Criez pas !

L’attaquant ukrainien (21 ans) préfère jouer au Standard plutôt que faire banquette à la Reggina.

Il a profité de la pause du championnat pour passer trois jours chez lui en Ukraine et voir son amie Marina. De quoi oublier la petite entorse à la cheville occasionnée lors de la dernière rencontre à Westerlo. Rentré à Liège, il a repris l’entraînement normalement même s’il ressent encore une certaine gêne quand il ne porte pas de bandage.

Serhiy Kovalenko (21 ans en mai) dédramatise à fond :  » Je ne suis pas à 100 % mais, si le coach m’accorde sa confiance contre le Germinal Beerschot, il ne le regrettera pas « .

Arrivé fin août, le jeune attaquant ukrainien prêté pour une saison par la Juventus a d’abord été confiné en Espoirs. Selon la direction, cette décision avait été prise afin de ne pas lui mettre trop de pression sur les épaules et d’éviter de faire croire au public qu’il était le successeur d’Emile Mpenza. Le risque était réel puisqu’en début de saison, le Standard connaissait de sérieux problèmes à la conclusion : il ne pouvait plus compter sur les services d’Alexandros Kaklamanos, renvoyé suite à un contrôle antidopage positif pas plus que sur Sambegou Bangoura, victime d’une contracture à la cuisse. Kovalenko a donc eu le temps de trouver ses marques : il a effectué six brèves apparitions avant d’être titularisé pour la première fois au cours de la 25e journée à Mouscron et de l’être à nouveau huit jours plus tard à Westerlo. Caractéristique commune : il a chaque fois trouvé le chemin des filets adverses.

Qui est donc cet attaquant ukrainien qui, juste avant son arrivée, avait été décrit par le Standard comme un… défenseur central moldave du Dinamo Moscou, âgé de 26 ans, répondant bien au nom de Kovalenko mais prénommé Aleksandrou ?

Serhiy Kovalenko : On m’a raconté cette histoire mais je ne comprends pas. Je suis né en Ukraine en 1984 à Chernihiv, une ville située dans le nord du pays. Mon père, Viktor, un ardoisier, a joué au football à un niveau amateur jusqu’à 25 ans et ma mère, Euria a concilié la pratique de la gymnastique à un bon niveau et son métier de manucure. Je suis fils unique et j’ai commencé à jouer très jeune. Le système scolaire permettait de suivre les études tout en pratiquant le sport. J’avais 15 ans lorsque mon entraîneur, Vassili Komienko, m’a amené au Dinamo Moscou pour y effectuer un stage d’un mois. C’était fin août puisque j’ai dû rentrer dare-dare de vacances pour me rendre dans la capitale russe. Le stage s’est très bien passé. Les visionneurs ont remis un rapport positif. Ils ont décrété que je possédais un certain potentiel et je me suis retrouvé à l’Academica de Moscou. J’y suis resté deux ans et demi jusqu’en 2001. Je formais le duo d’attaque avec Anatoly Gerk, qui évolue à Anderlecht. J’ai été international en -17 et -19 ans.

Raconte-nous ton parcours jusqu’à ton arrivée à la Juventus.

L’Academica regroupait 25 éléments venus de différents pays de l’ex-URSS. On y travaillait ferme avec deux entraînements par jour. Les études y étaient reléguées au second plan et cela ne me déplaisait pas puisque je n’appréciais pas l’école. Enfin, nous avions des cours d’anglais et ça j’aimais bien. Je dois peut-être avoir un don pour les langues. Avec notre équipe, nous ne participions à aucun championnat mais disputions des tournois en France (à Nantes, Lyon et Créteil avec une victoire sur Marseille en finale), à Chypre et en Turquie où nous effectuions généralement nos stages d’hiver. Comme nos résultats étaient bons, de nombreux visionneurs sont logiquement venus. C’est ainsi que j’ai passé des tests à Bordeaux et à Saint-Etienne. Le premier essai n’a pas été très concluant : j’étais trop nerveux, j’avais peur, j’étais peut-être trop jeune puisque à ce moment-là, je n’avais que 16 ans. Le second a nettement mieux marché mais les recruteurs stéphanois ne m’ont pas retenu. C’est en 2001 que Franco Ceravola, le responsable des jeunes de la Juventus, est venu nous proposer à moi et à deux équipiers d’effectuer un stage à Turin du 25 mai au 25 juin. A la fin de celui-ci, Ylias Zeytulaev (un attaquant originaire d’Ouzbékistan), Viktor Boudianski, qui peut évoluer sur l’aile ou en soutien d’attaque et moi, nous nous sommes vu proposer un contrat de cinq ans soit jusqu’en 2006.

 » Zidane, un homme remarquable  »

Comment se sont passés les premiers mois à la Juventus ?

Physiquement, c’était plus facile qu’à l’Academica où nous étions des machines. On nous massacrait. A la Juventus, les entraînements étaient plus tactiques. Pendant les premiers mois, j’ai donc perdu un peu de ma condition à tel point que j’ai décidé de m’astreindre à un travail supplémentaire. Evidemment, j’ai progressé sur le plan technique.

Tu t’entraînais avec l’équipe Première ?

Avec d’autres jeunes de la Primavera, j’étais régulièrement appelé à m’entraîner avec l’équipe Première. J’ai eu la chance de côtoyer Zinédine Zidane, qui vivait ses derniers mois à la Juventus avant de partir au Real Madrid. La première fois que je l’ai vu, j’étais ému de me retrouver devant cette star mondiale. Mais quand tu te retrouves avec lui sur le terrain, tu te rends compte que le foot à son niveau c’est autre chose et que tu as encore beaucoup de chemin à parcourir. Etant donné que les installations de la Primavera et de l’équipe fanion étaient attenantes, nous avions l’occasion de les voir à l’£uvre. Leurs entraînements étaient aussi très tactiques mais les séances physiques corsées. Chez eux, ce qui m’a le plus épaté, c’est leur calme : pas un cri, pas un hurlement pendant l’entraînement. Ils étaient chouettes avec les jeunes : ils les encourageaient et conseillaient sans cesse. Zidane est remarquable. Il était aussi serein, correct sur le terrain qu’en dehors. Ce n’était pas le cas de tout le monde. Ainsi s’il affichait le même calme que ses équipiers à l’entraînement, Edgar Davids l’était un peu moins dans sa vie privée.

Tu donnes l’impression de regretter qu’au Standard, le même calme ne règne pas à l’entraînement.

C’est vrai que j’ai eu des problèmes les premiers jours. Il fallait bien que je m’y habitue puisque c’est la coutume ici. Quand on hurle, je perds mes moyens, c’est comme si je recevais un coup au moral. Maintenant, je ne peux me plaindre puisque mes équipiers ont compris ma façon de fonctionner. Avant ma première titularisation, j’ai fait part de ce problème à mon entraîneur. Il a été chouette : il ne s’est pas lancé dans des discours nerveux et inutiles. Et Sergio Conceiçao, qui est connu pour sa verve, s’est limité à m’encourager calmement. Sympa, rien à dire.

Pourquoi as-tu quitté la Juventus en janvier 2004 pour la Lodigiani, une équipe de bas de classement de quatrième division ?

C’est vrai que le niveau n’était pas très élevé. La direction m’a proposé d’aller jouer dans ce club romain et j’ai accepté. Je savais bien que la saison suivante je ne pouvais plus entrer en ligne de compte pour la Primavera puisque j’étais rattrapé par la limite d’âge. Et je préférais jouer plutôt que de disputer des matches avec des jeunes de 15 et 16 ans. Et puis, Rome, c’est quand même une belle ville, non ? (il rit)

 » Je ne connaissais rien du Standard  »

Comment t’es-tu retrouvé au Standard ?

J’étais à Rome quand j’ai reçu un coup fil me demandant de me rentrer d’urgence à Turin. J’y suis resté cinq jours avant qu’on ne me dise de partir à Liège. Je ne connaissais rien du Standard. Mais l’idée de m’expatrier une nouvelle fois ne m’a pas heurté. Au contraire, après trois ans, il était peut-être temps que je change d’air, que j’entre en contact avec un autre championnat.

Deux titularisations, deux buts et 231 minutes de jeu après 26 journées, ce ne sont pas des statistiques impressionnantes.

Ce n’est pas mal pour un début (il rit). Quand je suis arrivé, l’entraîneur m’a averti que je débuterais en Réserve. Je me suis bien amusé même si c’est vrai qu’il ne faut pas comparer le niveau de cette compétition avec celui de D1. Dominique D’Onofrio, qui m’avait précisé que si je travaillais bien en Réserve je recevrais ma chance, a tenu parole. Il a fait appel à moi pour remplacer Conceiçao, suspendu à Westerlo, C’est la preuve qu’il a confiance en moi : il aurait très bien pu préférer Wamberto ou Cédric Roussel. Ceci dit, j’espère aider le Standard à décrocher un ticket européen avant de voir quel sera mon avenir. Cela ne me déplairait pas de rester ici un an encore.

En janvier, tes compagnons Ylias Zeytulaev et Viktor Boudianski, qui fait penser à Pavel Nedved, sont passés à la Reggina et ont fait leur apparition dans le Calcio à la mi-mars. Cela ne t’inspire pas des regrets ?

Pas du tout. Je préfère jouer au Standard plutôt que de faire banquette à la Reggina. De toute façon, dès que j’ai appris leur montée au jeu, je leur ai téléphoné pour les féliciter. En attendant de les revoir.

Tu pourrais retrouver Boudianski en équipe nationale…

Ce n’est pas encore à l’ordre du jour. Cela me ferait évidemment plaisir de revoir Viktor dans un tel contexte. Né en Ukraine, il est parti très jeune en Russie et y a été sélectionné en équipes d’âge. Avec les nouveaux règlements de la FIFA, il pourrait porter le maillot de l’équipe d’Ukraine.

Quels sont tes principaux atouts ?

Je possède un bon dribbling et une bonne pointe de vitesse. Quand je parviens à mettre ces deux qualités en pratique, je ne dois pas avoir peur de regarder un défenseur adverse dans les yeux. Mais ce qui est plus important encore, c’est que je suis devenu beaucoup plus calme.

Nicolas Ribaudo

 » A l’Academica, nous étions des machines. ON NOUS MASSACRAIT  »

 » QUAND ON HURLE, je perds mes moyens « 

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