D’abord reculer

L’Egyptien du Standard entend se refaire une santé sportive et morale au Kavé.

A la faveur de son premier rendez-vous majeur en 2003, la jeune garde malinoise a fait mieux que se défendre face à Anderlecht. Avec une phalange composée essentiellement de joueurs de moins de 20 ans, le Kavé a même réussi à entretenir le suspense jusqu’au bout puisque les Bruxellois ne fixèrent les chiffres définitifs à 0-2 qu’à quelques secondes à peine du coup de sifflet final.

« Nous n’avons pas à rougir de cette défaite », dit Mohamed El Yamani, l’un des Standardmen prêtés au FC Malines. « L’équipe a d’autant plus de mérite qu’elle n’a guère eu l’occasion de répéter ses gammes en semaine. La plupart des joueurs, encore aux études, avaient des examens à passer. D’autres, comme moi-même, étaient éclopés puisqu’en raison d’une blessure à la cheville, qui m’avait déjà contraint à donner forfait contre Charleroi, je n’avais pu reprendre les entraînements que le jeudi précédant la rencontre face aux Mauves. Ce jour-là, nous avions pour la toute première fois axé l’entraînement sur cette confrontation avant de procéder aux derniers réglages le lendemain, vendredi. Le système prôné par l’entraîneur ne constituait pas vraiment une inconnue pour moi. Car en formation olympique égyptienne, j’évolue seul aux avant-postes également, avec mes coéquipiers Gamal Hamza et Shehata Reda en tant que soutiens sur les flancs. Je n’étais donc pas dépaysé, ici, avec Bram Criel et Sébastien Grégoire à mes côtés. Tactiquement, j’estime que nous avons très bien manoeuvré et, dans les combinaisons, nous avons même, par moments, dessiné quelques beaux mouvements en une touche de balle. Personnellement, je ne suis pas mécontent de ma prestation. Jusqu’à présent, je n’avais encore jamais joué un match complet, en championnat, depuis mon arrivée en Belgique en 1999. C’est chose faite, à présent, et j’en suis heureux. Je regrette simplement de ne pas avoir toujours pu compter sur suffisamment d’appui pour inquiéter davantage la défense d’Anderlecht ».

Botte secrète

Nonobstant cette défaite, Anderlecht ne constitue pas, dans l’absolu, un mauvais souvenir pour Mohamed El Yamani. Et pour cause, puisque c’est contre le RSCA que l’attaquant égyptien fut titularisé pour la première fois en équipe fanion des Rouches. Et plus précisément le 27 octobre 2001, à Sclessin.

« Je me souviens qu’à cette occasion l’entraîneur, Michel Preud’homme, avait maintenu le suspense jusqu’au bout », dit-il. « Ce n’est qu’en toute dernière minute qu’il avait couché sur la feuille de match les noms des deux attaquants appelés à débuter la rencontre. A ma grande surprise, je faisais partie des heureux élus avec Ali Lukunku. J’étais en quelque sorte la botte secrète du coach. Il va sans dire que pour un baptême du feu, il pouvait compter sur moi. Je ne suis d’ailleurs pas près de l’oublier. Non seulement je n’avais pas démérité mais, en outre, le Standard était parvenu, en cette circonstance, à mettre fin à un brevet d’invincibilité de 16 ans des Sportingmen en bord de Meuse et ce, grâce à un but superbe d’ Almani Moreira. Tout le monde était aux anges. Moi aussi, bien sûr. Je pensais avoir marqué des points précieux face aux Bruxellois. Hélas, comme il en était déjà allé souvent pour moi, dans le passé, j’ai dû déchanter. Jamais je n’ai eu, par la suite, l’opportunité de confirmer ces bonnes dispositions. Au total, sur l’ensemble de la campagne 2001-2002, je fus appelé au jeu à sept reprises seulement. Une misère. A un moment donné, soucieux de faire mon trou au Standard, j’avais songé à mettre l’équipe nationale en veilleuse. Vu mon temps de jeu limité chez les A, je suis toutefois revenu bien vite sur cette décision, multipliant les sélections en formation olympique de mon pays ainsi que chez les Pharaons, l’équipe représentative d’Egypte. Bizarrement, je n’ai jamais déçu à ce niveau, alors que certains trouvaient toujours quelque chose à redire à mes performances sous le maillot rouge et blanc. C’est quand même le monde à l’envers, non? »

Deux semaines dans le coma

On ne s’étonnera pas, dans ces conditions, que le meilleur souvenir de Mohamed El Yamani, dans sa jeune carrière, a trait à un épisode qu’il a vécu en sélection égyptienne. Et plus précisément au Championnat du Monde des moins de 20 ans qui eut lieu pendant l’été 2001 en Argentine.

« Nous avons terminé cette compétition à la troisième place et, personnellement, j’ai été désigné deuxième meilleur joueur du tournoi derrière l’Argentin Javier Saviola« , observe-t-il. « J’étais particulièrement inspiré là-bas, en inscrivant quatre buts contre les Etats-Unis et les Pays-Bas en matches de poule, puis face au Paraguay en quarts de finale et, enfin, devant le pays organisateur dans le dernier carré. Il n’en fallut pas plus pour que je focalise l’attention sur ma personne, de la part de la Juventus, entre autres. Je croyais rêver. La suite, malheureusement, fut moins drôle: après quelques jours de vacances à Sharm-el-Sheikh, j’ai été victime d’un terrible accident de voiture au Caire. J’étais en route pour l’aéroport, où je devais prendre un vol à destination de la Belgique, quand j’ai subitement été percuté par un autre véhicule à l’arrière. Sous la violence du choc, la voiture, que je conduisais, a été projetée contre la berme centrale avant d’effectuer plusieurs tonneaux. J’ai été projeté en dehors de l’habitacle comme l’un de mes cousins et deux amis. C’est tout ce dont je me souviens. Relevé avec une grave commotion cérébrale et une blessure aux ligaments du genou, j’ai passé deux semaines dans le coma. Par la suite, j’ai pu revenir en Belgique, non sans devoir garder la chambre durant quelque temps encore. Début septembre, j’ai pu retâter pour la toute première fois du football. Six semaines plus tard, j’étais titulaire contre Anderlecht. Je pensais être enfin parti du bon pied au Standard. Mais je suis malheureusement resté sur ma faim car ni Michel Preud’homme, ni Robert Waseige, ni Dominique D’Onofrio ne m’ont accordé beaucoup de temps de jeu. Dans ces conditions, il valait mieux que je change d’air temporairement ».

Freiné dans son élan

Des trois mentors précités, c’est assurément le dernier qui connaît le mieux Momo. Quoi de plus normal, dans la mesure où il eut l’intéressé sous ses ordres chez les jeunes. C’est lui, d’ailleurs, qui fut à la base de l’incorporation du joueur chez les A aux prémices de la campagne Intertoto 2000.

« Arrivé en 1999 à Sclessin, Mohamed El Yamani s’était rapidement intégré », précise l’actuel entraîneur des Rouches. « A l’attaque, il ne tarda d’ailleurs pas à faire flèche de tout bois, tant avec les Espoirs qu’en Réserves. Au bout de quelques mois, j’étais d’avis qu’une promotion s’imposait déjà et c’est la raison pour laquelle Tomislav Ivic l’avait repris dans le noyau A en prévision des matches de Coupe d’Eté. Ce fut un coup dans le mille puisque Momo parapha d’emblée un but contre le SV Salzbourg avant de livrer un nouveau match autoritaire contre le VfB Stuttgart. Comme il en va souvent chez les jeunes, il éprouva le légitime besoin de souffler quelque peu et c’est pourquoi il dut essentiellement se contenter de missions de dépannage durant cette même saison 2000-2001. Pour moi, il était acquis qu’il prendrait une nouvelle dimension l’année suivante. Mais le carambolage auquel il fut mêlé en décida autrement. C’est vrai qu’il ne s’était pas mal débrouillé du tout contre Anderlecht, trois mois à peine après avoir été donné pour ainsi dire pour mort. Et en d’autres circonstances aussi, le garçon ne démérita jamais. Mais la vérité commande de dire qu’il n’a jamais atteint, à ces occasions, le véritable sommet. C’était bon, mais à aucun moment tout bon. Depuis son accident, je remarque que ses jambes ne suivent plus toujours sa tête et vice-versa. De la sorte, il a perdu à la fois en spontanéité et en efficacité. Mais il n’y a pas lieu de désespérer avec lui. Je persiste à croire que Mohamed El Yamani est toujours promis à un grand avenir. Pour moi, il a été freiné dans son élan, sûrement pas coupé. Et Malines devrait être une nouvelle rampe de lancement pour lui ».

Retrouvailles avec Czernia

Utilisé à douze reprises tout au long du premier tour, des perspectives nouvelles se seraient peut-être ouvertes pour Momo à Sclessin suite au départ d’ Ali Lukunku et au mystère concernant le futur de Michaël Goossens. Mais il n’a pas voulu attendre, bondissant sur l’occasion de se refaire une santé sportive et morale au Kavé.

« Indépendamment du sort réservé aux autres attaquants, je ne pense pas que j’aurais joui de beaucoup de crédit durant la deuxième phase du championnat », relève Mohamed El Yamani. « Je ne suis pas dupe: si un jeune peut actuellement nourrir de véritables espoirs en Première, au Standard, c’est Jonathan Walasiak. Je suis content pour lui, tout comme pour cette autre étoile montante qu’est Fabrice Olondo, même si par rapport à eux, j’ai toujours eu l’impression de devoir prouver davantage. Et, aussi, d’être moins facilement pardonné. Le club m’a, par exemple, collé quinze jours de suspension, en début de saison, à cause d’un dérapage verbal concernant Dimitri Habran. Après un nul chez les doublures, contre Charleroi, je lui avais simplement demandé, à la rigolade, si les buts qu’il avait encaissés étaient vraiment inarrêtables. Dimi l’avait mal digéré et Michel Preud’homme aussi, qui prit cette mesure à mon égard. Depuis lors, j’ai souvent eu l’impression qu’on me cherchait des poux dans la tête. Aussi valait-il mieux que je m’éclipse pendant quelque temps. Malines, à cet effet, m’offre l’opportunité de rebondir. Je n’y pars pas, non plus, dans l’inconnu, puisque plusieurs Standardmen m’ont accompagné et que je retrouve ici l’entraîneur que j’avais à mes débuts à Sclessin: Alex Czerniatynski. Je me suis toujours très bien entendu avec lui. En tant qu’ancien attaquant de haut niveau, il sait manifestement s’y prendre avec un avant comme moi. J’attends beaucoup de ma nouvelle collaboration avec lui. Je crois qu’il est parfaitement capable de me remettre en selle. J’ai six mois pour prouver qu’à 21 ans, j’ai encore tout l’avenir devant moi. Et j’entends bien le démontrer ici avant que ma carrière prenne enfin son envol au Standard ».

Bruno Govers

« Au Standard, on ne me pardonnait rien »

« Czernia va me remettre en selle »

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