DANIEL VAN BUYTEN

Il se définit comme  » un petit coeur dans une grande carcasse « . Retour sur les hommes qui ont fait Big Dan.

Que ce soit dit, et tant pis si ça choque ceux qui ne lui pardonnent rien depuis 15 ans : DanielVanBuyten, actif dans le meilleur club du monde, a le plus beau palmarès de tous les footballeurs belges de l’histoire ! Des titres et autres trophées en Allemagne, trois finales de Ligue des Champions (dont une gagnée), bientôt une deuxième phase finale de Coupe du Monde – et 100 % de temps de jeu à l’édition 2002. Mais encore : il est dans le top 10 des Diables Rouges les plus capés (il pourrait avaler Georges Grün, Bart Goor et Paul VanHimst dans les prochains mois) et il est le meilleur buteur international en activité. On peut encore en jeter ? Il a été capitaine à Marseille, à Hambourg, en équipe belge et même à l’une ou l’autre occasion au Bayern.

Alors, comment ne pas rigoler quand on lit ou entend qu’il a des lacunes techniques, qu’il ne joue pas chaque week-end en Bundesliga,… ? Il a fêté ses 36 ans la semaine passée, Pep Guardiola n’avait pas voulu entendre parler de son départ l’été dernier et il a encore joué la moitié des matches éliminatoires sur la route du Brésil. Moins talentueux balle au pied que Vincent Kompany et Thomas Vermaelen, mais aussi beaucoup moins souvent blessé ! Il nous le répète une nouvelle fois :  » Pas mal pour le petit gars qui a fait ses classes au centre de formation de Froidchapelle !  » En P4 hennuyère.

Premier déclencheur : Franz Van Buyten. Champion d’Europe de catch. Alias IvanBuyten ou CaptainDavies. Retour en début d’année 1999. Le  » fiston  » (expression privilégiée du père) vient de fêter sa première titularisation en D1 avec Charleroi. Il a mis dans sa poche le meilleur attaquant du championnat, Jan Koller. On débarque à Froidchapelle, à mi-chemin entre Chimay et les Barrages de l’Eau d’Heure, pour la première longue interview de Daniel. Le hall de la modeste maison est encombré par une guitare, un synthétiseur, un accordéon, des haut-parleurs XXL,… Franz, qui met l’ambiance à des soirées de pensionnés par exemple, nous raconte les tortures qu’il a fait endurer à Daniel et son frère dans une prairie derrière la maison. Fier de lui. Fier aussi de ses  » trophées  » de catcheur : luxations, fractures, opérations, paralysies. Et il justifie son statut d’entraîneur de ses gamins : il a quand même été gardien réserviste à l’Olympic Charleroi.

Franz, son père, est aussi son confident, son guide, son ami

 » Ce n’est pas… mon père « , dit Daniel.  » C’est mon confident, mon guide, mon ami. Au début de ma carrière professionnelle, quand je rentrais à Froidchapelle, j’allais le retrouver dans sa chambre, où il regardait beaucoup de sport à la télé pendant que ma mère suivait ses feuilletons au salon. Je prenais la place de ma mère dans le lit et je lui confiais plein de choses sur ma vie. Sans pudeur. Avec ma mère, il y avait une espèce de réserve, je ne me sentais pas capable de tout lui dire. C’est normal, je pense, qu’un gamin soit plus proche de son père.  » Quand Franz est victime, en 2009, d’un AVC qui le laissera avec une paralysie partielle et incapable d’encore parler, Daniel envisagera d’arrêter le foot pour revenir chez lui.  » J’étais prêt à accepter un boulot d’employé communal à Froidchapelle. L’idée de vivre à 700 km de lui… non, je ne pouvais pas, c’était insupportable pour moi.  »

Robert Waseige, qui l’a fait monter dans le noyau pro de Charleroi alors qu’il était encore à Somzée, en 2e Provinciale, un an plus tôt, va devenir son deuxième papa, l’homme auquel la famille demandera régulièrement des conseils lors des années suivantes. Van Buyten attendra plus de dix ans avant de nous le dévoiler, mais Waseige avait déjà en tête d’en faire un Diable à l’approche de l’EURO 2000. Une blessure avait mis fin au plan. Qu’importe, le Liégeois l’a lancé en D1 puis l’a transformé en international en 2001.  » J’aurais dû débuter comme attaquant à Charleroi, j’avais toujours joué devant chez les jeunes. Mais j’ai trop donné lors de ma première campagne de préparation, tellement j’avais faim, et je me suis blessé. Quand j’ai été rétabli, c’est plus bas sur le terrain qu’il manquait quelqu’un, et donc je n’ai jamais joué devant chez les pros.  » Un regret pour la vie.

Tomislav Ivic, qui entraîne le Standard au moment du transfert de Van Buyten, ne veut même pas lui confier un rôle hybride de médian / défenseur comme c’était le cas à Charleroi. Il lui dit qu’il va faire de lui le meilleur back droit de Belgique et un des meilleurs défenseurs d’Europe.  » Je me suis demandé où je tombais « , dit Van Buyten.  » Moi, back droit… Ivic m’a mis là en m’expliquant que je faisais des rentrées en touche très longues et que je serais capable d’expédier des longues passes à Emile et Mbo Mpenza. Qu’est-ce que je souffrais contre des petits attaquants rapides, style Toni Brogno. Je soupçonnais des entraîneurs adverses de me coller leur petit gabarit plein de vitesse dans les pattes.  » Il faut le remplacement d’Ivic par Zeljko Mijac pour remettre les choses en place. Van Buyten passe dans l’axe, une place qu’il ne quittera plus. Pas même quand il retrouvera Ivic à Marseille, un transfert à 12 millions qui fera alors de lui le footballeur belge le plus cher de l’histoire – les prix se sont complètement emballés entre-temps mais il reste le septième transfert le plus coûteux de notre foot.

Zidane, Ronaldo et Beckham pour son premier taf en Ligue des Champions

On retrouve Daniel Van Buyten en Bretagne, durant l’été 2001, alors qu’il fait un stage de préparation avec l’OM. Pendant l’interview, Ivic passe dans le lobby de l’hôtel. On voit les yeux de Big Dan s’écarquiller. Et il avoue :  » Il est intimidant. Je ressens une certaine pression quand il me parle. C’est dû à sa carte de visite.  » Il ajoute :  » Je l’écouterais parler de foot pendant des heures.  » Ce transfert porte la triple griffe d’Ivic, Luciano D’Onofrio et Bernard Tapie, que Van Buyten a vu au théâtre et dans une loge du Standard quand, blessé, il assistait en spectateur aux matches de fin de saison.  » Tapie me tenait le même discours que mon père : -Tu dois toujours chercher à être le premier parce qu’on ne parle jamais du deuxième. Ce n’était d’ailleurs pas le seul point commun entre mon père et lui. Quels caractères ! »

Autre personnage en vue de la carrière marseillaise de Van Buyten : Frank Leboeuf, champion d’Europe et du monde qui est son compagnon de route en défense centrale.  » Un jour, il m’a fait une remarque sur mon placement, c’était constructif. Je lui ai répondu : -Merci pour le conseil mais je dois continuer à apprendre. Tu sais, jusqu’à l’âge de 18 ans, j’ai toujours joué comme attaquant. Leboeuf était scié. Il s’est alors occupé de moi comme si j’étais son petit frère, il restait avec moi sur le terrain d’entraînement quand les autres étaient à la douche. Je lui dois beaucoup.  » Cette position d’attaquant s’expliquait notamment par ses limites physiques. Jusqu’à 17 ans, Daniel Van Buyten a toujours été le plus petit de son équipe. Il a ensuite pris une trentaine de centimètres en une vingtaine de mois.  » Si je brillais comme avant, c’est aussi parce que j’étais très rapide. Malgré tout ce qu’on a pu dire entre-temps ! A Hambourg, par exemple, c’était toujours à moi qu’Emile Mpenza voulait se mesurer lors des exercices de sprint parce qu’il savait que j’allais le faire souffrir. Aux tests de vitesse pure, j’arrivais généralement en deuxième position, derrière lui.  »

Retour à Ivic et à Tapie. Quand Van Buyten arrive à Marseille, il découvre un club malade, une auberge espagnole où des dizaines de joueurs défilent en test. La direction cherche à se séparer de deux tiers du noyau. La Canebière flambe, l’OM vient d’éviter de justesse la relégation deux années de suite. Tapie dit à Big Dan :  » Tu veux devenir un des meilleurs défenseurs du monde et jouer la Ligue des Champions avec moi ?  » Osé mais prémonitoire. C’est avec ce club que Van Buyten fait ses débuts en CL, sur le terrain du Real. Un 4-2 bien tassé face à Iker Casillas, Roberto Carlos, Zinédine Zidane, Raul, Ronaldo, Luis Figo et David Beckham qui lui offre son maillot. Il fait le boulot dans cette campagne, se révèle à l’Europe et réussit aussi quelques gros matches contre le PSG. Fair-play, malgré les conseils de Tapie, toujours nerveux à l’approche du clasico.  » Il me disait : -Ronaldinho, tu le casses, tu le tues, il ne peut pas toucher le ballon.  »

Voisin de palier de Keegan à Manchester City

Quitter le Standard pour Marseille était aussi un risque international pour le géant hennuyer : s’il ne s’y imposait pas dès sa première saison, il risquait de perdre ses perspectives chez les Diables, et un an plus tard, il y avait la Coupe du Monde au Japon. Mais il fait bingo : star à Marseille (il y sera élu meilleur joueur du club lors de sa deuxième saison, il est le joueur le plus demandé par la presse,…) et titulaire au Mondial où il ne rate pas une minute. Là-bas, il passe des heures avec un autre guide de sa carrière : MarcWilmots, qui lui remonte le moral après ses deux premiers matches hésitants, l’aide à être titanesque lors de la rencontre de poule décisive contre les Russes puis dans le huitième de finale contre le Brésil.

Daniel Van Buyten a peu de regrets quand il regarde dans le rétro. Il y a toutefois cette expérience de quelques mois en Angleterre qui ne lui laisse pas les meilleurs souvenirs. La faute à José Anigo, le coach de Marseille qui ne croit plus en lui, et un peu à son père qui le pousse à accepter le deal.  » Il m’a expliqué que mon horizon était de toute façon bouché à l’OM, que je ne jouerais plus beaucoup aussi longtemps que l’entraîneur ne changerait pas. Mais je suis parti à Manchester City avec des pieds de plomb.  » Son installation le console, il est le voisin de palier de son coach, Kevin Keegan. Pour le reste…  » Je n’étais pas prêt dans ma tête et je suis sûr que ça a provoqué mes soucis physiques.  »

La renaissance passe par Klaus Topmöller.  » Je débarque, on me convoque dans le vestiaire. Il y a le président, l’entraîneur, l’adjoint, le préparateur des gardiens. Je me demande ce que j’ai fait de mal. Pendant trois quarts d’heure, ils m’expliquent qu’ils veulent me nommer capitaine. Je réponds que ça me flatte mais que je veux d’abord en discuter avec mes coéquipiers. Ils sont d’accord.  » Il n’y a toutefois pas unanimité totale. Par exemple, Sergej Barbarez, valeur établie à Hambourg, digère mal qu’on ne l’ait pas choisi. Mais ça finit par passer.

A 29 ans, Big Dan s’impatiente un peu. Star en France, étoile en Allemagne (dans l’équipe type de la Bundesliga en fin de saison avec Hambourg), des bons moments avec les Diables, mais toujours pas le moindre trophée. Il écrit finalement sa première ligne en 2007. Ce n’est pas encore folichon : la Coupe de la Ligue avec le Bayern. Mais ensuite, c’est le déluge. Le point aujourd’hui : en Allemagne, trois titres, trois Coupes, deux Supercoupes ; au niveau européen, une Ligue des Champions et une Supercoupe ; sur le plan mondial, une FIFA Club World Cup. Et ce n’est sûrement pas fini parce que le Bayern semble capable de faire une nouvelle razzia dans les prochains mois. Daniel Van Buyten place en haut de l’affiche JuppHeynckes, auteur du fabuleux quadruplé la saison dernière (Supercoupe d’Allemagne, titre, Coupe, Ligue des Champions) mais aussi Louis van Gaal. Encore un homme qui a fait Van Buyten.  » Après quelques mois avec lui, je me suis dit que c’était le coach le plus brillant de ma carrière. Pour son intelligence de jeu, son caractère, sa mentalité de vainqueur. J’avais un bon dialogue avec lui. C’est un homme à poigne mais il est très attachant. Et c’est aussi un grand fêtard qui ne s’en cache pas. Je n’ai pas compris que l’Union Belge ne le prenne pas après le départ de Dick Advocaat. Van Gaal était intéressé par le poste.  »

Avec Franck Ribéry, une amitié pour la vie

Quand il quittera définitivement Munich, Daniel Van Buyten conservera le souvenir d’une grande rencontre, d’une amitié qui devrait durer. Entre Franck Ribéry et lui, il y a eu fusion dès le premier jour.  » On le connaît super mal, en tout cas en France. Aussi dans d’autres pays. On le considère comme un gars peu ouvert alors que c’est tout le contraire. Les Allemands l’ont compris entre-temps. Ribéry parle très peu à la presse française à cause des fameux incidents d’il y a quelques années, mais ici, il s’exprime. Aussi parce que le Bayern l’y oblige. Les médias allemands ont compris depuis longtemps qu’il avait plein d’humour. Ribéry et moi, on s’entend super bien parce qu’on a les mêmes délires. Mais attention, il ne faut pas l’ennuyer sur n’importe quoi. Dès qu’on touche à sa famille, il se cabre et peut devenir très impulsif. S’il a envie de te dire merde, il te dit merde. A l’entraînement aussi, il faut faire attention. Si tu le cherches, il te met la misère.  » Un jour, Van Buyten ose s’aventurer avec lui sur le terrain de son aspect physique, de sa cicatrice.  » Il m’a dit qu’on avait beaucoup rigolé de lui et que ça l’avait traumatisé pour la vie.  »

Actuellement, le Froidchapellois travaille à son retour. Pendant la première partie de saison, il a encore dépanné plusieurs fois en défense centrale. Il sait qu’il est le troisième choix dans l’axe défensif du Bayern : 36 ans, des monstres comme Dante et JérômeBoateng dans les pattes, où est la honte ? Le stage de janvier au Qatar l’a un peu démoli, il a fallu tout rééquilibrer en rentrant à Munich, et depuis un mois, il a plus côtoyé les ostéopathes que Pep Guardiola. Marc Wilmots et l’Espagnol sont les ultimes guides de son parcours.  » Ma première rencontre avec Guardiola, en fin de saison passée, a été énorme. Je ne savais pas s’il comptait sur moi mais j’ai été rassuré en quelques minutes. Il m’a dit : -Tu restes, je suis sûr que j’aurai encore besoin de toi. Un discours franc, sans équivoque, les yeux dans les yeux. Il m’a confirmé sa confiance après la Supercoupe perdue contre Dortmund en début de saison. J’avais marqué contre mon camp, pour la première fois depuis que je suis professionnel. Il m’a pris à part et m’a dit : -Super match.  »

PAR PIERRE DANVOYE

 » Je n’ai jamais joué devant chez les pros. C’est un regret pour la vie.  »

Cédé pour 12 millions d’euros à Marseille, il est le 7e transfert le plus onéreux du football belge.

 » Bernard Tapie me disait : Ronaldinho, tu le casses, tu le tues, il ne peut pas toucher le ballon.  »

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