Crise d’identité

Quatre années de disette, c’est trop. Le comparse d’Enzo Scifo veut que Mouscron retrouve ses valeurs d’antan.

Ne comptez pas sur Geert Broeckaert pour dire du mal d’Enzo Scifo. Dès l’entame de l’interview, le T1 officiel de l’Excel (Enzo n’ayant pas encore son diplôme officiel d’entraîneur…) prévient :  » Je ne lis plus la version flamande de Sport/Foot Magazine. Je trouve que les critiques contre Enzo sont trop dures et visent l’homme « .

Alors que Scifo était à la recherche d’un adjoint, c’est Geert Broeckaert qui a convaincu l’ancien Diable Rouge. Au point que les deux hommes émettent le désir de travailler ensemble pendant les  » vingt prochaines années…  » Mais les noces de porcelaine passent d’abord par la remise à flot d’un club longtemps à la dérive.

Mouscron a-t-il raté sa saison ?

Geert Broeckaert : Nous n’avons pas tout raté. Nous avons bien démarré le championnat. Puis, nous avons connu une période très difficile après le changement d’entraîneur. Mais c’est normal. Quand presque personne ne se connaît dans l’équipe, trouver un équilibre n’est pas facile. Notre second tour va nous permettre de préparer la future saison. Nous avons compris ce qui manquait et nous avons gagné du temps. Dommage que nous ayons perdu contre Zulte Waregem, notre bête noire. En terminant entre la 8e et la 10e place, Mouscron aurait été à sa place.

Le dernier bon championnat de Mouscron remonte à 2003-2004. Cette année-là, l’Excel termine 5e. Ensuite, on note deux 13es places et une 10e place. Comment expliquer cette descente prolongée ?

Nous étions un club stable jusqu’à ce que Jean-Pierre Detremmerie ne tombe malade. Puis, d’autres personnes sont arrivées et l’équilibre s’est rompu. Perdre un homme aussi fort que Detremmerie n’est pas facile. Heureusement, M. Dufermont est arrivé. Sans lui, Mouscron n’existerait plus.

L’Excel ne traverse-t-il pas une crise d’identité ? Dans le temps, Mouscron avait l’image d’un club sympathique. On assiste maintenant à des scènes peu habituelles, comme quand les supporters s’en prennent à Scifo.

Oui, nous avons perdu notre identité. Au cours des dernières années, le club a changé alors que nous étions parvenus à créer une osmose entre les Wallons, les Flamands et les quelques étrangers présents. Entre-temps, les anciens ont été dégagés : Marcin Zewlakow, Koen De Vleeschauwer, Francky Vandendriessche et même Grégory Lorenzi,… Nous avons laissé partir le c£ur du noyau tout en amenant des joueurs étrangers qui ont éprouvé des difficultés à s’adapter. La mentalité qui faisait la force de l’Excel a disparu et les supporters ne se sont plus reconnus dans l’équipe. Les problèmes de licence ont aussi provoqué des remous. Mais depuis que le nouveau président a repris la situation en mains, Mouscron est un nouveau jeune club, qui a retrouvé une part de stabilité. Nous travaillons pour préparer l’avenir. Et Enzo sait ce qu’il doit faire pour que renaisse l’identité de Mouscron.

Durant cette période, vous ne vous êtes plus reconnu dans le club ?

Je me suis reconnu dans les personnes qui avaient du c£ur pour l’Excel. Je luttais contre les autres… Je n’ai jamais accepté les gens qui ne travaillaient pas pour le bien du club. Et je ne me suis pas privé de le leur dire. Au final, j’ai eu raison. Perdre notre identité a été douloureux. La retrouver demandera du temps. Nous n’avons pas réussi une saison extraordinaire. Mais nous avons beaucoup appris durant le second tour. Si nous parvenons à obtenir le noyau désiré pour la saison prochaine, je suis persuadé que Mouscron refera parler de lui positivement.

 » Nos transferts étaient bons « 

Etait-il nécessaire de réaliser autant de transferts à l’intersaison ?

A l’époque, je n’étais pas encore dans le staff. Mais Enzo était en stage à Valence et il a constaté certaines choses. Il a écarté certains joueurs, qu’il a fallu remplacer. Quand on transfère autant d’éléments, il est normal que les gens se posent des questions. Mais nos choix étaient les bons. Le seul qui n’a pas encore beaucoup joué, c’est Alin Stoica.

Justement, où en est le Roumain ?

Alin est un joueur talentueux. Il est arrivé avec un retard physique et a souffert de l’un ou l’autre bobo. Aujourd’hui, alors qu’il est revenu à son niveau, nous avons trouvé notre système, le collectif s’exprime et l’équilibre est là. Le moment n’est pas idéal pour le lancer.

Sera-t-il encore à Mouscron la saison prochaine ?

Le staff technique doit encore en discuter.

Quelles sont les satisfactions et les déceptions ?

Les joueurs ont évolué et, par moment, nous sommes parvenus à trouver un équilibre. Bruges a mordu la poussière au Canonnier et nous avons perdu de manière imméritée contre le Standard. La déception est notre manque de régularité. Quand des joueurs comme Gonzague Van Dooren, Walter Baseggio et Adnan Custovic sont absents, l’équipe manque d’expérience. Nos modèles, ce sont des formations comme Zulte Waregem et Westerlo, où 6 ou 7 éléments évoluent ensemble depuis plusieurs années. C’est ce que nous souhaitons pour le futur. Quand tu transfères dix nouveaux joueurs, ton noyau devient compétitif au moment où le championnat se termine. Nos adversaires doivent à nouveau trembler à l’idée de se déplacer au Canonnier.

 » Enzo et moi sommes très complémentaires « 

La situation actuelle, avec vous comme T1 et Scifo comme directeur technique, n’est-elle pas un peu bizarre ?

Non. Nous sommes très complémentaires. Le titre de T1 ou de T2 importe peu. L’essentiel, c’est que nous discutions de tout : des entraînements, de la préparation des matches… Les rôles sont clairs. Sur le terrain, je me charge de la majeure partie des entraînements. Cela permet à Enzo de mieux observer. Et quand tu dépenses moins d’énergie dans le coaching, tu disposes de plus de ressources pour formuler de bonnes remarques. C’est agréable de travailler avec Enzo car il apprécie tout le monde. Il est plus diplomate que moi et parvient à mieux transmettre son message. Il a l’habitude d’être confronté aux médias alors que je préfère rester dans l’ombre. Les joueurs sentent que nous n’avons qu’un objectif : celui d’améliorer l’équipe. Cette envie déteint sur eux. Et sa manière dont il parle avec le groupe ou sa façon d’agir quand un joueur rate une action ; je n’avais jamais vu cela. Enzo a été un joueur du top mondial et, pour moi, il a les qualités pour devenir un grand entraîneur.

C’est le meilleur entraîneur que vous ayez connu ?

Le meilleur… C’est quoi être le meilleur entraîneur ? Oui, quand tu obtiens des résultats, tu es le meilleur entraîneur… J’ai côtoyé de grandes figures comme Georges Leekens, Hugo Broos, Henk Houwaert… Mais comme je l’ai dit, Enzo voit beaucoup de choses et ne laisse rien passer.

Galluci, Vitelli, Thibaut, Motte (Péruwelz), Coulibaly, Boto (Alost), Eslahi (Francs Borains), Laï (La Louvière), etc. La majorité des produits du Futurosports semblent destinés à la D3. Ce résultat n’est-il pas décevant ?

Non. Lorsque tu travailles avec un groupe de 16 joueurs, il faut savoir qu’un seul percera au plus haut niveau. Et tu peux être content si 5 ou 6 d’entre eux font leur trou en D3 ou en D2. Le niveau de formation n’est pas mauvais. Mais tout le monde ne dispose pas des qualités pour évoluer en D1. Pour l’instant, je suis déçu. Nous venons de perdre un jeune : Vincent Ramael, qui a signé un contrat pro à Monaco. Du temps de Detremmerie, une situation pareille ne se serait jamais produite.

Peut-on un jour imaginer Mouscron avec un entrejeu comme celui du Standard ?

Je pense qu’il faudrait alors augmenter les critères de formation du Futurosports. La science des entraînements doit évoluer et la combinaison foot-école se renforcer. J’ai un vécu important dans la formation de jeunes. J’ai mes diplômes d’entraîneur et de directeur technique. Dans le cadre de mes formations, je me suis rendu aux Pays-Bas. Là-bas, dès qu’un jeune a 12 ans, il s’entraîne tous les jours. En Belgique non. C’est dommage.

Aujourd’hui, Idir Ouali vous remercie d’avoir cru en lui.

Il est arrivé à Mouscron il y a trois ans. Ce n’était qu’un joueur de rue mais il avait ce petit quelque chose et il a vite dévoilé ces qualités. Il doit progresser sur certains points : son sens tactique, sa frappe, son jeu de tête… On a scientifiquement mesuré qu’il dispose d’une résistance exceptionnelle à la répétition des efforts et d’un sens du but affirmé. C’est un vrai renard de surface, qui sent où le ballon va atterrir. Il est capable de marquer 10 à 15 buts sur une saison. Il doit dès à présent confirmer le bien que l’on pense de lui.

Où sera Mouscron dans cinq ans ?

Si cela ne dépendait que de moi, le staff technique serait toujours en place. Je l’ai dit : je ne veux pas bâtir un projet valable pour seulement un an ou deux. Le court terme ne m’intéresse pas. Durant quatre ans, j’ai souffert de voir mon club disparaître suite aux conneries de certains. Nous avons vécu quatre années de vaches maigres. J’espère maintenant vivre quatre belles années.

Et vous, que ferez-vous dans cinq ans ?

J’aurais alors 52 ans. J’espère encore être en bonne santé. Je voudrais pouvoir dire que nous avons effectué du bon travail. Mais je sais que, dans le monde du football, tout va vite. Dans cinq ans, je serai peut-être de nouveau secrétaire dans une école supérieure à Bruges.

par simon barzyczak – photos: reporters

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