Crash ou relance

Le carnaval approche à grands pas mais l’Eendracht n’a plus l’esprit à la fête.

Après un début de championnat tonitruant (15 sur 15), les Oignons n’ont plus pris que trois points par la suite et ont perdu une rencontre sur le tapis vert. Le temps est donc à l’orage, surtout entre le manager Philippe Persoons et l’entraîneur, Manu Ferrera, qui se font la guerre à coup de déclarations fracassantes.

Jusqu’ici, Ferrera est toujours passé entre les gouttes. Il a même survécu à une réunion de crise. Grâce aux joueurs…

« Malgré notre position précaire, l’ambiance au sein du groupe est excellente », dit Dimitri de Condé. « Tout le monde a envie de faire quelque chose pour ce club qui met ses joueurs dans des conditions de travail optimales: nous savons qu’il y a des problèmes financiers mais nous sommes payés à temps. Je n’ai jamais participé à autant de soupers. Je me suis fait des amis en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Je me suis établi à Alost à cause des trajets; sinon j’aurais gardé ma maison à Charleroi. Je n’ai jamais rien ressenti de la mauvaise réputation qu’on fait à cette dernière ville. Et c’est bizarre mais, sur le terrain, je continue à parler en français! »

Avec Eric Joly, de Condé fait partie des éléments sensés rendre un nouvel élan à l’Eendracht. Leur expérience devraient permettre à des jeunes talentueux comme Albrecht ou De Wilde de mieux s’exprimer. Pourtant, même si Manu Ferrera leur a tout de suite fait confiance, malgré un manque de rythme évident, leur tâche n’est pas simple. Car eux aussi doivent se relancer après de gros moments de doutes.

De Condé, surtout, avait très mal vécu son passage dans le noyau B de Charleroi. Peu bavard, il intériorisait tout et se posait des tas de questions sur une carrière qui avait pourtant débuté sous les meilleures auspices: à 17 ans, il était titulaire à Lommel avant de se retrouver rapidement au Standard.

« J’ai 27 ans et c’est le moment où jamais de décoller. Je suis prêté jusqu’en fin de saison et, après, je serai libre. Je ne peux donc pas rêver meilleure situation,… à condition de me mettre en évidence, sans quoi je risque de me retrouver sur le carreau. Je ne doute pas de mes qualités mais je dois montrer de quoi je suis capable et faire preuve de plus de personnalité. Pour moi, pour ce club aussi car il y a beaucoup de jeunes. J’ai eu moi aussi 20 ans à Lommel et j’avais la chance de compter sur plusieurs anciens comme Cannaerts, Van Veldhoven, Vangeneugden, etc. Ici, il n’y a qu’ Arst et Van Hoyweghen« .

« Charleroi a voulu me faire craquer »

Manu Ferrera l’a posté sur le flanc droit de l’entrejeu. Une bonne chose car c’est à cette place que de Condé a livré ses meilleures prestations au Standard alors que beaucoup d’entraîneurs le considéraient comme un meneur de jeu.

« Je n’ai jamais été aussi bon qu’avec Van Geneugden ou Krupnikovic à mes côtés », rappelle-t-il. « Au Standard, on nous avait d’abord mis en concurrence mais c’est ensemble que nous avons amené l’équipe en tête du championnat. Puis le Yougoslave est parti au Japon et n’a pas vraiment été remplacé. Cela a porté préjudice au club mais aussi à ma carrière car le contexte n’a cessé de se dégrader ».

Alost n’a pourtant pas de meneur de jeu spécifique non plus: « Qui évolue encore avec deux médians offensifs? Aujourd’hui, presque tout le monde opte pour un 4-4-2 avec deux médians défensifs. C’est également notre cas mais Eric Joly peut toujours surgir de derrière et apporter une certaine créativité. Quant à moi, si j’ai un rôle plus libre, je dois me replacer à droite en perte de balle. En venant d’un flanc, j’évite qu’on me colle un homme sur le dos pendant toute la partie. Ou alors, il doit me suivre sur toute la largeur du terrain et cela crée des espaces ».

Ferrera a évidemment l’avantage de bien connaître de Condé, avec qui il avait travaillé à Charleroi. A cette époque, le Limbourgeois était titulaire indiscutable et avait pratiquement retrouvé son meilleur niveau. A-t-il, lui aussi, été victime de l’arrivée au pouvoir de Scifo?

« Je n’en veux pas tellement à Enzo mais plutôt à la direction des Zèbres. Fin novembre, quand je suis parti, Scifo s’est excusé d’avoir dû me laisser dans le noyau B, avec un entraînement par jour et l’interdiction de jouer en Réserves. D’ailleurs, l’an dernier, tout le monde m’avait félicité pour ma saison. Au premier tour, on affirmait même que j’étais le meilleur joueur de l’équipe. Le président estimait cependant que mon contrat était trop lourd. Alors, pourquoi ne pas avoir essayé de me mettre en vitrine, comme Negouai? Il ne jouait pas mieux que moi mais le club lui a permis de se montrer et cela lui a rapporté 140 millions. Je pense qu’on a voulu me faire craquer. A un certain moment, le club demandait encore dix millions pour mon transfert. La Louvière, notamment, a reculé devant une telle somme. Puis on a accepté de me prêter partout, sauf à Alost. C’était vraiment ridicule car on me punissait alors que je n’étais pas responsable des problèmes entre le Sporting et Ferrera. Finalement, Charleroi a accepté de m’accorder ma liberté, moyennant l’abandon d’une prime. J’ai perdu de l’argent mais je considère cela comme un investissement ».

« Je jouerais au Standard si je m’étais accroché »

De Condé se bat contre sa réputation de joueur trop gentil. En quatre ans à Sclessin, il ne s’était fâché qu’une fois, après la défaite face au Lierse en finale de la Coupe de Belgique. Cela lui a valu de devoir faire ses valises pour Charleroi: « J’ai disputé près de 120 matches pour le Standard, dans un contexte extrêmement difficile parfois. Avec Ivic, j’ai même accepté de jouer seul en pointe pour dépanner. A un certain moment, j’ai émis l’envie d’aller voir ailleurs, où on m’utiliserait selon mes capacités. On me l’a reproché alors que d’autres ont dit la même chose et ont pu rester. Si je m’étais accroché encore un peu, je jouerais toujours dans cette équipe. Comme Bernd Thijs, d’ailleurs. Mais j’étais pris dans la spirale négative d’un club qui n’avait pas les moyens sportifs de ses ambitions ».

Cette fois encore, il était déjà très tard lorsqu’il a réagi. Il passa d’abord un test à Burnley, un club anglais qui lutte à présent pour l’accession à la Premier League: « Ils étaient très contents de moi sur le plan physique, ce qui est généralement le gros point faible des étrangers. Cependant, ils voulaient encore attendre trois à quatre semaines avant de prendre une décision et Charleroi n’aurait jamais accepté que je reste autant de temps là-bas ».

Devant l’impasse, il avoue avoir songé à entreprendre des démarches juridiques: « J’estime que, quand on est lié par contrat, on doit tout faire pour aider l’autre partie. Je remplissais ce devoir mais l’inverse n’était pas toujours vrai. Ainsi, pour m’inciter à partir plus vite, le Sporting retenait une somme qu’il me devait depuis le mois de mai. Dans l’intention, sans doute, de l’inclure dans une éventuelle transaction. J’ai eu des contacts avec David Paas, qui avait attaqué Genk en justice. Il m’a tout de suite averti que cela pouvait prendre des années et qu’il craignait les conséquences de son acte pour la suite de sa carrière. Or, je suis trop jeune pour risquer de tout perdre, d’autant que j’ai maintenant un gamin de dix mois, Sean. Finalement, je suis heureux d’avoir pensé qu’on pouvait toujours trouver une solution, même si je constate que les contrats n’ont plus guère de valeur ».

Patrice Sintzen

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