Cuvée Lawarée

Amateur de bons vins, il a parfois vécu des vendanges difficiles sur les terrains de football. Retour sur un parcours copieux et enrichissant.

« Un ami au pouvoir est un ami de moins  » : cette citation ne sera jamais d’application pour lui, avons-nous entendu un peu partout à propos d’Axel Lawarée. Son long parcours de footballeur a commencé à Seraing avant de se terminer récemment près de chez lui, à la JS Vivegnis, en P2 liégeoise.  » Mais, détrompez-vous, il n’a pas raccroché définitivement ses godasses, j’ai encore besoin de lui « , explique Jean-MarcCambresy, le T1 de son dernier club.  » Il m’a téléphoné récemment pour me dire : – Coach, j’ai mal au mollet mais je me soigne. Incroyable, non ? »

 » Il a relevé un fameux défi à Sclessin mais continue à m’appeler coach. Axel a promis de ne pas nous laisser tomber et rejouera avec nous le dimanche quand ses occupations au Standard lui en laisseront le temps. Nous avons besoin de son métier, de son exemplarité, de sa passion pour le football. Quand les jeunes voient à quel point mon ami Axel se donne à fond en P2 après avoir vécu tant de grands moments au top niveau, ils sont admiratifs.  »

Cette aura, Lawarée l’a forgée à la dure au fil des années. Il a mangé son pain noir de 1993 à 2001, huit ans pour se défaire de son étiquette de joker, d’ouvre-boîtes que ses coaches lancent en fin de match, souvent quand la cause est entendue. D’autres que lui auraient renoncé. Lawarée a pris son véritable envol à 27 ans. Avant cela, en 1993, Georges Heylens intègre petit à petit le gamin d’Ampsin Sports dans l’effectif du FC Seraing qui vient de rejoindre l’élite : Lawarée gagne 1.000 euros par mois et épargne patiemment ses sous pour s’offrir un tacot pourri. Les gros cubes ne l’intéressent pas.

Un joker devenu roi des surfaces

 » Je ne suis pas étonné de le retrouver dans le costume de conseiller sportif du Standard « , explique Heylens.  » A 19 ans, Axel s’intéressait déjà à tout ce qui concernait son métier, même s’il ne jouait pas souvent. Il écarquillait les yeux, ouvrait les oreilles pour comprendre les choses, emmagasiner les conseils. J’avais une grande équipe sous mes ordres avec un compartiment offensif de haut vol : Edmilson, Wamberto, Roger Lukaku, etc. Axel dépannait, décrochait, possédait un excellent tir du gauche.  »

Si Heylens l’a lancé en D1 (premier match, le 9 août 1973 au… Standard, défaite 1-0), c’est Manu Ferrera qui l’y installa pour de bon en 1995-96.  » Comme j’ai été le T2 d’Heylens au Pairay, je connaissais bien Lawarée « , explique-t-il.  » Il était évidemment un véritable espoir du football belge, formé à la belle école des jeunes de Seraing comme d’autres gars de sa génération : Olivier Doll, Michaël Goossens ou Manu Godfroid. J’ai succédé à Jean Thissen en début 1995-96 et, pour moi, Lawarée était devenu une certitude. Oui, il lisait bien le jeu et savait se replier entre les lignes.

Mais Axel était surtout un renard des rectangles. Je lui demandais d’être présent dans les 16m où sa technique lui permettait de faire un usage intéressant de ballons compliqués. Même s’il ne fut pas relégué sportivement en D2, le Seraing de Gérald Blaton a été absorbé par le Standard en fin 1995-96. Ce fut une saison difficile mais l’effectif et les jeunes ont été solides : pour moi, Axel était prêt à franchir un palier.  »

Accent liégeois au Standard

Didier Quain a joué deux ans à Seraing (1994-96) et l’expérience qu’il accumula à Courtrai et surtout à Liège profita aux jeunes de Seraing, dont Lawarée.  » Ce ne fut pas tous les jours facile mais Seraing resta parmi l’élite en 1995-96 avant d’être rayé de la carte, coulé financièrement « , se souvient-il.  » Les supporters étaient furieux. Il y a même eu un incendie au stade. Malgré cette tension, l’équipe ne s’est pas désunie et a défendu son honneur jusqu’au bout. Quand un jeune tient le coup dans de telles conditions, c’est significatif. Axel n’était qu’au début de son parcours mais tout indiquait qu’il pouvait réussir en D1.

Ce jeune vivait et se soignait comme un professionnel chevronné. Avec Serge Kimoni et Axel, nous formions un trio d’amis. Axel était respectueux, intelligent, courageux. Plus tard, je l’ai retrouvé tel qu’il était à 20 ans. Nous nous sommes régulièrement croisés à l’Académie Robert Louis-Dreyfus, moi en tant que scout de l’Union Belge ; lui en tant qu’agent de joueurs très intéressé par les jeunes Belges. Et, autour d’un pot ou d’une tasse de café, on refaisait le monde du football. Je suppose qu’Axel aura moins de temps désormais mais son arrivée rend un sourire et un accent liégeois au Standard.  »

Un château en Espagne

Pour un jeune joueur de la région liégeoise, porter le maillot du Standard constitue le plus grand des bonheurs. Après avoir découvert l’ambiance de la CE3 avec Seraing (contre le Dynamo Moscou), il participe à la longue campagne du Standard en Coupe Intertoto.  » Nous avons été battus en finale par Karlsruhe, 1-0 chez nous, 3-1 là-bas « , se souvient Didier Ernst.  » J’ai rarement croisé un joueur aussi sympathique que Lawarée. Il était souriant avec tout le monde, prêt à tout donner pour l’équipe. Mais, attention, il était pro, courageux, positif mais pas naïf. Pour un jeune Liégeois, s’imposer au Standard est ultra dur car ses attentes s’ajoutent à celles du public. Axel a grandi sous les ordres de Jos Daerden qui dialoguait beaucoup avec ses joueurs. Il avait besoin de ces échanges car il y avait du beau monde en pointe : Goossens, Edmilson, Wamberto. Cela faisait quatre candidats pour deux ou trois places.  »

 » La saison suivante, Aad de Mos a fait une croix sur lui, surtout après l’arrivée des frères Mpenza. Axel était à la croisée des chemins. En restant plus longtemps au Standard, il risquait de ne plus jouer et d’hypothéquer la suite de sa carrière au haut niveau. Les attaquants percent parfois sur le tard. Il est plus facile de faire son trou dans des missions défensives. Lawarée avait encore besoin de vécu, de temps de jeu, même de coups durs avant d’arriver à maturité. Il a compris, n’a rien lâché même si c’est dur de quitter le Standard avec, probablement, un sentiment d’incertitude. Il a osé partir au FC Séville et a peut-être sauvé sa carrière en Espagne.  »

En pétard avec Detremmerie et Broos

C’est un homme de l’ombre qui est à la base d’un étrange transfert, Ranko Dzaja.  » En 1997, j’étais dans les bons papiers du Standard car j’y ai amené les frères Mbo et Emile Mpenza « , narre-t-il.  » J’ai appris que le Standard cherchait à caser Lawarée. Je savais que Séville cherchait un attaquant de pointe. J’ai mis les deux clubs d’accord pour une location. J’ai dû rencontrer Axel une fois à cette époque mais c’est bien plus tard qu’il a appris que j’avais agencé ce transfert. Mon rôle s’arrêtait là ; le reste, comme la signature du contrat, était l’affaire des clubs. Séville n’était pas le grand club actuel. Plusieurs coaches s’y succédèrent cette saison-là. Axel a eu des petits pépins de santé et cette incertitude ne lui convenait pas, je crois. Je ne me suis plus occupé de lui mais ce passage en Espagne lui a procuré une visibilité médiatique qui explique probablement son transfert à Mouscron.  »

Le Standard empoche alors 400.000 euros, sans oublier les 150.000 euros de la location à Séville. Une belle somme à l’époque. L’ancien international Espoirs n’est pas encore au bout de ses peines. A l’Excelsior, où il resta trois ans (1998-2001), Lawarée perd d’emblée un an en raison de deux opérations au genou. Il est le joker d’Hugo Broos et ce rôle qui lui colle aux boots l’irrite. Le placide Lawarée pique les premières colères de sa vie, attaque Jean-PierreDetremmerie dans Sport Foot Magazine et reproche à Broos d’accepter les  » ordres venus d’en haut « . Lawarée estime alors que l’ancien président cherche à l’éjecter, ce que Detremmerie dément.

La force dans l’adversité

Steve Dugardein et Gonzague Vandooren ont porté le maillot des Hurlus en même temps que lui.  » Je garde le souvenir d’un collègue d’une correction exceptionnelle « , affirme Dugardein.  » Il avait un appartement à Mouscron et ne rentrait pas tous les jours du côté de Liège, ce qui lui était probablement difficile à vivre sans sa famille. Nous sommes partis en vacances avec Gonzague et Giovanni Seynhaeve. Broos avait son concept et, c’est connu, il ne touchait pas trop à son équipe de base. Et l’Excelsior collectionna les grandes équipes durant plusieurs années. Axel était la doublure de luxe des Zoran Ban et surtout de Nenad Jestrovic que Broos découvrit en France, à Metz. Pour Axel, ce ne fut pas une période facile à vivre mais il y puisa la force de réagir qui explique en partie sa réussite en Autriche et en Allemagne.  »

Vandooren partage le même point de vue :  » J’étais plus jeune et, à mes yeux, il faisait déjà partie des routiniers de l’équipe. Sympa et souriant, Axel s’entendait à merveille avec tous ses équipiers. Je me demande si cette gentillesse naturelle ne constituera pas son principal problème dans son nouveau job. Il devra apprendre à dire non, à imposer sa vision. Même si j’ai gardé le même numéro de téléphone, nous nous sommes perdus de vue depuis ses séjours à l’étranger. Je participerai prochainement à un tournoi en salle à Liège avec mon équipe de vétérans et j’espère trouver des places pour pouvoir assister à Standard-Club Bruges et serrer la pince d’Axel.  »

Populaire en Autriche

Après son long passage à l’étranger (voir encadré), Lawarée se replia sur la Belgique. Un de ses grands amis, Frédéric Veraghaenne (ex-responsable du merchandising et du marketing à Sclessin, ancien dirigeant d’Hannut, actuellement en charge de la gestion du centre national de Tubize) l’aiguilla vers les divisions régionales et le RFC Hannutois.  » J’ai connu Axel au Standard et je l’ai suivi partout. Il jouit toujours d’une popularité incroyable en Autriche. Ces longs séjours à l’étranger ont façonné son caractère. Oui, il a brillé à Bregenz et au Rapid Vienne mais il a eu des coups durs comme cette collision avec Joey Didulica, le gardien de but de l’Austria Vienne dont la vidéo est toujours visible sur You Tube. Axel aurait pu être grièvement blessé.  »

 » En 2007, il acheta une maison à Vivegnis, une ancienne ferme de vigneron qu’il rénove en mettant la main à la pâte. Il avait envie de déposer ses valises, de donner la priorité à sa famille, à sa femme et à leurs trois enfants. C’était possible en jouant au Fortuna Düsseldorf et surtout à Hannut où il a fait la connaissance de Roland Duchâtelet. Il y avait eu des contacts informels entre le président des Rouches et Hannut. Axel participa aux conversations et, grâce à ses contacts en Allemagne, il a permis au Standard de prendre part à la Winter Cup. Duchâtelet a apprécié et je suis certain que c’est là qu’est née l’idée de lui confier un jour des responsabilités sportives au Standard.  »

Un oenologue averti

A Hannut, Lawarée enthousiasma son coach, Pierre Longueville :  » En plus d’Axel, j’ai bénéficié de l’apport de Manu Godfroid. Pour un jeune coach, c’est surtout du bonheur. Axel et Manu n’ont jamais cessé de montrer l’exemple, oui même en P1 et cela ne leur posait pas de souci d’égo. Axel avait joué en Ligue des Champions avec le Rapid Vienne. Et alors ? Il s’amusait et se soignait aussi bien à Hannut. Il fait tache dans ce milieu où l’honnêteté n’est pas la vertu cardinale.  »

Alain Finet, le directeur sportif du FC Richelle United (P1 liégeoise) où Lawarée joua en 2013 partage la même analyse. Tout comme Veraghaenne, Finet sait que Lawarée est un oenologue. Il a une bonne cave et a planté quelques pieds de vigne à la Ferme du Vigneron. Lawarée connaît le goût des bonnes cuvées. Il n’a certainement pas apprécié la piquette servie par le Standard à Ostende.

PAR PIERRE BILIC- PHOTOS : BELGAIMAGE

 » Gentil et affable, il devra apprendre à dire non à présent.  » Gonzague Vandooren

 » Axel s’amusait et se soignait aussi bien en P1 qu’au Rapid Vienne.  » Pierre Longueville, ex-T1 du FC Hannut

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