Coz’ Toujours
Aucun défenseur liégeois ne peut nier craindre Kevin Cossalter. Pour sa vitesse, son pied droit, sa baby-face de killer. Et malgré son petit passage à l’ombre il y a dix ans…
K evin Cossalter (36 ans) à Hannut, c’est la bombe du dernier mercato estival en Province de Liège. Après 17 années passées à martyriser les défenses de Promotion et D2 Amateurs, le petit ailier gauche liégeois a rejoint le niveau provincial, en P2A. « Certains ont dit que je venais pour terminer en roue libre, prendre dix kilos et jouer sur mon nom », débute l’intéressé, un café froid à la main. « Ce n’est pas dans mes habitudes. » Le jeudi, le buteur reste d’ailleurs une demi-heure supplémentaire après l’entraînement pour travailler sa finition avec le gardien. « À Hannut, on a un docteur, on a eu droit à des visites médicales et à un stage de préparation… Les exigences sont élevées, mais c’est chaleureux et il y a inévitablement moins de contraintes qu’en national, ce qui me permet de passer plus de temps avec mes deux filles. »
Je n’ai jamais été applaudi dans la vie extérieure comme le jour de ma sortie de prison. » Kevin Cossalter
Après ses expériences chez les jeunes à Anderlecht puis Charleroi, l’attaquant a toujours privilégié les environnements bienveillants. À Faymonville, à Tilleur ou au Stade Waremme, où il passe deux saisons consécutives à envoyer 33 buts dans les filets promotionnaires. À 27 ans, il s’offre pourtant une parenthèse professionnelle au FC Wiltz, en D1 luxembourgeoise. « J’espérais taper dans l’oeil de Dudelange ou du Fola. »
Survient alors cet improbable coup d’arrêt du 14 février 2013. Cette nuit-là, deux complices noient le bar qu’il gère en activité complémentaire dans plusieurs dizaines de litres d’essence. Le but: toucher l’assurance de l’incendie. Mais le bâtiment explose et les auteurs sont rapidement démasqués. « Ma seule satisfaction, c’est qu’il n’y ait pas eu de blessés… à part nous. » Sur son lit d’hôpital, après un coma de deux jours et malgré 78 points de suture, Kevin pense déjà à son prochain match avec Wiltz. Le week-end qui suit, il se retrouve surtout derrière les barreaux. Pour 58 jours. « Je suis passé pour le mouton noir: ça arrangeait tout le monde de coincer le footballeur pro qui pète un plomb. Maintenant, si j’avais été assez malin, rien ne serait arrivé, c’est tout. »
En prison, le foot lui sauve la mise. À l’intérieur, des matons proches de son président de futsal lui réservent une cellule confortable. Au préau, il fait gagner chacune des équipes pour lesquelles il joue et refuse même les récompenses – tabac, soda, snacks… – ce qui lui vaut un certain respect et un statut privilégié. « Si quelqu’un avait voulu me chercher misère, j’aurais tout de suite été défendu. Maintenant, ma vie s’est arrêtée pendant ces deux mois, je n’avais même pas la force mentale de regarder du foot à la télé. »
Un après-midi, Kevin joue dans la cour lorsqu’un gardien l’appelle pour la plus belle sortie de sa carrière. Il est libre. « Je n’ai jamais été applaudi dans la vie extérieure comme ce jour-là. » Jugé, il écope finalement de cinq ans de sursis. Et de plusieurs saisons de quolibets type « Allumez le feu » issus des tribunes. Cette affaire lui coûte une diminution de salaire à Wiltz et sa place en équipe nationale de futsal. Au niveau privé, il perd son travail de banquier et sa crédibilité. « Heureusement, ça m’a permis de grandir. J’ai gagné une vie saine avec ma femme et mes filles. » Aujourd’hui, il gère un magasin de fringues pour lequel il est aussi mannequin à l’occasion. Il est toujours en négociation avec les parties civiles pour trouver un arrangement au niveau de la somme à rembourser, qui tourne autour du million d’euros. Crampons aux pieds, Cossalter se voit encore perdurer deux ou trois ans. « J’ai une bonne hygiène de vie, donc la fin sera moins liée au physique qu’à un manque d’objectifs. » Hannut peut donc être rassuré… tant qu’il ne bat pas le record individuel de 42 roses plantées sur une saison en P2.
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