» Cruijff, Monsieur football total « 

Pierre Bilic

NÉ EN 1941, HEYLENS FUT UN EXCELLENT BACK DROIT (67X DIABLE ROUGE, ÉQUIPE D’EUROPE 65, MONDIAL 70 AU MEXIQUE, 7 TITRES ET 3 COUPES DE BELGIQUE AVEC ANDERLECHT). COACHA UNE DOUZAINE DE CLUBS (PASSA 5 ANS AU LOSC ET FUT COACH BELGE 1984 À SERAING)

 » J’ai un point commun avec… Johan Cruijff (63 ans). Même si je suis très fier de ma carrière, je ne songe pas à son talent, unique en son genre. Sa mère, comme la mienne, était femme d’ouvrage. Le football lui a permis d’aider sa famille et il n’a jamais oublié les années difficiles de son enfance passée près de l’ancien stade de l’Ajax d’Amsterdam où travaillait la maman. Un an après la disparition de Laurent Verbiest (le 2 février 1966), le Sporting organisa un match du souvenir. Et pour rendre hommage à Lorenzo, EugèneSteppé, le secrétaire général, eut la bonne idée d’inviter l’Ajax. Tous les arrières étaient pâles comme des cierges de Pâques quand ils retrouvaient Cruijff sur leur chemin. Notre Laurent-le-Magnifique aurait adoré se frotter à celui qui devint le successeur de Peléau top du football mondial.

Johan était vif, rapide, provocateur, résistant, intelligent. C’était évidemment un soliste quand il le voulait mais, on l’oublie peut-être, cet inventeur a eu un gros impact sur le style de l’Ajax. Il se repliait profondément dans le jeu et a changé toutes les géométries de l’attaquant moderne. Sans Cruijff, on n’aurait jamais parlé du football total de l’Ajax. Il pensait pour 10 et adorait se poster sur la gauche. Cela lui permettait de s’évader sur l’aile ou de rentrer dans le jeu en s’appuyant sur le revers de son pied droit. Son arrière était désarçonné et impossible de le reprendre car il avait une double accélération. Moi, je n’avais jamais été aux prises avec un attaquant aussi rapide. Il était sympa quand on lui posait des problèmes. Il applaudissait : – Goed gespeeld, jongen (bien joué, garçon).

Ajax avait gagné trois C1 (1971, 72, 73) quand la Belgique hérita des Pays-Bas dans les matches de qualification pour le Mondial 74. Le genre de mission impossible. Mais Raymond Goethals n’était pas un coach comme les autres. Il avait radiographié Cruijff des pieds à la tête. Il le connaissait mieux que Frantisek Fadrhonc, le coach des Pays-Bas. Raymundo m’a répété mille fois : – Tu le laisses venir, pas question de l’attaquer de front et tu temporises. Tu as compris, fieu. S’il doute il sera moins tranchant. Erwin Vandendaele te couvrira dans le dos. Wilfried Van Moer se chargera de lui s’il rentre dans le jeu. Avec un tel phénomène, seul un marquage en zone peut nous être utile. Goethals ne s’était pas trompé : ce 19 novembre 1972, à Anvers, le marquoir ne bougea pas (0-0). Je me suis encore mieux rendu compte de son impact. Aujourd’hui encore, le Barça met en pratique les idées de Cruijff. Il ne manque qu’une Coupe du Monde au palmarès de ce précurseur.  »

PIERRE BILIC

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