Critiques BELGES

L’avant-centre norvégien est l’homme des buts importants.

« Si d’autres questions vous viennent à l’esprit, n’hésitez pas à téléphoner « , précise gentiment Rune Lange (27 ans) à la fin de l’interview. En l’espace de deux heures, il n’a pas élevé la voix une seule fois. Il parle d’un ton mesuré, calme, ne s’épanche jamais longuement et est arrivé cinq minutes en avance. Un homme bien éduqué, agréable et positif. Mais quand on ne le connaît pas, il est réservé.

Le matin qui suit un match, il est toujours fatigué :  » En fin de saison, mon corps a besoin de plus de temps pour récupérer « . Avant le match à Mons, il était meilleur buteur du championnat à égalité avec le Standardman Sambegou Bangoura : 15 réalisations, et convoitait un trophée supplémentaire ! A Bruges, tout le monde a toujours eu intérêt à ce qu’il marque…

Rune Lange : Quand nous marquons rapidement, le match devient plus facile pour nous ! Mais de plus en plus de nos adversaires ont eu l’intention de saboter le match, de gagner du temps et de se défendre, pas de jouer. La plupart adoptent cette tactique. Ces dernières semaines, c’était très dur chez nous à cause de l’état du terrain. Finalement, nous avons mieux joué en déplacement… En début de saison, évoluer chez nous était plus gai car notre terrain était en bon état et nous pouvions plus facilement faire le jeu. Durant les premiers mois, nous avons donc été plus forts à domicile. En hiver, l’état du terrain s’est dégradé et nous avons peiné face aux équipes qui bétonnaient. A partir de ce moment, nous avons été meilleurs à l’extérieur. L’ambiance joue un rôle aussi. Nos supporters nous soutiennent davantage en déplacement. Quel que soit notre adversaire, nous sommes encouragés pendant 90 minutes alors qu’à domicile, les supporters s’impatientent. Mentalement, être encouragé ou sifflé fait une fameuse différence. Quand on rate quelque chose et qu’on se fait huer, on a peur d’entreprendre une autre action. La fois suivante, au lieu de réclamer le ballon, on a tendance à se dissimuler.

Vos adversaires étaient-ils plus offensifs en début de championnat ?

J’ai le sentiment qu’ils sont toujours défensifs mais que ça leur réussit mieux quand notre terrain est mauvais. Tant qu’il est bon, nous les plaçons sous pression et leur coupons les jambes en faisant circuler le ballon. Au second tour, nous avons eu besoin d’une à deux touches de balle en plus par action, ce qui a ralenti notre jeu. Mais les mentalités changent. Avant, l’adversaire essayait au moins de revenir quand il était mené. Peu d’équipes s’y essaient encore, maintenant. Les autres, majoritaires, continuent à défendre afin de ne pas encaisser davantage de buts. Quand elles évoluent à domicile, elles tentent encore de faire le jeu mais guettent surtout une erreur de notre part.

Qui joue, hormis les ténors ?

Westerlo essaie de développer son football comme Mouscron la saison passée sous Georges Leekens et Gand cette année.

N’est-ce pas ennuyeux ?

Si. On ne le sent pas en début de saison parce qu’on est encore frais mais souvent je me surprends à penser : Oh no, not again.  » Nous devons donc serrer les dents. Parfois, les duels sont à la limite, il s’agit d’être plus malin. Notre objectif est de les empêcher de faire la fête en leur raflant les trois points. Alors, nous sommes heureux, dans le car, pendant le trajet de retour.

Vous avez même prolongé votre contrat d’un an…

Parce que la Ligue des Champions compense beaucoup de choses.

Les défenseurs sont-ils durs, en Belgique ?

Ils peuvent se permettre plus de choses que les attaquants. Prenez le match de Coupe contre le Lierse : sur presque tous les coups de coin en notre faveur, l’arbitre aurait pu siffler penalty, tant ils s’accrochaient. C’est pareil chaque semaine. Si j’essaie de me dégager, on siffle faute contre moi. Les arbitres devraient comprendre qu’en 2005, on joue différemment. Le football va à sa mort si on continue comme ça.

 » Toujours éviter les duels directs  »

Cherchez-vous les duels ?

Non car je freinerais notre jeu. Quand vous cherchez le duel et que vous êtes contenu, vous obtenez un coup franc mais l’adversaire peut se réorganiser. Mieux vaut éviter un duel direct et continuer à jouer.

Vous ne réagissez jamais quand on commet une faute sur vous.

Me maîtriser chaque fois n’est pas facile mais j’essaie. Je sais que réagir, pousser ou tirer ne me rapportera rien.

Vous marquez beaucoup depuis quelques semaines. Vous êtes en forme ?

J’ai souffert d’une blessure au pied qui m’a empêché de m’entraîner autant que d’habitude pendant deux mois. Janvier et février ont été de bons mois, comme novembre. Tout dépend aussi des ballons que m’envoient les médians et les défenseurs. En plus, au centre-avant, je n’ai guère d’espaces, coincé entre deux défenseurs centraux et deux médians défensifs. Je suis généralement dos au but alors qu’en Norvège, j’avais plus d’espaces et je me trouvais face au goal.

Que voulez-vous dire ?

Nous jouions aussi en 4-3-3 mais comme nous étions moins forts, j’étais généralement seul en pointe et je pouvais m’avancer. Ce n’est pas possible ici. En Norvège, je marquais beaucoup au départ de situations homme contre homme. Dès que nous conquérions le ballon, je m’élançais et je l’avais souvent un instant plus tard. Ici, nous avançons par paliers. Je marque donc sur des centres. Parfois, je regrette de ne plus avoir d’espaces. Ici, le rectangle est très peuplé.

Vous souffrez toujours du dos ?

Je suis à même de supporter deux matches par semaine, comme je l’ai démontré en début de saison quand nous étions européens. J’ai appris à vivre avec la douleur ; elle ne m’empêche pas de jouer. Elle est parfois plus vive mais ça va. Je ne souffre pas pendant les matches mais après. Notamment quand j’essaie de m’endormir après un match ou quand je m’éveille le lendemain matin.

Devez-vous prendre des antidouleur ?

Pas tous les jours mais avant chaque match.

Avez-vous toujours eu des problèmes de dos ou votre hernie est-elle apparue brusquement ?

Bêtement, en octobre 2001, à l’entraînement. J’ai essayé de sauter et j’ai senti quelque chose dans mon dos. J’ai été opéré un an plus tard. Personne ne m’a conseillé d’arrêter le sport et je me trouvais trop jeune pour ça.

Le Club a moins de talents individuels qu’Anderlecht et le Standard…

Le foot, c’est marquer le plus de buts possible et en encaisser le moins possible. Nous avons la meilleure attaque et la meilleure défense. Nous sommes donc à la fois créatifs et bien organisés. Le reste ne compte pas.

Vous êtes un vrai finisseur sans être égoïste. Vous avez délivré neuf assists.

Dès mes débuts, on m’a appris à ne pas essayer d’être l’homme du match mais à permettre à mes coéquipiers de jouer mieux. Durant toute ma formation, j’ai appris à jouer en deux touches maximum. Ce qui compte, c’est que le club marque. Si un partenaire est mieux placé que moi, je dois lui céder le ballon.

Vous êtes quand même à Bruges depuis avril 2001…

Je n’ai pas besoin de changer régulièrement d’air.

 » Il faut qu’on veuille de moi  »

Auriez-vous resigné si Sollied était parti en Grèce ?

Je n’ai pas discuté avec l’entraîneur mais le staff technique a dit à la direction qu’il souhaitait me conserver. Ce qui m’a décidé, c’est que Bruges peut jouer la Ligue des Champions. Sachant que je préférais rester au Club et que lui-même désirait poursuivre notre collaboration, je n’ai pas discuté avec d’autres équipes et nous avons rapidement trouvé un accord.

Quel club belge s’est intéressé à vous en premier ?

C’était en 1996 : Anderlecht ! Il suivait aussi Ole Martin Aarst. Je jouais en D2, à cette époque, et j’avais signé un précontrat avec Tromsö, en D1. Une clause annulait le contrat si un club étranger se manifestait. J’ai eu des contacts téléphoniques avec Paul Courant. Manu Ferrera est venu me visionner mais ça ne s’est pas fait. J’en ignore la raison.

Parce que le rapport était négatif, même si vous ne coûtiez pas grand-chose. Auriez-vous rejoint Anderlecht si le rapport avait été positif ?

Non. Il n’y avait pas qu’Anderlecht et Tromsö. Des formations autrichiennes et danoises s’intéressaient aussi à moi mais je m’estimais trop vert pour l’étranger. Je préférais jouer un an en D1 norvégienne. L’année suivante, j’ai refusé une offre de Coventry parce que je m’estimais toujours trop inexpérimenté, malgré les pressions exercées pour que je signe. Tromsö demandait cinq millions d’euros en 1998 et Coventry était disposé à débourser cette somme. Les clubs étaient d’accord mais j’ai refusé. Une saison plus tard, plusieurs clubs se sont manifestés mais ont estimé le prix trop élevé. Tromsö, lui, pensait que si Coventry voulait payer ce montant, les autres n’avaient qu’à faire pareil. Moi-même, je me suis mis d’accord avec Rosenborg mais les clubs n’ont pas trouvé de terrain d’entente. Deux mois plus tard, c’était fait mais je n’ai plus voulu car mon contrat avait changé. J’ai alors décidé de relever un autre défi, en dehors de mon pays. J’ai vécu six mois difficiles. Les journaux publiaient des rumeurs tous les jours. Trabzonspor voulait bien payer à peu près ce que Tromsö demandait et j’étais las de ces rumeurs. Je n’avais pas toujours rêvé de l’étranger. Au début, j’étais déjà bien content de mon sort en Norvège.

La Turquie vous a-t-elle plu ?

Un joueur blond y est remarqué. Le football est très important, là. On me traitait comme un dieu. Le revers de la médaille, c’est que tout tourne autour du football, 24 heures sur 24. Il était difficile de mener une vie normale mais j’ai été bien accueilli. Nous étions sept étrangers et nous nous retrouvions souvent. Si le club n’avait cessé de nous payer après six mois, j’y serais resté plus longtemps. J’ai conservé des amis de mon passage en Turquie. Igor Nikolovski, du Lierse, était mon coéquipier et reste un de mes meilleurs amis.

Comment avez-vous abouti au Club ?

J’étais déjà venu deux fois en stage en Belgique avec Tromsö, qui avait vendu Johnny Hanssen à Alost et avait pu profiter du camp d’entraînement en échange. La Belgique ne m’a pas séduit immédiatement. Le temps a été mauvais les deux fois. Je ne pense pas avoir vu le soleil un seul jour. C’est durant ce stage que j’ai fait la connaissance de Chris Van Puyvelde. Trond Sollied était aussi intéressé en apprenant que j’étais libre. Il était essentiel à mes yeux que les entraîneurs me veuillent. Je me sens chez moi ici. J’adore Bruges mais aussi Anvers, Ostende et Knokke.

Pourriez-vous rédiger un guide touristique à l’intention des Norvégiens ?

Incontournable : une visite à Bruges avec une excursion à la mer. Gand doit aussi figurer à l’agenda. Je connais moins le sud. Ainsi, je ne connais pas du tout Mons. Est-ce une belle ville ? Enfin, je conseillerais le chocolat et la bière pour les cadeaux. Pour moi, la Hoegaarden, la Leffe brune et le chocolat blanc.

 » La nature me manque  »

Que préférez-vous au restaurant :

le steak frites ou le poisson frais ?

Le poisson frais.

Qu’est-ce qui vous manque le plus de la Norvège ?

Les montagnes et la mer. Sorti de Bruges, je suis incapable de m’orienter tant tout est plat. Je me demande où est le nord ! Sinon, ce sont surtout mes amis qui me manquent.

Voilà pourquoi David Brocken affirme vous rencontrer si souvent le soir à Oslo.

(Il rit). Je l’ai rencontré quelques fois en Norvège. Un chouette gars. Je retourne à Oslo dès que j’ai quelques jours mais ce n’est pas aussi fréquent que vous le croyez. Nous n’avons généralement qu’un seul jour de congé. Faire la navette n’en vaut pas la peine. Mais quatre fois par an, j’y retourne l’espace d’un week-end, en plus des vacances traditionnelles, souvent quand l’équipe nationale joue.

Bon, j’ai un billet pour la Norvège. Que dois-je y faire ?

Il faut visiter le musée des Vikings d’Oslo ou les installations de saut à skis, en dehors de la ville, d’où on a une vue magnifique. Si vous restez quelques semaines, faites une croisière le long des fjords et des glaciers. Au nord, en été, le soleil brille 24 heures sur 24. Il faut partir en montagne la nuit, c’est magnifique, et pêcher quand le soleil est au zénith. En hiver, il faut aller voir la lumière du Nord. C’est possible à Tromsö, quand il fait froid et clair.

Les gens sont-ils très différents ?

En Norvège, on accepte que vous jouiez quelques mauvais matches. On juge l’ensemble de l’équipe. Ici, les gens concluent très vite que vous n’êtes pas capable de jouer. Je trouve que vous tirez des conclusions prématurées et erronées.

Vous venez de surprendre Didier Frenay, votre manager.

(Surpris) Vraiment ?

Il a réglé quelque chose pour vous et vous l’avez rappelé pour le remercier.

C’est la moindre des choses à mes yeux. C’est ainsi que j’ai été élevé.

Vous êtes d’un naturel optimiste.

Il m’arrive évidemment de me fâcher mais je le garde pour moi. Vous ne le remarquerez jamais car je ne crierai ni ne râlerai, même pas au club. Je sais contrôler mes émotions. Sur le terrain, je suis parfois mécontent mais en général, je ne suis pas agressif.

Pouvez-vous conserver cette vision des choses à l’entraînement ?

Si je me mets en tête que c’est ennuyeux, ce sera encore pire. Il m’arrive d’être dans un mauvais jour mais alors, je me dis que je suis privilégié. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Dans la plupart des emplois, on fait la même chose jour après jour et pas pendant deux heures mais pendant huit.

Où voudriez-vous voyager ?

Au Pérou pour voir Machu Picchu, l’ancienne cité des Incas.

Vous allez achever votre carrière en Norvège.

Oui mais je reviendrai souvent en Belgique car j’y ai beaucoup d’amis. La Royal League, qui réunit les quatre meilleures équipes de Norvège, Suède et Danemark, a lieu dans mon pays, pour le moment. Les sponsors sont très enthousiastes. C’est peut-être une bonne idée pour la Belgique. Après le championnat, les meilleures équipes belges et néerlandaises pourraient disputer un tournoi de ce genre, non ?

Geert Foutré

 » Le premier club belge que j’ai intéressé ? ANDERLECHT ! « 

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