D’égal à égal

Anderlecht est le grand bénéficiaire du nul forgé par le médian liégeois et ses équipiers à Bruges.

Est-ce un point à la… Pyrrhus ? On peut se poser la question pour les deux équipes après ce match au sommet, engagé, qui valut surtout par sa première mi-temps. Après, tout fut placé sous le signe de la protection du nul acquis après la moitié du temps de jeu.

Bruges ne veut pas être inquiet : tous les joueurs insistent sur l’avance de quatre points. Pourtant, les Brugeois ont de quoi trembler. Depuis la reprise, l’avance des sociétaires du stade Jan Breydel sur Anderlecht fond comme neige au soleil. L’équipe semble émoussée et sans idée afin de varier ses coups tactiques. Le Standard a aligné son quatorzième match de championnat sans défaite, mais ce partage ne lui rapporte rien au classement général. Les Mauves du stade Constant Vanden Stock ajoutent deux points à l’écart qui les sépare des Liégeois et Genk profite de son succès à St-Trond afin de revenir à trois points de Karel Geraerts et de ses équipiers.

Ancien sociétaire de Bruges, où la confiance à son égard était mesurée, le Limbourgeois avait des comptes à régler face à ses anciennes couleurs. Geraerts a vite trouvé ses marques dans la ligne médiane wallonne. Intelligent, il offre sa force de travail à des officiers au long cours : Sergio Conceiçao, Eric Deflandre, Ivica Dragutinovic, Philippe Léonard, Milan Rapaic.

Au début de la saison, le blond Karel fut même l’intendance et le porteur d’eau du brillant stratège portugais. Puis, petit à petit, il donna plus d’ampleur à son jeu et se manifesta efficacement à la percussion afin de marquer des buts importants.

Toujours en bleu de travail, Karel accomplit son rôle de brise-lames aux côtés de Mathieu Assou-Ekotto. A Bruges, il était appelé à assumer un rôle important entre les lignes car le match au sommet fut une bataille du milieu du terrain. A ce jeu-là, le Standard fut excellent jusqu’au magnifique but signé de Conceiçao. La ligne médiane combinait bien, était plus inventive et plus surprenante que celle de son adversaire. Paradoxalement, cette merveille ciselée par le joaillier portugais ne libéra pas les Liégeois qui, petit à petit, cédèrent du terrain à Bruges.

A ce jeu-là, la ligne médiane du Standard ne fut pas assez pressante sur la splendide égalisation de Gert Verheyen. Ce dernier a eu le temps d’armer tranquillement son fusil afin de battre Vedran Runje de loin. L’erreur de jeunesse de la ligne médiane fut nette… Ensuite, le Standard accepta le combat devant son rectangle et ne mit plus le nez à la fenêtre. Les coups francs se succédèrent, ce fut un combat serré, très engagé avec des chocs d’hommes et Bruges fut de plus en plus présent dans les airs. A un point tel que Sambegou Bangoura recula souvent afin de neutraliser Philipe Clement. Mais le meilleur buteur du championnat ne pouvait pas être partout.

A l’image de ses équipiers, Geraerts a reculé car le 1-4 du match aller est resté marqué au fer rouge. Ce repli a énervé le banc et pas mal de joueurs nourrissaient des regrets au terme de la rencontre :  » Bruges était à prendre « . Il s’agit de penser à Mons et à… Anderlecht maintenant.  » J’ai même la certitude que le jeu des Bruxellois nous convient mieux que celui de Bruges « , souligna l’impeccable Ivica Dragutinovic.  » Je sens qu’on peut y réussir un truc « . Le défi est lancé.

Geraerts a besoin de ce type d’affiches pour apprendre à encore mieux exploiter des atouts qui en feront un jour un Diable Rouge. Il symbolise la nouvelle jeunesse du Standard et à Bruges, a traité d’égal à égal avec ceux qui doutaient de lui. Quel chemin parcouru en quelques mois à peine…

Ses frères qui ont joué à Sittard l’appelaient Patapouf !

Les Geraerts sont des fermiers d’Opgrimbie, près de Maasmechelen, dans le sud du Limbourg. Adolescent, le père Luc aurait suscité l’intérêt du Standard mais il a surtout trimé à la ferme : élever les poules, planter les semis, faire pousser des sapins de Noël. Récemment, il a lancé une entreprise de parquets pour ses trois fils : la SA WIKARO. Wim (25 ans), Karel (22 ans) et Roeland (21 ans) savent ce que travailler signifie. Tous trois partagent la même passion du football, aussi.

Wim : Roeland était notre gardien de but, dans le temps.

Roeland : Et il a versé beaucoup de larmes (Il rit). Enormément. Des ballons sur ma tête et c’était goal…

Karel : Nous ne le faisions pas volontairement, vous savez : c’était sa faute. Il passait souvent à côté du ballon.

Roeland : Du coup, ils se fichaient de moi. Et je le supportais très mal.

Karel : Je n’ai pas été épargné non plus.

Luc : Karel était un gros patapouf et on se moquait de lui.

Wim : Il raffolait des friandises.

Luc : Ce sont trois garçons complètement différents. Wim est l’aventurier. Il est curieux de nature et veut découvrir le monde.

Roeland : On peut lâcher Wim n’importe où, il tirera son plan. Une fois, il a téléphoné : – Dis à maman et à papa que je suis à Paris. Et moi de répondre : – Ah, tu ne rentres donc pas souper ? C’est typique de Wim.

Wim : J’ai fait du snow-board de manière intensive et en été, je pars en montagne : escalade, kayak, bungee. Il n’est pas exclu que j’émigre au loin, un jour, en Australie ou au Canada, par exemple, mais pas à titre définitif quand même.

Luc : Roeland est habile, dans tous les domaines. C’est l’organisateur, le meneur, aussi.

Karel : Plus malin que Wim, qui dit toujours ce qu’il pense.

Luc : Wim est plus impulsif, il agit sans toujours réfléchir. Karel est le plus calme. Il ne parle jamais beaucoup mais il agit. Il comprend vite, il a l’£il acéré. Il est persévérant. Wim également mais il veut voir les résultats de ses efforts plus vite.

Luc : Wim est le plus rapide, le plus explosif et il peut marquer son but. Roeland a d’abord été gardien. Le football ne l’a vraiment intéressé que vers 13-14 ans.

Wim : J’ai joué dans les équipes de jeunes A de Sittard et de Genk mais de graves blessures, dont une déchirure du tendon de Patella, m’ont contraint à me rabattre sur Visé. Là aussi, je me suis blessé. J’avais déjà 20 ans, je travaillais. Voilà. Maintenant, je joue au AA Rekem Sport. Je marque beaucoup, j’en suis à 15 buts, mais j’éprouve de moins en moins de plaisir à jouer. Je fais les pauses dans une usine et je ne puis donc pas toujours m’entraîner. En plus, j’ai d’autres activités dans la vie.

Karel : Wim était exceptionnellement rapide et avait le sens du but. Il l’a conservé mais il n’a plus la condition physique requise.

Luc : Wim ne crache pas sur une petite bière, hein !

Karel : Et son corps en subit les conséquences sportives. S’il avait fait preuve, après sa blessure comme moi lors de la mienne, de la discipline nécessaire et qu’il avait moins bien vécu, nous parlerions peut-être de lui, maintenant, ou de nous deux.

Wim : Je suis comme je suis et je vis comme je vis. S’il est une chose que j’envie à Karel, c’est peut-être… de pouvoir pénétrer dans un stade comble. Roeland a connu ça un moment.

Roeland : J’ai été professionnel au Fortuna Sittard pendant deux ans. J’étais arrière gauche mais j’ai eu des problèmes de genou. Cette saison, je suis affilié au Rapid Spouwen, mais au Nouvel An, j’ai été opéré aux deux genoux. J’espère remonter sur le terrain d’ici deux ou trois mois.

Wim : Roeland est intelligent et bon dans les duels. En bonne santé, il peut évoluer à un niveau élevé. Je l’admire : pendant sa rééducation, il travaille dur !

Karel : Je pense qu’il a un peu de mon caractère.

Wim : Pour Karel, tout a commencé vers 13-14 ans…

Roeland :… d’un coup.

Wim : A l’époque, je jouais mieux que lui, j’étais repris dans la sélection provinciale du Limbourg et j’ai rejoint Fortuna Sittard. Il s’est éveillé. Il a commencé à pratiquer intensément le football. Les jours où il n’y avait pas entraînement, il allait courir.

Roeland : Il a progressé en flèche. Mais en fait, il a toujours possédé l’essentiel : la vista, ce tir puissant, ces ballons précis. Je me souviens très bien qu’alors qu’il évoluait en Minimes régionaux au Cercle Maasmechelen, on l’a fait monter en Cadets. Cette saison-là, nous n’avons réalisé que deux matches nuls. Sinon, nous avons essuyé de lourds revers. Deux fois contre St-Trond et deux fois quand Karel jouait û ce n’est pas un hasard. Je me souviens qu’il a marqué sur un coup franc botté trois ou quatre mètres devant le rond central. Incroyable. Il avait déjà un bel abattage mais il était moins rapide. Peu avant son départ à Genk, il est vraiment devenu affûté.

Wim : Tous trois, nous nous sommes beaucoup occupés de notre corps, c’est toujours le cas, d’ailleurs,… avec moins d’intensité. Notre voisin a été un bon attaquant en D2 et en D3. Un jour, il m’a recommandé de faire des pompages pour développer ma cage thoracique et mes poumons. Je me suis exécuté et j’ai rapidement constaté que j’étais plus fort dans les duels. Plus tard, à l’école de mécanique, j’ai fabriqué un banc de musculation et pour la Noël, j’ai demandé une barre et des poids. Je dois dire que nous nous en sommes tous beaucoup servis.

Roeland : J’ai éprouvé beaucoup d’admiration pour Karel quand il a rejoint Bruges, à l’âge de 16 ans.

Karel : Ce ne fut pas facile, au début. En arrivant à l’école, là, je me suis demandé ce que je faisais. Je regrettais d’avoir accepté mais au bout d’un moment, je me suis fait des amis. J’ai essayé de m’intégrer. Mes parents venaient chaque week-end, mes frères les accompagnaient parfois. Quand j’avais un week-end de congé, je revenais ici. A l’âge de 18-19 ans, j’ai rencontré mon amie et cela a tout changé.

Roeland : Nous avons toujours su qu’il réussirait. Il était rarement décevant dans ses matches.

Wim : Il a été capitaine en Espoirs nationaux et là aussi, il a marqué chaque match de son empreinte.

Roeland : Il a toujours obtenu de bons commentaires. Un travailleur, toujours au service de l’équipe. Après la Supercoupe à Genk, Bernd Thijs a déclaré que Bruges comptait déjà en ses rangs le successeur de Timmy Simons qui était alors dans la mire de Schalke 04.

Karel : Je pense que je suis resté un an de trop à Bruges.

Roeland : Karel sait depuis longtemps qu’il a le niveau d’un grand club. C’est pour cela qu’il s’est toujours acharné et maintenant, il éclot.

Total inconnu en arrivant au Standard

Karel : Beaucoup de gens m’ont demandé ce que j’allais faire au Standard, ce club spécial, avec tous ces transferts, alors que j’étais tout fier d’annoncer que j’avais signé là. Après des conversations très positives avec Michel Preud’homme et Pierre François, je savais que j’allais recevoir ma chance dans un grand club et pouvoir m’y montrer.

Luc : L’essentiel était de trouver un club où il puisse jouer. Le Club Bruges était un bon club pour Karel mais en fin de compte, il s’est retrouvé au Standard.

Wim : Je ne pense =pas qu’il se soit jamais plaint.

Karel : Bruges était fantastique, sûrement en dehors du football. Stijn Stijnen, Tim Smolders et Hans Cornelis sont passés récemment à l’occasion de l’anniversaire de mon amie. Je me rends de temps en temps à Bruges, je me promène au centre. C’est merveilleux.

Roeland : Je m’attendais à ce qu’il réussisse au Standard mais pas à ce qu’il se présente aussi souvent devant le but.

Wim : C’est une de ses qualités, l’art de s’infiltrer au bon moment, et ses buts sont les bienvenus mais ce qui compte le plus, c’est le travail défensif qu’il accomplit pour l’équipe.

Luc : Il faut rencontrer le bon moment ! Je n’ai jamais douté que son heure viendrait.

Roeland : Ce moment finit par arriver quand vous alliez talent et persévérance, quand vous continuer à travailler sans vous décourager après un revers.

Karel : Nul ne me connaissait au Standard mais c’était peut-être un avantage. On n’attendait pas trop de moi. J’ai été confronté à un autre club, à une autre langue et à d’autres joueurs mais j’ai été amical à l’égard de tout le monde et je suis resté moi-même.

Luc : Karel est un garçon tranquille.

Karel : Nous sommes sous pression mais je n’y songe pas. Plus elle est forte, plus je reste concentré et mieux je prépare mes matches. Ensuite, je monte sur le terrain et je m’amuse. J’ai pu effectuer mes débuts en Coupe d’Europe, j’ai marqué. En championnat, je joue tous les matches et tout se déroule bien. Je peux jouer avec Deflandre, Léonard, Conceiçao, Rapaic. C’est un rêve pour un jeune footballeur comme moi. Ce que je trouve si chouette au Standard, c’est qu’il compte beaucoup de vedettes sur le papier mais sur le terrain….

Luc :… vous formez une équipe.

Karel : Une très bonne équipe pour le moment. Nous encaissons fort peu de buts, nous développons un football très varié au sol et nous créons des occasions. J’avais hâte d’affronter le Club Bruges, pour être franc. C’était un match de Coupe. A domicile, Bruges est très solide, extrêmement difficile à prendre. Les deux équipes avaient besoin de points et le stade était plein… Ce sont les ingrédients des plus beaux matches. De toute façon, j’ai encore beaucoup de choses à découvrir et à vivre.

Wim : On parle déjà de l’équipe nationale en ce qui le concerne mais il doit simplement poursuivre sur sa lancée. Pour le reste, on verra bien.

Karel : L’équipe nationale n’est pas un objectif en soi mais évidemment, j’aimerais y poursuivre sur ma lancée. Je suis un joueur belge typique, avec la mentalité limbourgeoise.

Luc : C’est ainsi, hein !

Roeland : Un vrai joueur d’équipe.

Wim : Rattraper l’erreur d’un autre ne le dérange absolument pas.

Luc : C’est ainsi qu’il force le respect.

Karel : Je me sens bien dans ma peau, c’est ce qui compte.

Luc : Tous les trois avaient du talent, on le voyait au premier coup d’£il.

Karel : Nous n’avons pas attrapé le gros cou. Avant mes 18 ans, jamais je n’ai imaginé faire du football ma profession. Je me contentais de jouer.

Luc : Cet amour du jeu l’a considérablement aidé. Sinon, avec ce qu’il a vécu, il n’aurait jamais tenu le coup.

Wim : Encore maintenant, quand la saison est finie, il m’appelle parfois : -On va jouer ou on va courir ?

Luc : Ils ont pu vivre leur jeunesse sans pression mais nous leur avons quand même signifié que tout ne coulait pas de source.

Wim : Nous pouvions faire nos propres choix mais nous étions toujours conseillés et soutenus. Notre mère a été très importante. Elle a consenti énormément de sacrifices. Elle était toujours là pour nous.

Roeland : Elle a dû supporter beaucoup de désagréments. Nos plaintes quand nous étions blessés, par exemple. Car il faut bien s’épancher auprès de quelqu’un.

Karel : Mon amie vit tout ça également. Quand je suis blessé, je ne suis pas spécialement agréable. Je suis de mauvaise humeur, je suis sciant. Durant ma première grave blessure, je n’ai pu poser le pied pendant huit semaines. Elle me poussait en charrette. Elle était toujours près de moi, elle m’a sacrifié ses vacances. Elle a quitté Bruges pour Opgrimbie et elle effectue trois fois la navette vers Menin, où elle donne cours à temps partiel. Ce n’est pas rien !

Pierre Bilic et Christian Vandenabeele

 » Karel ne parle jamais beaucoup mais IL AGIT. IL COMPREND VITE, il a l’£il acéré  » (son père)

 » Jouer avec Deflandre, Léonard, Conceiçao, Rapaic. C’est un rêve pour une jeune comme moi  » (Karel)

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