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Les observateurs prédisent une saison pénible au Hollandais, mais il s’y est préparé.

« Dans mon entourage, beaucoup de gens m’ont prévenu », rétorque Ruud van Nistelrooy (26 ans) quand on avance qu’il lui sera difficile d’égaler sa première saison en Angleterre. « On dirait que c’est une loi non écrite: dans un club de l’envergure de Manchester United, les joueurs accusent le contrecoup lors de leur deuxième année. Honnêtement, je ne trouve aucun argument qui m’incite à penser que ce ne sera pas une bonne saison ».

Ruud van Nistelrooy exprime sa confiance au coup d’envoi de ce qui doit être, selon lui, une grande cuvée. Privé de Coupe du Monde cet été, il n’a cependant pas regretté les pelouses. Il s’est d’abord détendu dans son appartement de Bowdon, à quelques kilomètres de Manchester, et il a sillonné la côte Ouest des Etats-Unis avec son amie Leontien, pendant trois semaines. Il a entamé donc la saison 2002-2003 avec la plus parfaite fraîcheur.

La saison dernière, le Brabançon a gagné à lui tout seul tout ce qu’un avant de United pouvait remporter. Il a inscrit 36 buts pour son nouveau club, une prestation qu’aucun de ses légendaires prédécesseurs n’avait réussie. Aux alentours du Nouvel An, il a marqué lors de huit matches d’affilée, établissant un record en Premiership. Il a également été meilleur buteur de la Ligue des Champions avec dix réalisations, avant d’être sacré Joueur de l’Année par ses collègues anglais.

« Cette distinction, reçue dès la première année, m’emplit de fierté. Jamais je n’aurais osé rêver que la saison se déroule aussi parfaitement. Je regrette simplement que mes buts aient eu aussi peu d’importance, puisqu’ils n’ont pas permis à mon club d’obtenir un trophée ».

Van Nistelrooy indique d’emblée le niveau de ses ambitions cette saison. Ce n’est pas lui mais son club qui doit remporter un trophée. Evidemment, il est heureux de recevoir toutes ces distinctions. Qui, après sa grave blessure au genou, en 2000, lui aurait encore accordé la moindre chance de vivre une pareille saison au sein d’un des plus grands clubs du monde? Seul le club en question, en fait, car après avoir postposé l’acquisition du joueur du PSV, Sir Alex Ferguson est resté en contact étroit avec Van Nistelrooy. Le matin suivant son opération, il lui téléphonait déjà: « Quelle que soit la nature de ta blessure, tu vas jouer pour Manchester United », a déclaré le manager.

C’est d’ailleurs en guérissant de sa blessure que l’attaquant a remporté sa plus grande victoire, contre lui-même. Il ne peut faire mieux qu’en remportant titres et coupes avec United. Il va y parvenir car il est empreint d’une incroyable rage de vaincre. La manière dont il est revenu après sa rupture des ligaments croisés n’en est pas le seul exemple. Sa mère a raconté que le petit Ruud trottinait déjà à neuf mois. Pendant deux semaines, il avait essayé, jour après jour, de marcher. Il tombait sans cesse pour se relever et réessayer. Il devait et allait marcher, quitte à s’écorcher les genoux.

La volonté de Ruud van Nistelrooy est innée et ce trait de caractère explique sa détermination, au moment de faire taire les critiques qui lui prédisent une saison pénible.

Il se connaît si bien

Il se connaît très bien et a soif d’apprendre, des qualités qui font défaut à tant d’autres étoiles, ce qui les incite à se distinguer dans un autre sens. Mieux que nul autre, l’avant hollandais connaît ses manquements. Il les reconnaît volontiers. Pourquoi les dissimuler? « Cette saison, je veux améliorer mon jeu sur tous les fronts », a-t-il déclaré au terme de la préparation. Il s’est donc entraîné plus durement, ce qui lui a valu le respect unanime de ses coéquipiers.

Lorsqu’il évoluait à Heerenveen, il demandait régulièrement l’avis de Foppe de Haan, son entraîneur d’alors. Une de ses questions est entrée dans l’histoire: il lui a demandés’il devait s’orienter vers une carrière d’attaquant ou de médian, puisqu’il brillait à ces deux postes. De Haan a promptement répondu: « Avant ». Suivant le conseil de son coach, Van Nistelrooy a suivi tous les matches de Dennis Bergkamp, de la tribune, car c’était le seul moyen d’étudier pendant 90 minutes la course, la prise de balle et les centres de celui-ci.

« Un joueur du niveau de Bergkamp, il n’y en a qu’un tous les 20 ans », dit-il en trahissant sa fascination pour l’attaquant d’Arsenal. « Son talent est époustouflant. Il a une formidable vision du jeu et un bagage technique inouï ».

Ruud van Nistelrooy admire aussi ses coéquipiers actuels.  » Giggs est notre meilleur joueur », a-t-il déjà déclaré au sujet du médian gauche de Manchester United et du Pays de Galles. « Il réalise des choses surhumaines. Si vous me demandez quel niveau j’aimerais atteindre, vous avez la réponse:le sien. Même sur le plan défensif, il est fort. On pourrait l’aligner dans l’axe de la défense sans le moindre problème ».

Roy Keane, le patron irlandais de l’entre jeu, lui a beaucoup appris aussi. « Il est incroyable. Il ne perd pratiquement jamais le ballon. Même quand il a deux hommes sur le dos, il a encore le culot d’essayer quelque chose. Ne vous avisez pas de ne pas lui passer le ballon, sinon vous devez affronter sa colère. Son fanatisme est à prendre en exemple. Il a déjà gagné beaucoup dans sa carrière mais il n’a pas d’allures de vedette ».

Le Néerlandais est heureux du transfert de Rio Ferdinand. Celui-ci devrait résoudre les problèmes défensifs auxquels Alex Ferguson a exposé son équipe en renvoyant Jaap Stam. Ce dernier avait évidemment joué un rôle important dans l’intégration de son compatriote durant ses premières semaines en Angleterre puis a été remplacé par Laurent Blanc. Las, le Français, à l’automne de sa carrière, a laissé ses adversaires directs s’échapper bien trop souvent, ce qui a eu des répercussions sur son compatriote Fabien Barthez, qui a perdu sa confiance et a vécu des problèmes tragi-comiques.

« J’ai déjà affronté Ferdinand en Premier League. C’était très difficile. Son arrivée remet en place toutes les pièces du puzzle ».

Sir Bobby Charlton

Pour connaître le succès, un attaquant professionnel doit être mû par l’envie incessante de progresser et d’apprendre. Le Hollandais s’est préparé à son nouveau club bien longtemps avant son arrivée à Old Trafford. Il a lu des livres sur la riche histoire de Manchester United et il a mesuré à sa juste valeur la signification de la poignée de mains de Sir Bobby Charlton, lorque ceui-ci l’a accueilli. Les paroles que le meilleur footballeur anglais de tous les temps a prononcées à cette occasion ont fortement impressionné Van Nistelrooy: « C’est bien, tu es enfin là ». Des mots simples qui, de la bouche de Charlton, en disaient long sur le club, son ambiance et son impatience d’enrôler le Néerlandais.

United est géré de manière ultra professionnelle mais l’entreprise demeure une grande famille du football. Nul n’est épargné, le staff est parfois impitoyable mais ceux qui respectent leur club en sont payés de retour. éa commence en équipes d’âge, une section où on retrouve un autre Batave. Rend Meulensteen inculque aux vedettes de demain le bagage technique nécessaire. C’est un adepte de Wiel Coerver, dont la vision sur les capacités de l’individu footballeur connaissent une popularité croissante. Remettre le ballon, se tourner, user de toutes les ficelles, voilà le fil rouge des séances de Coerver et donc de Meulensteen.

En l’enrôlant il y a un an et demi, Manchester a prouvé qu’il avait une vision. Cet été, United a également engagé comme manager assistant le Portugais Carlos Queiroz. L’ancien sélectionneur du Portugal, qui a entraîné, entre autres, le Sporting Lisbonne, a découvert des joueurs tels que Luis Figo, Jodo Pinto et Rui Costa. Alors entraîneur des jeunes, il a fait d’eux ce qu’ils sont. Il connaît les qualités individuelles dont doit disposer un footballeur moderne. Dans dix ans, Manchester United doit toujours figurer parmi l’élite. Dans le football actuel, on constate déjà l’ampleur de la différence que sont susceptibles de faire des individualistes créatifs, dans le monde gris du soi-disant top, avec sa triste circulation de ballon.

Ruud Van Nistelrooy a une autre raison de donner une leçon sportive aux défaitistes, à l’occasion de sa deuxième saison à Manchester United. On la décrit comme le bon sens typiquement batave. Il évolue dans un univers où les joueurs ont un statut de dieux, avec David Beckham dans le rôle de Zeus. Une fois la fin de chaque match à domicile, avant de retrouver leur voiture, ils doivent fendre une rangée d’environ 30 journalistes et équipes TV affamés de déclarations. Les scènes auxquelles on assiste ensuite durant le reste du trajet de Van Nistelrooy et consorts sont un peu comparables à une remise des Oscars. Des centaines de supporters hurlent pour attirer l’attention des joueurs et leur arracher une signature. Il ignore la presse mais pas les supporters. Le Dutch Destroyer prend tout son temps pour satisfaire le plus de fans possible d’un simple trait de plume. Van the Man et son public se comprennent.

« Quand je réussis une action laborieuse, les gens crient Goed en néerlandais », a expliqué le numéro 10 la saison passée. « Quand ils apprécient particulièrement une action, ils chantent Ruud van Nistelrooy, tra la la la la« .

Voilà qui prouve, s’il en était besoin, que le public a toujours raison, car ce qui rend l’attaquant unique dans le football anglais actuel, c’est sa combinaison idéale de talent et d’éthique du travail. Une combinaison qui lui offrira encore de superbes moments cette saison. Les observateurs les lui prédisent d’ailleurs.

Koert Westerman

« Giggs est le meilleur. Ce qu’il fait est surhumain »

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