Cristiano Ronaldo est-il le moonwalker du foot moderne ?

 » Le succès est un poison qu’il vaut mieux prendre tard dans la vie, de préférence à petites gouttes, sans forcer. Michael Jackson avait, comme Elvis Presley avant lui, largement dépassé la dose prescrite. Il en est mort. Ce dandy paroxystique a perdu la vie à force de la jouer « , écrivait récemment Franz-Olivier Giesbert dans Le Point en ajoutant  » qu’il habitait dans un film de Walt Disney et vivait un conte pour enfant. Il n’était plus que l’ombre de lui-même quand il s’en est allé.  »

On n’est pas obligé de partager cet avis mais le journaliste et romancier français a mis la plume sur un phénomène : le deuil-monde, cette émotion bouleversante qui, dans un univers globalisé, est perceptible dans les coins les plus reculés. Il y a un peu de cet enfant-roi en nous, pour paraphraser Frédéric Mitterrand, et cela peut expliquer en partie cette tristesse planétaire. Les images de ses funérailles ont croisé celles de la joyeuse entrée de Cristiano Ronaldo dans l’arène du Real Madrid où l’attendaient 80.000 afficionados : étrange contraste, talent en deuil, talent en fête.

Son passement de jambes est devenu le moonwalk du foot moderne, le dribble que tout le monde rêve d’imiter. Est-ce que cela justifie cet énorme culte de la personnalité ? La grande maison blanche a déjà vendu des dizaines de milliers de maillots frappés à son nom. Sa tunique merengue sera bientôt aussi célèbre que Thriller. La presse people le fiance, le marie, lui prête des aventures avec Paris Hilton, le piste en Californie, exhibe sa demeure anglaise qu’il va mettre en vente. Sex, money and football : est-il le Rudolf Valentino du siècle de la toile web ? Si la fin de Wacko Jacko a lancé le deuil-monde, les exploits de CR7 ont, eux, généré une admiration-monde. Génial. Mais pour combien de temps ? Son talent ne sera-t-il pas bientôt broyé par l’énorme machine économique en place autour de lui ?

Ce génie impressionne son époque mais il peut la marquer à jamais. C’est son destin : le réalisera-t-il ? D’autres que lui ont joué en harmonie avec leur ère et leurs racines. Les exemples ne manquent pas à Liverpool, Manchester, Munich, Milan mais aussi, dans une mesure différente, à Anderlecht, Bruges ou Liège. Et comment oublier la bande de gamins branchés et sans complexe qui déferla sur Amsterdam et les seventies : les Beatles de l’Ajax inventèrent le foot total avec Johan Cruijff à la guitare, Arie Haan à la batterie, etc. C’était magique et le Hollandais volant a ensuite remis le couvert au Barça. Le football était et reste sa religion. Cet immense soliste pensait d’abord au collectif.

L’époque actuelle, dit-on, dénature plus qu’avant les inventeurs et les personnalités. Cette théorie est-elle valable pour Ronaldo ? Paradoxalement, sur les pelouses fréquentées par Manchester United, Cristiano a assumé son travail défensif avant de lancer un contre gagnant. Il a eu la force d’imposer ses différences et son unicité. Mais, déifié, unique à sa façon, sera-t-il à la hauteur de ses succès au Real ? Sa solitude au top de la popularité fait froid dans le dos. S’il n’est pas rejoint par d’autres artistes, cela pourrait mal se terminer. Un jour ou l’autre, il risquerait de ne même plus intéresser les paparrazzis qui cherchent toujours la sensation, un nouveau David Beckham, un autre George Best, un Diego Maradona old fashion ou une version européenne du Ronaldo brésilien.

Son £uvre ne serait pas complète ou exemplaire. Or, son potentiel d’homme et de sportif, qui a su partir de loin et surmonter pas mal de soucis, mérite de susciter les vocations. Demain, quand sonnera l’heure attendue de la reprise de notre championnat, on ne trouvera pas de Ronaldo sous le sabot d’un cheval mais si sa créativité donne des idées à nos footballeurs, le footballeur-roi méritera encore plus sa couronne. Qui sera le nouveau moonwalker de la D1 ? Encore un peu de patience, lisez attentivement notre spécial transferts, la nouvelle perle de demain s’y cache peut-être : quand Laszlo Bölöni le lança en équipe première, au Sporting Portugal, Ronaldo n’avait que 16 ans. Etait-il trop jeune ?

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PAR PIERRE BILIC

Le succès est un poison qu’il vaut mieux prendre tard dans la vie…

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