Crème catalane

L’Espagnol a connu la descente et la remontée avec les Sportingmen. Il s’est posé au Mambour, en 2011, après une carrière mouvementée.

Il a traversé ses premières années carolos sur la pointe des pieds. Sans tambour ni trompette. Mais toujours fidèle au poste. Titulaire sous tous les entraîneurs qui se sont succédé en trois ans à Charleroi. Longtemps, quelque peu d’ailleurs dans l’indifférence générale, à un poste de back droit toujours marqué par le souvenir de l’emblématique Frank Defays.  » Même moi, je ne m’explique pas pourquoi j’ai mis tant de temps à le placer au poste de défenseur central « , se souvient Yannick Ferrera. Et pourquoi tant d’autres entraîneurs avant lui n’avaient vu en Javier Martos qu’un honnête back droit plutôt qu’un excellent défenseur central.

 » Sans doute parce qu’en Belgique on n’est pas habitué à avoir des défenseurs centraux qui ne sont pas grands « , tente de répondre Ferrera.  » Si tu ne me connais pas, tu te dis que je suis trop petit pour être défenseur central. Pourtant, à Barcelone, on ne réfléchit pas de la sorte. On voit d’abord la capacité à relancer proprement, à anticiper le danger. C’est pour cela que personne n’est choqué par la taille de Carles Puyol ou Javier Mascherano « , explique ce défenseur espagnol de 30 ans, qui a bien bourlingué avant de se poser dans cette destination improbable pour lui qu’est Charleroi.

Car la carrière de Javier Martos, nouveau capitaine de Charleroi depuis le départ d’Onür Kaya et Danijel Milicevic et depuis la relative disgrâce d’Ederson, a débuté au soleil de la Catalogne, là où ses parents andalous ont trouvé du travail alors que Javier n’avait que cinq ans. Après avoir tapé du ballon à El Prat, à quelques encablures de l’aéroport de Barcelone, le voilà qui intègre la Masia, célèbre centre de formation du Barça, à neuf ans. Il y fera toutes ses classes sans pour autant forcer les portes de l’équipe première plus de deux rencontres.  » C’est très difficile de faire toutes les catégories d’âge du Barça et de parvenir en équipe première. A part Guillermo Amor, je ne connais personne d’autre, étant arrivé à Barcelone à 9 ans et ayant percé chez les A. Même Andres Iniesta est arrivé à 12 ans !  »

Et puisque son futur ne passe pas par le mythique Barça, le voilà amené à goûter aux joies d’une longue errance. Premier arrêt : la Bulgarie et le CSKA Sofia.  » J’ai découvert la réalité du football. A Barcelone, tout est parfait. En Bulgarie, ce n’était pas le cas : les buildings, les voitures, les rues, tout est vieux. Quand je suis arrivé, il pleuvait, faisait sombre. J’ai appelé ma famille et je pleurais. Je leur ai dit – Demain, je rentre.  » Pourtant, il reste un an.  » Quand mon père est venu me rendre visite, il m’a dit que la Bulgarie ressemblait à l’Espagne d’il y a quarante ans. C’était très difficile pour moi. Je ne parlais ni anglais, ni bulgare ; je suis resté cinq mois, seul, à l’hôtel ; je n’avais pas d’amis.  »

 » Quand je suis arrivé en Belgique, rien ne pouvait m’arrêter. Pas même la neige  »

Pourtant, ce passage lui permet de s’affranchir des codes de Barcelone, de découvrir l’Europa League et la passion du derby de Sofia. De retour en Espagne, il passe par Gérone ( » où j’ai joué partout : stopper, back, médian, derrière les attaquants « ) puis par le Malaga pré-cheikh ( » C’était près de mes origines, avec du soleil et un beau projet. J’y étais très heureux, d’autant plus qu’en fin de saison, on est monté en Liga « ) avant de choisir un deuxième exil. Direction : la Grèce et l’Iraklis Salonique.  » L’entraîneur, Angel Pedraza, était un ancien entraîneur de jeunes de Barcelone. Il y débutait sa carrière d’entraîneur principal. En deux saisons, j’ai beaucoup joué. Là-bas, la vie ressemblait à l’Espagne. Les gens restent dehors tard, ils vont boire des cafés le long de la plage. La ville était très agréable.  »

Pourtant, la deuxième saison, les choses tournent à l’aigre. Le nouvel entraîneur, Makis Katsavakis, a une autre vision du football.  » Il demandait une chose aux défenseurs : balancer le plus vite possible les ballons devant. Tout le contraire de ce que j’ai appris pendant des années !  » Le club connaît également des difficultés économiques. Pendant huit mois, Martos n’est pas payé et alors qu’on lui promet une prolongation de contrat, on la lui refuse le…31 août. Le voilà sans emploi.  » La période la plus difficile de ma vie « , reconnaît-il aujourd’hui. Il s’entraîne avec Eibar mais c’est finalement Charleroi qui lui propose un contrat en janvier 2011. Le club est à la dérive.  » Il neigeait beaucoup ; tous les terrains étaient blancs et j’ai été surpris car ce n’était pas l’image que j’avais de la Belgique. Cependant, je m’en foutais. A cette époque, rien ne pouvait m’arrêter.  »

Trois ans plus tard, Martos est donc devenu capitaine d’une équipe qu’il a vu descendre, remonter et se maintenir. Après un an et demi au poste de back droit, Ferrera l’a replacé dans l’axe où aujourd’hui il forme une paire particulièrement complémentaire avec Sébastien Dewaest.  » Il possède cette lecture de jeu qui lui permet d’anticiper toute action « , explique Ferrera.  » Il n’est pas rapide mais il compense par son intelligence de jeu. Et quand il touche le ballon, on voit qu’il vient du Barça. Sa relance est toujours propre. Tous les joueurs affirment que c’est un plaisir d’évoluer à ses côtés car il parle, communique sans gueuler, ne panique jamais, partage son savoir.  »

A 30 ans, Martos s’est donc bien installé au Pays Noir.  » Pour le moment, je profite de chaque moment de ma carrière « . Avant peut-être d’embrasser la carrière d’entraîneur ?  » Il est patient et pédagogue « , affirme Ferrera.  » Pour moi, c’est très clairement un futur entraîneur. Je lui ai d’ailleurs dit que dès qu’il arrêtait de jouer, je le prenais dans mon staff.  »  » J’aime apprendre et voir comment chaque entraîneur travaille « , concède Martos qui n’en dira pas plus.?

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

 » C’est très clairement un futur entraîneur  » Yannick Ferrera

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