Courriers Sud

Notre envoyé spécial nous envoie ses premières impressions d’Afrique australe.

Vendredi 18 janvier : en zoulou ou xhosa Il est dix heures du matin quand je descends de l’Airbus 380-800, en compagnie de 600 autres passagers, à Johannesburg.  » La température est légèrement inférieure à 20° et il pleut « , a annoncé le pilote de ce colosse ailé. Les voyageurs qui ont bravé la neige de Francfort en shorts et sandales en sont pour leurs frais.

Ce n’est pas le cas d’un passager de l’étage supérieur de l’avion. MichaelBallack, ambassadeur de l’UNAIDS, le programme d’aide contre le sida des Nations-Unies, visite l’Afrique du Sud à cette fin..

C’est le dernier des Magnificent Fridays, la campagne de promotion pour la Coupe d’Afrique des Nations. Au poste de douane, presque tous les gens arborent le maillot jaune vif des BafanaBafana. Quand je dis que je viens pour le football, on estampille immédiatement mon passeport.

La superbe autoroute à huit bandes reliant l’aéroport international à Pretoria, la capitale, est devenue payante. Six rands pour 50 kilomètres. Ce n’est pas cher mais allez l’expliquer à un Africain qui doit vivre avec une poignée de rands par jour.

Mon GPS, qui a deux ans, ne parvient pas à trouver l’adresse de ma guesthouse à Pretoria. Il ne connaît pas la January Masilela Road. Il accepte la January Avenue mais je ne suis manifestement pas dans le bon quartier. Je téléphone à la guesthouse. Je dois introduire la General Louis Botha Street.  » Beaucoup de noms ont changé ces dernières années « , explique la réceptionniste.  » Y compris le nom de notre rue.  »

Petite leçon d’histoire grâce aux noms des rues. Louis Botha était le commandant de l’armée des Boeren à la fin du 19e siècle et est devenu le premier président de l’Union of South-Africa, qui allait devenir l’Afrique du Sud. Les anciens héros sont remplacés par les nouveaux. January Che Masilela, né à Middelburg, a été le secrétaire général de l’ANC de NelsonMandela. L’ancien ministre de la Défense a été tué en 2008, victime d’un attentat à la bombe.

Pretoria s’appelle officiellement Tshwane. D’autres villes de cette CAN ont été rebaptisées. Port Élisabeth s’appelle maintenant Nelson Mandela Bay et Nelspruit a été rebaptisé Mbombela.

De la guesthouse, je rejoins le National Stadium de Johannesburg pour retirer mon accréditation. La route est embouteillée. Certaines voies sont sous eau et impraticables. La radio annonce des inondations. Celui qui se rend au match demain doit prendre ses précautions.

Il est 18 h 01 quand je m’arrête devant l’Expo Centre, Nasrec Road. J’ai fait la file pendant des heures pour rien. Le bureau ferme à 18 h mais quelque 80 personnes font encore la file devant l’entrée, pour obtenir le badge d’accès au stade.

Le responsable du centre d’accréditation nous demande de reculer. Les parapluies se dirigent dans le sens indiqué. Sauf un. Celui d’une personne de couleur. Pas une Noire mais une brune, dans le langage local. Issue d’Inde ou de ce coin du monde. Du temps de l’apartheid, celles-ci formaient une sorte de classe intermédiaire.

 » Ici, tout se fait en zoulou et en xhosa « , jure l’homme.  » Je me suis exprimé en anglais « , rétorque l’officiel.  » Ce n’est pas en employant ce ton que vous arriverez à quelque chose, mon pote. Ce temps est révolu.  » Les rapports de force ont changé.

L’humeur de l’homme brun ne s’améliore pas quand ma spécificité de journaliste européen s’avère être un sésame. Cinq minutes après l’heure de fermeture normale du bureau, je suis invité à y pénétrer.

Tout se passe bien jusqu’à ce qu’une grosse dame me demande ma fonction.  » Presse écrite « . Mais je dois choisir au sein d’une liste sur son ordinateur. Tout commence par RTV : radio et télévision. Cameraman, technicien.  » Presse écrite « , répétai-je. Pas de trace du job sur l’ordinateur.  » Reporter, alors.  »

Ce n’est qu’une fois dehors, sous la pluie, que je réalise que c’est encore mieux : cette accréditation me donne accès au terrain et je peux donc parler aux entraîneurs. C’est une première.

Je vais jeter un coup d’oeil au stade. La tribune de presse est beaucoup plus petite et située plus bas que pendant le Mondial. Ça m’épargnera des marches mais nous n’aurons pas de toit sur la tête. La salle de presse est vide, à l’exception de quelques tables et de chaises. J’en sais suffisamment.

Samedi 19 janvier : zéro sur toute la ligne

Pas question de me laisser surprendre. Je pars huit heures avant le coup d’envoi du premier match. Je passe au supermarché acheter des bouteilles d’eau, des tartines et une grande veste de pluie en plastique. Des problèmes de parking lors des matches de football ? Pas en Afrique du Sud. Le laissez-passer de presse donne même accès au parking VIP.

Dans la tribune de presse, je choisis une place en face de la ligne médiane. À 14 heures, les portes du National Stadium s’ouvrent. Les premiers spectateurs entrent. Avec des vuvuzelas. Il recommence à pleuvoir et les coups de tonnerre couvrent le bruit pourtant assourdissant des trompettes.

Deux heures plus tard, début de la cérémonie. Près de mille figurants nous emmènent dans tous les coins d’Afrique.  » The Beat at Africa’s Feet  » est le refrain de cette Coupe d’Afrique. Sur le terrain, les jeunes hommes démolissent aisément les murs sur lesquels sont écrits tous les maux du continent : la faim, la maladie, le sida, la dictature, l’analphabétisme, la misère. Les murs sont en carton.

Pendant de longues minutes, le speaker répète peace in Africa. Mais sa voix ne porte pas jusqu’en Algérie ou au Mali. Il pleut de plus en plus fort et malgré mes précautions, j’ai plus froid que pendant le Mondial, qui se déroulait pourtant en hiver. Tout autour de moi, la main sur le coeur, les gens chantent Nkosi sikelel’ iAfrika (Seigneur, bénis l’Afrique).

Le football ne m’aide pas à me réchauffer. Les vingt principales agences de paris du monde ont placé l’Afrique du Sud au rang de troisième favorite, après la Côte d’Ivoire et le Ghana. Le président Jacob Zuma s’est adressé aux joueurs par l’intermédiaire de la presse, comme NelsonMandela en 1996, l’année de la victoire des Bafana Bafana.

Zuma n’a cependant pas le charisme de Mandela et l’équipe ne parvient pas à s’imposer contre le Cap Vert. Pas un ballon ne franchit la ligne et c’est donc match nul, comme lors du match d’ouverture du Mondial 2010, durant lequel l’Afrique du Sud avait été éliminée au premier tour.  » En 1996, nous avons vaincu le grand Cameroun lors du premier match « , me rappelle mon voisin de droite.

La deuxième partie, opposant le Maroc à l’Angola, est plus agréable mais tout aussi dénuée de buts. L’équipe marocaine a bien changé depuis le limogeage d’Eric Gerets en septembre dernier. Aucun joueur du noyau ne s’est produit en Belgique. Pas de Dirar, de Carcela ou de Boussoufa, donc mais une attaque très néerlandaise avec : Amrabat (ex-PSV), El Hamdaoui (ex-Ajax) et Assaidi (ex-Heerenveen). Eux non plus ne marquent pas.

PAR FRANÇOIS COLIN À PRETORIA

Les coups de tonnerre couvrent le bruit assourdissant des vuvuzelas.

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