Critères objectifs

Notre football bouillonne sous une forte poussée de fièvre.

Il y a un an, notre pays accueillait l’EURO 2000. Les stades flambant neufs s’ouvraient telles de belles corolles tandis que les villes se paraient de leurs plus flamboyants atours. Aujourd’hui, ne restent que des souvenirs. La vie a repris son cours normal. Et Alain Courtois son poste de secrétaire général.

Dans le somptueux bureau qu’il occupe au siège de la fédération, seule une affiche encadrée ainsi que la petite mascotte, discrètement posée sur une armoire, lui rappellent les heures passées à l’élaboration de l’épreuve. Pour le reste, il est trop occupé pour laisser vagabonder son esprit. Le moins que l’on puisse dire est que 2001 a démarré sur les chapeaux de roues.

Différentes affaires impliquant des managers sont révélées. Puis arrive le dossier brésilien. Maintenant, on évoque quasi quotidiennement des faits (présumés) de corruption.

« Certes, nous devons intervenir », concède Alain Courtois. « Cependant, je m’insurge contre le négativisme. Il se passe des choses déplorables. Il est temps que le football se réinscrive dans la société en présentant une image positive ».

Pour y parvenir, des mesures sont attendues. Notamment afin d’endiguer l’exploitation de jeunes étrangers. « On dit que, poussés dans le dos, nous courons de gauche à droite afin d’éteindre les incendies. Il faut savoir que nous nous basions sur une circulaire ministérielle. Celle-ci nous demandait de veiller à l’inscription des arrivants sur les registres communaux. Point. Des clubs ont exagéré. Certains continuent. Nous avons pris la mesure la plus radicale qui soit : le joueur hors Communauté européenne reçoit son affiliation s’il possède son permis de travail en plus de son permis de séjour ».

Simple en théorie. Fastidieux à mettre en place. Raison pour laquelle Alain Courtois court les institutions. Il a déjà rencontré les ministres Thomas, Landuydt et Arena. Des accords existent. Relatifs à la rapidité de délivrance des papiers. Les clubs pragmatiques, organisés ne doivent pas être pénalisés à la suite d’éventuelles lourdeurs administratives. Désormais, à l’entame de chaque saison, l’Union Belge expédiera la liste des entrées à l’autorité compétente. Celle-ci aura le loisir de procéder aux vérifications. Pour les mineurs d’âge, la FIFA s’apprête à trancher. Lors de son congrès du 7 juillet à Buenos Aires, une mesure drastique sera proposée au vote : interdire purement et simplement les transferts internationaux aux -18 ans. Vivrons-nous alors le scénario cocasse consistant à vieillir un joueur là où précédemment les fraudeurs le rajeunissaient?

« Nous tenterons de cadenasser tout cela », espère Courtois. « Nous édicterons une législation commune. Les diverses ambassades et postes diplomatiques veilleront. Que voulez-vous : notre monde est imparfait. Il y aura toujours des tricheurs. Remarquons simplement que les lois ne sont pas faites en fonction des exceptions ».

Qui dit transferts, dit managers. Le secrétaire général de l’URBSFA ne généralise pas. Loin de déclarer la guerre à une profession, il précise : « De grandes carrières ne se seraient pas bâties sans l’intervention d’agents. Dans l’absolu, ils sont utiles. Le constat est établi. Je suis résolument pour, à condition que ces gens répondent à des gages de sélections précis. A un Ordre. Une reconnaissance globale valoriserait ceux qui s’identifient en étant en règle aux yeux de tous. La Communauté flamande s’est penchée sur le sujet. Elle accorde sa propre dérogation. Exemple : un manager pourrait très bien transférer un joueur de Genk au Real Madrid, se trouvant hors la loi s’il négocie le passage de ce même élément au Club Brugeois. Cette surveillance doit s’étendre aux deux autres Régions. Logique que sous leur juridiction, les communautés sachent qui fait quoi, et comment. Cette prise de position me confirme dans ma demande : nécessité pour l’agent de bénéficier d’un statut réel. Tout le monde y gagnera : l’intéressé, le joueur, le club. Par contre, mettons tous les moyens en oeuvre pour que les types véreux disparaissent. Ceux-là profitent de l’absence de structures dans certains clubs. Ils agissent en pirates. Avec, pour conséquence, les faits connus : abandons de joueurs, contrats rédigés de manière scandaleuse, abus de confiance ».

La responsabilité de la maison de verre semble engagée : elle propose, cautionne les demandes auprès de la FIFA. Ensuite, il s’avère que les plaintes déposées par les joueurs à l’encontre de managers malfaisants ne font pas l’objet d’un suivi méticuleux.

« Problème de lenteur », admet Alain Courtois. « J’en conviens. Ceux s’estimant dans leur bon droit peuvent aussi faire appel à un tribunal civil. Rien ne s’y oppose ».

Oui et non. Au pied de la lettre, nul ne fera d’obstruction. Aux plaignants, il est néanmoins signifié que pareil cas de figure entraînera un classement vertical du dossier de la part de la « Coupole » du ballon rond.

Alain Courtois conteste : « Faux. Une phrase a été ajoutée dans les statuts. Elle dit qu’une action civile peut être entamée à condition d’avoir épuisé tous les moyens de recours internes ».

Souci supplémentaire: l’hypocrisie dont font montre les pontes du foot mondial par rapport aux managers FIFA dirigeant des clubs. « J’ai adressé un courrier à ceux dont je savais, ou pensais, qu’ils avaient une double casquette. La législation, trop floue, n’autorise aucune intervention musclée. Si la personne visée ne fait pas partie du Conseil d’Administration, impossible d’agir. J’ai demandé simplement aux personnages concernés de se regarder bien en face dans un miroir. Je souhaite que soient évités des conflits d’intérêts en sachant que c’est prêcher dans le vide! Certains n’ont même pas daigné me répondre. Faire le gendarme n’est pas la solution. Je préfère nouer le dialogue. De toute manière, les hommes de paille sont faits pour s’en servir. Dès lors, le débat devient moral ».

La création d’un Ordre, semblable à celui des avocats ou des médecins, constituerait une avancée. Ainsi que l’émergence d’un syndicat. Aux Pays-Bas, un transfert n’est entériné qu’au moment où la centrale appose son cachet sur le document ad hoc. Chez nous, Sporta a le mérite d’exister. Guère davantage. Son influence demeure secondaire.

« Je vais même plus loin. L’idéal consiste en la rédaction d’une véritable convention collective entre l’employeur et l’employé dans le secteur nous occupant. L’éclosion d’un syndicat digne de ce nom permettrait à chacun de connaître son interlocuteur. Les commissions paritaires apportent un respect mutuel. Pourquoi en irait-il différemment en football? »

L’heure du changement a sonné. Une grosse information en provenance de l’avenue Houba De Strooper concerne la loi de 78. Un projet de modification est rentré auprès du ministre de l’Emploi et du Travail. Cette demande réclame un amendement applicable à un secteur particulier. Le sport en l’occurrence. A la question de savoir s’il s’agit de la dernière parade à l’arrêt Bosman, Alain Courtois se fait sphinx. Il répond, laconique : « La Belgique ne peut pas être une victime par rapport aux voisins européens. Nous sommes le seul pays où un pro peut quitter son club en cassant simplement le contrat de travail qu’il a signé ».

Si l’Union Belge obtenait cette dérogation, c’est en bonne voie, voilà l’augure de belles passes d’armes. Pas exclu que nous soyons repartis pour un infernal carrousel juridique. « Nous souffrons d’un manque de coordination. Notre pays n’aide pas le sport. Lorsque le monde associatif s’éveillera à la revendication, beaucoup de bases actuelles vacilleront. Notre nation compte 800.000 compétiteurs. Une force énorme. Ajoutons l’encadrement des pratiquants, nous approchons le million et demi. Je voudrais savoir qui détermine une politique cohérente. Ce vide attend d’être comblé. Créons diverses passerelles : fédérations-gouvernement, fédération-enseignement, communautés entre elles. Les Croates l’ont bien compris. Ce pays ressemble au nôtre. Voyez les résultats. Ils sont champions dans diverses disciplines ».

Chapitre névralgique : celui des licences. Les secousses encaissées cette année font grincer bien des dents. Elles ne représentent probablement rien en regard du cataclysme prévu pour l’année prochaine ou la suivante. « Notre principe est de dire : -Il est temps que les finances soient assainies. Nous tenons un rôle identique à celui joué par le tribunal de commerce. Maintenant, soyons clairs : c’est aussi notre arme afin de lutter contre les salaires versés au noir. Pour l’instant, nous recevons une volée de bois vert par rapport à Virton. J’entends dire que c’est scandaleux, que nous brisons un conte de fées. Halte là! Qu’exigeons-nous de Virton? Un, que ses infrastructures soient dignes de la division à laquelle il accède. Deux, que 15 joueurs soient mis sous contrat. Des contrats à 64.000 francs l’an. Ce n’est pas la mer à boire quand même. Puis, je le répète, pas question de tourner autour du pot : la mission consiste à éviter que des joueurs soient rémunérés sous la table. C’est ainsi! Chacun doit jouer dans la même pièce. La Commission n’est pas là pour protéger un club, sanctionner l’autre. Les critères sont objectifs, rigoureux. Les mêmes pour tous. Nous les ferons respecter ».

Daniel Renard

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire