voulez aux personnes qui vous ont critiqué ?

Non, pas du tout. C’est à peine si j’ai prêté attention à ces critiques. En Belgique, on aime dénigrer les gens. Dès que je prenais un kilo, les commérages reprenaient. A l’étranger, on voit ce que vous apportez sur le terrain, et c’est tout.

Pour vos détracteurs, vous étiez le joueur qui prenait une chaise et s’asseyait dans le rond central pour distiller des passes…

C’est le rôle d’un milieu de terrain, que je sache. Elles n’étaient pas belles, mes passes ? Pas puissantes ou pas précises, mes frappes ? A l’étranger aussi, il y a des joueurs qui distribuent le jeu. A l’AC Milan, il y a Andrea Pirlo. Et à côté, Gennaro Gattuso pour accomplir le sale boulot.

A Mouscron, Gattuso, c’était Christophe Lepoint ?

Christophe, oui. Et aussi Matthieu Assou-Ekotto.

Que pensez-vous du nouveau Mouscron ?

Je me suis entraîné quelques jours avec eux, avant mon opération. C’est un style tout à fait différent de celui de Scifo. Très tactique. Mais je crois que ce style aurait pu me convenir. Mouscron a bien entamé la compétition, par une victoire un peu inespérée à Genk. Mais depuis lors, il a gaspillé des unités à domicile contre Roulers et le Cercle, qu’il faudra récupérer ailleurs. Le problème de Mouscron, qui n’est pas neuf, c’est que lorsque l’équipe encaisse un but, elle perd le fil de la rencontre.

En fin de saison dernière, on vous avait demandé de vous chercher un autre club…

On l’a aussi demandé à d’autres. A Mark Volders, par exemple.

Ce fut aussi un coup de bambou sur la tête ?

Au contraire, j’ai apprécié l’honnêteté des dirigeants. Je préfère que l’on me dise les choses en face. J’étais trop cher, et il faut s’incliner devant la réalité économique. J’ai eu des touches à droite et à gauche. En Italie, mais surtout en France : deux clubs de Ligue 2 et un club de Ligue 1 se sont intéressés à moi. Les problèmes de santé dont j’ai souffert ont fait avorter tous les projets.

Sans cela, pensez-vous que vous évolueriez ailleurs à l’heure actuelle ?

A 70 %, oui. Mais lorsqu’on ne s’est pas entraîné pendant un mois et demi, où peut-on aller ?

 » Je sais que je rejouerai,c’est le principal « 

Mouscron a donc toujours votre contrat sur les bras ?

Il me reste un an de contrat avec l’Excelsior, en effet. Mais il ne faut pas imaginer que je gagne de l’or en barres. C’est sans doute un beau contrat pour le club, difficile à supporter dans la situation actuelle, mais il n’est pas indécent. J’en ai discuté avec Amedeo Carboni, contre lequel j’ai encore joué autrefois. Il m’a dit que si je ne parvenais pas à me recaser, ce n’était pas un problème pour l’Excel.

Mouscron est resté très discret par rapport à votre maladie, non ?

Je crois que le club a bien géré la situation. Tout le monde n’était pas au courant du cancer. Miroslav Djukic l’était, bien sûr. Il m’a conseillé de d’abord me soigner, qu’on verrait ensuite ce que je pourrais apporter au niveau sportif. Je reste aussi en contact avec Gil Vandenbrouck, un homme extraordinaire qui accomplit un travail beaucoup plus important qu’on ne le pense pour le club. L’Excelsior est resté discret aussi longtemps que l’on ne connaissait pas avec certitude la nature exacte du mal dont je souffrais. Aujourd’hui on le sait, alors pourquoi le cacher ? J’avais l’intention d’organiser une conférence de presse pour tout expliquer, mais c’est sorti avant : des rumeurs de plus en plus précises commençaient à circuler.

Avez-vous discuté avec d’autres sportifs qui ont été victimes d’un cancer ?

Non. On me parle souvent de Lance Armstrong, mais son cas à lui est très différent.

Aujourd’hui, quel est votre quotidien ?

Je me repose à la maison, je me balade un peu, j’ai passé quelques jours à la mer pour me changer les idées.

Qu’est-ce qui vous permet de garder le moral ?

Le fait de savoir que je rejouerai au football. C’est très important pour moi. Le ballon rond, c’est toute ma vie, et pour l’instant, il me manque terriblement. Ma fille Doriana, aussi, me permet de garder le moral. C’est mon rayon de soleil quotidien. Elle a trois ans et demi, et va bientôt rentrer à l’école. Elle ne comprend pas très bien de quoi je souffre, évidemment. Parfois, elle lance : – Monpapaestmalade ! Puis, elle se remet à jouer. Elle a plutôt le caractère de sa maman, assez corsé. C’est déjà une cheftaine.

Vous ne vous êtes pas encore rendu au stade ?

Non, c’est un peu ennuyeux par rapport à ma situation. Mais je regarde beaucoup de matches à la télévision.

Anderlecht-Lyon, par exemple ?

Tout à fait. Il y a des choses qui m’échappent. Je ne veux pas jouer les anciens combattants, mais à mon époque, on se libérait davantage dans les matches européens qu’en championnat. On peinait parfois contre des seconds couteaux belges, mais lorsqu’on affrontait Manchester United ou le Real Madrid, on répondait présent. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est le contraire : le Sporting bat Westerlo, puis est aux abonnés absents contre Lyon. L’adversaire était plus fort ? Jadis aussi, on était inférieur sur papier aux ténors européens qu’on rencontrait. Mais on s’en sortait. L’un ou l’autre était capable de faire la différence. Et lorsqu’on avait le ballon dans nos rangs, on ne le perdait pas bêtement. L’adversaire en était privé. Actuellement, Anderlecht perd beaucoup trop vite le ballon. Il peut s’estimer heureux de n’avoir encaissé  » que  » cinq buts à Gerland. Pour le même prix, il en prenait huit ou neuf. Un off-day, cela peut arriver. Lorsque cela se répète, ce n’est plus un accident. Les spectateurs qui paient chèrement leur place sont en droit de réclamer un autre spectacle.

 » Je reviendrai plus fort « 

Les supporters mauves ont scandé votre nom, mardi soir…

Cela m’a fait chaud au c£ur. Mais cela ne m’a pas vraiment étonné. J’ai toujours été fort apprécié au Parc Astrid. Je remercie tous ces gens de leur soutien.

Avez-vous reçu d’autres témoignages de sympathie ?

Beaucoup. De la part d’Anderlechtois, mais aussi de Standardmen et de Brugeois. Chacun défend ses couleurs, mais dans le malheur, le côté humain ressort. De nombreuses personnes me disent que je reviendrai plus fort. Cela m’encourage à continuer à travailler.

Aujourd’hui, quels objectifs vous êtes-vous fixés ?

31 ans, c’est encore jeune. Je veux rejouer au plus haut niveau. Etre aussi performant que je l’avais été pendant l’année et demie passée à Mouscron, où je pense avoir confondu me détracteurs qui pensaient que j’étais un joueur fini. Ce n’était pas un défi facile à relever, quoi qu’on en dise. Lorsque je suis arrivé, en janvier 2008, l’Excelsior flirtait avec la zone rouge. La saison dernière, beaucoup de pronostiqueurs nous pointaient encore, mais on a plus souvent regardé vers le haut que vers le bas. On a même occupé la tête du classement, à un moment donné. Les problèmes financiers ont faussé les données. Sans cela, je pense qu’on aurait eu 10 ou 15 points de plus, et qu’on n’aurait pas été très loin des places européennes. On avait deux ou trois joueurs susceptibles de faire la différence, et d’autres capables de gérer une rencontre. La difficulté s’est encore accrue lorsque les soucis financiers sont apparus.

Combien de temps comptez-vous encore jouer ?

Au moins quatre ou cinq ans. Généralement, un footballeur joue jusqu’à 35 ou 36 ans. Il me reste une année de contrat à Mouscron, j’espère encore pouvoir l’honorer. Après, on verra où le destin me mènera.

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