Crédit pour l’avenir

Loin du règne de Carlos Sastre, l’Ardennais de Cofidis peut-il terminer un jour dans le Top 10 ?

Olé : le cyclisme belge a évité le zéro pointé grâce à Gert Steegmans qui a dominé le sprint de la dernière étape à Paris où Walter Godefroot avait inauguré le palmarès en 1975. Il fut suivi plus tard par Pol Verschuere (1980), Freddy Maertens (1981), EricVanderaerden (1984), Rudy Matthijs (1985), Johan Museeuw (1990), Tom Steels (1998), Tom Boonen (2004) et le sauveur, Steegmans. Au bilan des Belges, on épinglera aussi le courageux Maxime Monfort qui a souvent mis le nez à la fe-nêtre durant le Tour, a pris des risques, a vacillé sous les coups de la Sorcière aux dents vertes. Ces hauts et ces bas lui ont permis de beaucoup apprendre et de cerner son potentiel pour l’avenir.

Il fut la seule lueur d’espoir des Belges au classement général dominé par l’équipe CSC de Bjarne Riis dont la présence sur les routes françaises donne des boutons de fièvre jaune. Et il y en d’autres qui feraient mieux de se distinguer par leur absence. On songe à José De Cauwer, consultant de la VRT, qui a bien connu certaines pratiques qui ont coûté cher à la respectabilité du cyclisme. Cela dit, De Cauwer est le dernier vainqueur belge du… Tour de France. En 1989, il était le directeur sportif de la petite équipe belge ADR. Là, les soucis d’argent étaient énormes mais cet homme intelligent préserva l’esprit de groupe et misa sur Greg LeMond. L’Américain était vrai le patron et De Cauwer lui facilita la vie au maximum. Même un jeune coureur comme Johan Museeuw se mit à plat ventre pour lui avant de devenir un des leaders de sa génération.

L’équipe Silence Lotto a failli répéter l’exploit d’ADR, comparable à celui d’un club de football belge qui remporterait la Ligue des Champions. Hélas, Cadel Evans rata le contre-la-montre individuel (53 km) entre Cérilly et Saint-Amand Montrond. Trop attentiste, moins fringant que l’année passée, l’Australien a été mis en bouteille par une équipe CSC remarquablement organisée.

Fantômas Evans

C’est simple : ce gars-là est une nouvelle version de Fantômas. Evans ne s’est jamais montré, a laissé l’initiative aux autres, ne méritait pas de gagner le Tour. Il a joué au libero alors que CSC avait trois attaquants : Carlos Sastre, Frank et AndySchleck. Evans a constamment été coincé par ce trio. Sastre a mérité son succès, le troisième Espagnol de rang après Oscar Pereiro et Alberto Contador. Le courant d’air frais est cependant venu du grand-duché de Luxembourg. Il y a d’abord eu Kim Kirchen (équipe Columbia) qui s’empara du maillot jaune au soir de la 6e étape à Super-Besse. Les Luxembourgeois n’avaient plus vécu cela depuis l’époque de Charly Gaul dans les années 50. Puis ce fut au tour des frères Schleck de mettre la pression. Ces deux-là, on en reparlera et ils constitueront un argument de poids pour Riis qui cherche un nouveau sponsor afin de remplacer CSC la saison prochaine. On regrette la violence avec laquelle la police a procédé à la fouille de la voiture de leur père, Johnny Schleck. Il n’avait rien à cacher. Cette bavure mise à part, la lutte contre les tricheurs a été fructueuse.

Les organisateurs du Tour de France (ASO) et l’UCI se sont évités. Pat McQuaid, le président de la fédération mondiale, a déclaré à la télévision hollandaise  » qu’il avait aussi entendu dire que les contrôles concernaient moins les groupes sportifs français « . C’est n’importe quoi et, même si c’est irréel, l’idéal serait d’avoir plusieurs Tours de France par an : les tricheurs auraient encore moins de chances d’échapper aux contrôles. McQuaid, lui, a encore du pain sur la planche.

Loin de tout cela, Monfort (23e au classement final) a fait preuve d’une maturité assez étonnante. Digne dans les bons moments, réaliste dans l’analyse de ses couacs, l’Ardennais n’a pas totalement atteint ses objectifs. Son but était de se glisser dans le top 20. L’expérience qu’il a emmagasinée sur les routes de son premier Tour laisse entrevoir des plans d’avenir intéressants pour le premier coureur belge du classement général. Alors, peut-il espérer de se glisser un jour parmi les 10 premiers à Paris ?

Gérard Bulens, le manager de l’équipe Landbouwkrediet, le connaît bien et l’a dirigé lors de ses premiers pas dans les pelotons professionnels.  » Sans sa présence, on n’aurait pas parlé des Belges avant Paris « , dit Bulens.  » Son Tour est motivant à plus d’un titre. Maxime n’a pas gagné d’étape mais il a mérité l’intérêt qui lui a été consacré. C’est un homme mesuré et extrêmement intelligent. Maxime nous avait rejoint alors qu’il terminait ses études de journalisme. Nous avons allégé et aménagé son programme d’aspirant. Bien organisé, il a réussi sur tous les tableaux en décrochant son premier contrat professionnel tout en terminant ses études. Il analyse sereinement ce qui lui arrive. Monfort ne brûle pas les étapes et cerne parfaitement ses qualités et ses défauts. Maxime progressera beaucoup dans les deux ou trois ans à venir. Il récupère bien, n’est pas mauvais contre la montre. Je ne prends aucun risque en affirmant qu’il a tout dans son jeu pour terminer plusieurs fois entre la 5e et la 10e places du classement général. C’est un coureur d’épreuves par étapes. Il le savait depuis longtemps et son premier Tour l’a probablement réconforté dans cette analyse. Les classiques lui conviennent moins « .

A la mode française

Au fil du Tour, on l’a parfois comparé à Claude Criquielion. Petite nuance : le champion de Deux-Acres termina 9e de son premier Tour de France à 22 ans. De plus, nettement plus explosif, le Criq était capable d’enchaîner les courses d’un jour et les épreuves par étapes. Criquielion approuve et ajoute :  » Il n’en demeure pas moins que Maxime peut tirer son épingle du jeu dans les tours. Il est bon dans la montagne, même s’il a coincé dans les Alpes qui lui conviennent pourtant mieux que les Pyrénées où la course est plus nerveuse. Le top 10 ? Peut-être. J’ai été son directeur sportif durant un an dans l’équipe de Bulens. Il avait déjà une saison pro à son compteur. Il sait décider. Il s’est installé à Cagnes-sur-Mer afin de bénéficier de bonnes conditions d’entraînement. Les Ardennes sont moins ensoleillées. C’est un excellent choix et il a bien fait d’opter pour une équipe française. L’ambiance propre aux formations belges ne lui conviendrait pas du tout. Pour Cofidis, le Tour est très important. Monfort le préparera toujours de façon idéale. Ce n’est pas le cas de Stijn Devolder qui peut aussi briller dans les tours car Quick Step a d’autres chats à fouetter. La preuve : Devolder s’est retiré à bout de force. Monfort a tenu car il était plus frais et mieux préparé « .

par pierre bilic – photos : reporters

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