Crochetto

Pierre Bilic

Les Zèbres ont-ils découvert le merle blanc, un flanc droit à la Dante Brogno, au Racing Club de France 92 ?

Sa première apparition en D1, en deuxième mi-temps contre Westerlo, ne passa pas inaperçue : Grégory Christ, 22 ans, épata le public en puisant généreusement dans son arsenal technique. Jacky Mathijssen et Dante Brogno étaient ravis pour lui et pour un stade impressionné par ce talent.

Mobile, inventif, il signa des passements de jambes, des roulades et autres crochets dévastateurs. Tout cela mérite confirmations tout au long de la saison avant de crier à la pêche miraculeuse mais l’homme est pétri de talent. Mogi Bayat l’a découvert à Paris, au Racing Club de France 92, comme ce fut le cas de Michaël Ciani la saison passée. Ce dernier était un inconnu et devint international Espoirs français à Charleroi avant d’être cédé, avec un solide bénéfice à la clef, aux Auxerrois de Guy Roux. L’Ile de France est un formidable réservoir de talents. Thierry Henry, Didier Drogba, Patrice Evra et Nicolas Anelka, entre autres usèrent leurs premiers crampons dans la région parisienne. Les grands clubs français y lancent leurs recruteurs afin de ne pas rater la perle rare. Charleroi y tente aussi sa chance avec un certain bonheur.

 » Nous avons suivi Grégory à cinq reprises « , affirme Raymond Mommens.  » Au départ, Mogi Bayat et moi-même étions intéressés par un autre joueur. Mais, tout de suite, nos regards ont été attirés par un technicien hors catégorie. Grégory était tout simplement épatant. Puis, ses statistiques soulignaient une richesse : 17 passes décisives. C’est un diamant. En Belgique, il va acquérir le rythme de la D1, se frotter à un jeu plus rude, très tactique, etc. Je ne comprends pas qu’un joueur comme lui n’ait pas été recruté par un grand club français. S’il confirme, il ne restera pas longtemps en Belgique : tout le monde cherche des joueurs aussi doués et spectaculaires. Maintenant, c’est à lui de saisir sa chance et de travailler « .

Installé avec sa copine, Myriam, dans un appartement du centre de Charleroi, Grégory Christ est bien décidé à ne pas quitter sa bonne étoile du regard. Son demi-frère, Karim, fut une des plus grandes promesses du Stade de Reims. Il jouait avec Robert Pirès.

 » A l’époque, on affirmait même sans hésiter qu’il était plus doué que Pirès « , insiste Grégory. International dans les catégories de jeunes, Karim s’est perdu en cours de route et c’est Pirès qui joue aujourd’hui à Arsenal, pas lui. Grégory a probablement retenu les leçons de cette aventure. Il sait que le temps passe vite, mesure que les dangers guettent partout, massacrant le jeune talent quand il appartient à des êtres trop fragiles.

Né pour jouer au football

José Touré avait évoqué tout cela, les mauvaises fréquentations, l’alcool, la drogue, dans un très beau livre : Prolongationsd’enfer. Ces drames ne frappent pas qu’au top. Grégory Christ nous cita le cas d’un coéquipier de Beauvais qui, autrefois, ne fut pas prudent, s’abîma dans la consommation de shit. Grégory Christ est d’autant plus armé dans la lutte pour la réussite que sa copine veille au grain, bien décidée à le pousser dans le dépassement de soi.

 » Il est né pour jouer au football « , dit-elle.  » Nous sommes originaires tous les deux de Beauvais, en Picardie « . La maman de Grégory Christ est venue de la Réunion, ce qui explique son teint halé.  » C’est une métisse « , précise-t-il.  » J’ai été une fois seulement à la Réunion. J’étais encore petit. Plus tard, j’espère y passer régulièrement mes vacances. Ma famille réunionnaise est très grande et compte des avocats, des profs, des médecins,… Du côté de papa, il y aurait de lointaines origines égyptiennes « .

Son père exerce la profession de routier et ne s’intéressait pas du tout au football. Du football de quartier où il a forgé sa technique au club de football de Beauvais, il n’y eut qu’un pas qui fut vite franchi.

 » J’ai fréquenté le centre de formation. A 17 ans, j’ai pris part à mon premier match en L2 contre Nîmes. J’avais un contrat de stagiaire et j’étais la promesse du club. J’étais régulièrement repris parmi les sélections de jeunes de Picardie. Je progressais tout en décrochant un diplôme en comptabilité. En cours du championnat 2002-2003, j’ai été victime d’une déchirure à la cuisse. J’ai tout fait pour me rétablir au plus vite car j’étais en pleine affirmation. Cela m’a valu une rechute. Au début de la saison 2003-2004, le coach m’a soudain affirmé qu’il ne comptait plus sur moi. Selon lui, je n’avais pas tout fait pour revenir dans le coup après ma blessure. Or, c’était exactement le contraire. Je n’en revenais pas et le ciel me tombait sur la tête car les autres clubs s’étaient déjà renforcés. Heureusement, Jean-Guy Wallemme, un ancien grand joueur de Lens, entraînait le Racing Club de France en CFA et insista afin de réaliser mon transfert. J’avais cinq kilos de trop mais mon test fut bon. Je suis arrivé au Racing après cinq journées de championnat et le coach me lança tout de suite dans le bain contre Châtellerault. Nous avons gagné 2-0 et j’ai réalisé les deux passes décisives. J’étais bien décidé à continuer sur cette lancée. Et ce fut le cas avec trois buts et 17 passes décisives. Là, on m’appelait Crochetto. On a même brodé ce surnom sur mes équipements. J’adore crocheter et centrer. Je me régalais en expédiant de bonnes balles au premier et au deuxième poteau, même plus loin pour que l’autre couloir puisse aussi être dangereux devant le gardien de but adverse. J’adore réaliser la passe décisive, la passeD comme on dit en France. J’étais dans mon élément. Heureux, je ne pensais qu’au foot même si je n’avais pas encore de contrat pro en CFA « .

A la fin de la saison, le Racing prit place en National (D3) et quelques clubs firent des propositions à l’artiste : Gueugnon, Rouen, Romorantin et Croix-de-Savoie notamment. Même s’il se plaisait au Racing, l’occasion était belle d’avancer, de s’installer, d’avoir un statut financier plus stable. Là, le club ajoutait 1.000 euros par mois à ses indemnités légales de joueur sans emploi depuis la fin de son aventure à Beauvais. Mais c’est Charleroi qui enleva la mise.

Fier d’être là

 » Il y avait plusieurs mois que Mogi Bayat me téléphonait régulièrement « , raconte-t-il.  » Je ne l’avais jamais rencontré mais son enthousiasme m’a plu. Il m’a parlé des réussites françaises à Charleroi, de la possibilité de progresser et de me faire un nom en Belgique. J’ai été séduit. Puis, j’ai découvert un bon groupe, un stade magnifique, des supporters qui vivent pour leurs couleurs. Je découvre la D1. C’était mon rêve et je le fais dans le cadre d’un championnat de qualité. La preuve en a été donnée par Anderlecht qui a sorti Benfica afin d’arracher sa place dans une des poules de la Ligue des Champions. Tout va vite ici et les équipes sont solides, très bien organisées. Je suis fier d’être ici « .

Myriam, la copine de Grégory, cherche déjà un emploi de coiffeuse à Charleroi. A deux, ils ont décidé de réussir chez les Carolos.

Pierre Bilic

 » J’adore réaliser LA PASSE D  »

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