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Crazy Antwerp

Malgré un échec cuisant contre Genk, le Great Old tient la route pour son retour au plus haut niveau. De quoi susciter l’enthousiasme à Deurne. Reportage.

Wommelgem mercredi, 10h30. Le concierge installe un panneau prévenant que les séances se dérouleront à huis clos. Les supporters qui ont l’habitude d’assister librement à tous les entraînements sont surpris et déçus.

Trois jours plus tôt, l’Antwerp a battu Gand. Les réserves disputent un match contre les espoirs. Un Laszlo Bölöni de bonne humeur dispense une séance légère aux titulaires. Du football-tennis, à deux contre deux. Trois séries : CL, D1 et amateurs. Le perdant est relégué. Le T2 Wim De Decker fait le nombre car Obbi Oulare s’est vu assigner une autre tâche : il court autour du terrain.

À l’issue de la séance, Sinan Bolat sort, accompagné de Vedran Runje, qui remplace Jerry Van Acker comme coach des gardiens. Celui-ci est désormais analyste vidéo à temps plein. Il suffit de voir Bölöni et Runje rigoler pour se rappeler leur passé commun. Le français est la langue véhiculaire, même auprès des supporters.

Après le lunch, Frédéric Duplus, le capitaine français, ne plane pas malgré le bon départ de l’Antwerp.  » Nous sommes contents des résultats. Reste la manière. Nous devons tout peaufiner, pendant de nombreuses semaines encore. Compte tenu de la lourdeur du début de saison, le staff a jugé moins important le développement du jeu, le travail avec le ballon, etc. Il fallait avant tout souder le groupe et former un bloc solide. On ne construit pas une maison sur du sable. Dans un second temps, nous élaborerons quelque chose de plus beau.  »

Bref, réagir plutôt qu’agir. Duplus opine :  » Notre bonheur de retrouver l’élite suffisait comme motivation les premières semaines, d’autant que les grandes équipes sont toujours en rodage durant cette phase de la compétition et que notre approche physique a dû les rebuter, voire les effrayer. Depuis, les autres doivent avoir compris notre tactique et nous devons trouver de nouvelles réponses. Des clubs prestigieux comme Anderlecht et Gand seront en mesure de démanteler notre bloc au fil du championnat. Ils y seront obligés car beaucoup d’équipes vont leur opposer un bloc similaire. Quant à nous, nous ne constituerons pas éternellement une surprise.  »

Les supporters du Standard sont sans doute surpris de découvrir tant de visages connus à Anvers. Böloni, Runje, Bolat, Arslanagic, Jaadi, le team manager Leitgens, Luciano D’Onofrio… Duplus :  » Ces méthodes ont fait leurs preuves et pour le moment, elles fonctionnent. L’entraîneur est très exigeant, tant sur le plan tactique que physique. Il est proche de nous, il contrôle tout : sieste, nutrition… D’où les mises au vert. Nous passons beaucoup plus de temps au club qu’avant.  »

Arlanagic, un fil rouge…et blanc

Ceux qui le souhaitent peuvent suivre des cours de néerlandais. Ils ne sont pas obligatoires mais souhaitables, estime Duplus, qui les avait déjà suivis l’année passée. À Gand, il était flanqué de Dino Arslanagic, qui était encore capitaine de Mouscron, l’équipe qui l’a formé, une semaine avant le début de la saison. Arslanagic :  » Je suis arrivé le jeudi, j’ai participé à une séance et j’ai joué d’emblée.  »

Mircea Rednic, qui l’a lancé au Standard et relancé à Mouscron, a grincé des dents.  » Mais il m’a compris : je n’avais qu’un contrat d’un an à l’Excel alors que l’Antwerp me proposait trois ans et la possibilité de faire partie d’un grand projet. J’étais sûr de ma place à Mouscron mais il faut parfois oser sortir de sa zone de confort.  »

C’est la deuxième fois que Luciano D’Onofrio embauche ce fils d’un Bosnien et d’une Belge. Après la faillite de Mouscron, Arslanagic a poursuivi sa formation à Lille, d’où la transféré D’Onofrio. Trois jours plus tard, Roland Duchâtelet reprenait le Standard. Exit D’Onofrio.  » C’était fou. Il n’y avait même plus d’entraîneur « , se remémore Arslanagic.

Il préfère ne pas s’attarder sur le Standard.  » Joker.  » Il note quand même qu’il y est sans doute resté trop longtemps, jusqu’à ce qu’il se retrouve dans le noyau C. Peut-être était-il trop court, comparé à Scholz et Laifis ou Kosanovic ?  » L’avenir nous le dira. J’ai joué quelques mauvais matches mais on m’a aussi collé une étiquette trop vite. Une carte rouge, un penalty, un tacle les deux pieds en avant…

Tout s’est passé en l’espace d’un mois. Se défaire de cette étiquette est très difficile, surtout au Standard, avec 20.000 supporters critiques, qui crient. Quand ça va moins bien, malheur à vous… Parfois, je me rendais à l’entraînement avec des pieds de plomb mais j’ai appris à relativiser mes problèmes. Jouer au football est plus agréable que travailler à l’usine. Donc, je cherche à être plus régulier. N’oubliez pas que je n’ai pas encore disputé une seule saison complète.  »

Au stade une heure avant le kick-off

Les trésoriers des clubs sont heureux de la promotion de l’Antwerp, qui entraîne des légions de supporters enthousiastes dans son sillage. Une heure et demie avant le match, ils mettent déjà de l’ambiance.

Jonas, Quinten et Olivier suivent leur club depuis des années. Ce jeudi, nous sommes installés au Great Old, une taverne proche du Bosuil. Le bistrot est rempli, comme il le sera dimanche contre le RC Genk.

Jonas:  » Jusqu’à une heure du coup d’envoi.  »

Olivier: » Rester assis plus longtemps serait une insulte. Je ne comprends pas les fans qui se présentent au stade trois minutes avant le coup d’envoi. Nous, on chante déjà depuis une heure.  »

Jonas:  » Et puis, contre Anderlecht, il pleuvait. Il valait mieux s’installer au-dessus, à l’abri.  »

Les abonnements ne fixent pas les places ? Fou rire.

Olivier:  » Non. Ceux qui viennent depuis des années sont toujours à côté des mêmes. Mais en principe, on prend la place qu’on veut. Le papier indique un numéro mais dans la t ribune, c’est l’anarchie, le chaos.  »

Quinten:  » Les numéros ne sont plus très visibles.  »

Olivier:  » On vit vraiment les matches. D’ailleurs, on est toujours debout, même en déplacement.  »

Ils se disent heureux d’avoir connu la D2. Olivier:  » Ça rend tout ça encore plus beau.  »

Jonas:  » À Gand, je me suis dit que c’était autre chose que Deinze ou Heist.  »

Olivier:  » C’est pour ça qu’on ne se préoccupe pas encore des points. On est trop heureux.  »

Jonas:  » On aurait accepté un 0/18, compte tenu des affiches du début.  »

Tous des Batman comme Batubinsika

Comment ont-ils vécu la période des transferts jusqu’à présent ?

Olivier:  » On espère toujours que le club gardera l’équipe championne tout en sachant que certains n’ont pas le niveau requis. On le savait déjà l’année passée car on a terminé troisièmes. On n’a donc pas tant de qualités. Mais on doit la promotion à certains, comme à Joren Dom. Il était là depuis longtemps et rêvait de la D1. Même si on savait qu’il ferait banquette, il n’allait pas foutre la merde. Et s’il était appelé, il jouerait son match.  »

Jonas opine :  » Il a tout vécu. On oublie ce qu’on a traversé. On a commencé avec Vanderbiest puis il y a eu la débâcle Bico.  »

Mais sont-ils contents de l’arrivée de Luciano D’Onofrio ?

Jonas: » Là, ils ont réussi à nous surprendre !  »

Olivier:  » C’était presque fait avec Peter Maes. Il aurait été bien pour le développement du club car il a fait du bon boulot avec Malines et Lokeren. Il me semblait meilleur pour commencer.  »

Quinten:  » Tout le monde lui était favorable.  »

Olivier:  » Il a déclaré dans votre super magazine qu’il avait un faible pour l’Antwerp !  » Comme tout le monde ?  » Franky Vander Elst n’est pas près de débarquer. Pas plus que d’autres. L’Antwerp n’a pas été un club facile : très critique en cas de défaite, des salaires pas toujours versés. Je suis content que Wim De Decker soit resté comme T2. S’il était resté T1 et qu’il avait loupé son début, il aurait été dehors en septembre. Maintenant, il peut apprendre beaucoup avec Bölöni et redevenir T1 dans trois ans, ici ou ailleurs.  »

Jonas:  » Ce qui me préoccupe avec D’Onofrio, c’est qu’il prenne trop d’étrangers, même si ça va, jusqu’à présent.  »

Olivier:  » Si ce sont tous des Batman comme Dylan Batubinsika… Un formidable défenseur. D’Onofrio peut engager des joueurs qu’on ne pourrait pas se permettre sans son réseau.

Jonas:  » Certains copains disent que quelques-uns n’ont pas le niveau mais n’oubliez pas qu’ils ont joué contre Gand et Anderlecht. Saint-Trond sera le premier match avec un noyau complet. Là, on verra s’ils peuvent réussir.  »

L’essentiel, c’est le maintien

En attendant, ils savourent chaque instant, chaque personne. Pour eux, Bölöni est un homme fantastique !

Jonas::  » Il a de l’expérience et pointe les défauts.  »

Olivier:  » Il le fallait car l’an passé, l’équipe ne tenait pas 90 minutes, sauf à la fin, avec De Decker. On l’aime bien aussi.  »

Jonas:  » Ils y vont de bon coeur.  »

Olivier:  » Tant mieux. On a joué pendant treize ans contre nous comme on l’a fait contre Gand.  »

Jonas::  » Boussu Dour a fait de la boucherie ici mais a gagné 0-3 !  »

Olivier:  » Tubize aussi.  »

Jonas:  » Si on développe ce football contre les grandes équipes et que ça rapporte des points, je ne me plaindrai pas. Elles n’ont qu’à jouer assez vite pour qu’on n’ait pas le temps de les descendre. Mais je veux en voir plus contre Saint-Trond. Même si on n’a pas été mal en première mi-temps contre Anderlecht.  »

Olivier:  » Il faut plus de talent en attaque sous peine de problèmes. Je me réjouis de voir ce Tunisien. Oulare n’est pas en bonne condition. Quand on gagne autant d’argent et qu’on pèse 102 kilos. Allez…  »

Fait étrange, ils sont tous francophones. Dans la ville de Bart De Wever

Quinten:  » Pas de problème pour nous. Bölöni parle mieux français que néerlandais !  »

Un autre supporter qui fume sur la terrasse intervient :  » C’est embêtant pour la chaîne de l’Antwerp. Elle aurait besoin de meilleurs traducteurs.  »

Olivier:  » Je suis surpris que le club ait engagé un entraîneur de 64 ans pour pareil projet mais j’espère qu’il restera plus d’une saison car l’Antwerp est un cimetière pour les entraîneurs.  »

Jonas:  » J’espère qu’il va parvenir à construire quelque chose. Un an, deux ans. Sinon, le nouvel entraîneur voudra d’autres joueurs et ça repartira comme en D2.  »

L’objectif, cette saison ?

Olivier:  » 14e !  »

Jonas:  » Le maintien est essentiel. On peut être 15e aussi.  »

par Peter T’Kint -photos belgaimage

 » Ce qui me préoccupe avec D’Onofrio, c’est qu’il prend trop d’étrangers, même si ça va, jusqu’à présent.  » Jonas, supporter de l’Antwerp

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