COURAGE !

Le gaucher technique liégeois est devant une entreprise difficile : se relancer chez la lanterne rouge.

Engagé dans une course-poursuite infernale en vue d’assurer son maintien, le Lierse s’est offert les services du gaucher liégeois Marco Ingrao. Son premier match, en Coupe de Belgique, a coïncidé avec le premier succès officiel des Lierrois cette saison. Signe d’espoir ? Ce joueur formé au FC Liège, révélé par Genk et relégué en D2 avec Mons avant un transfert à Vicenza veut s’en donner la conviction, sans planer pour autant.

 » J’entends souvent dire que nous ne sommes pas la plus mauvaise équipe de D1 mais nous faisons partie d’un lot de cinq clubs pour qui le championnat va s’assimiler à un long combat dans lequel il importera surtout de ne jamais perdre l’espoir et de ne pas se mettre à stresser. A cet égard, j’avais un peu peur de tomber dans un club moribond, miné par les affaires qui l’ont secoué au cours des derniers mois mais un entretien avec le président m’a rassuré sur le fait que le club voulait refaire parler de lui en bien. Et quand je vois la façon dont tout le monde travaille à l’entraînement, je me dis qu’il y a encore de la vie dans ce groupe « .

Ce qu’on lui a demandé quand on l’a contacté via son agent, Franco Iovino, c’est d’apporter de la qualité dans les centres. Le revoici donc aligné à la place où il estime être le plus rentable, celle de médian gauche :  » Il faut savoir qu’au FC Liège, j’ai toujours joué comme ailier gauche dans un 4-3-3 voire comme deuxième attaquant en 4-4-2. Je formais alors une paire avec François Sterchele. Pour un centreur, il est très important de savoir qu’on peut compter sur quelqu’un à la réception. Au Lierse, il y avait Bob Peeters, un fameux atout malheureusement absent jusqu’en janvier. Maintenant, c’est Kristof Snelders qui joue devant. Un tout autre style, évidemment. Lui, il mise surtout sur sa rapidité et préfère être servi dans la profondeur « .

On a en tout cas rarement vu un club luttant pour son maintien où tant les joueurs que la direction soutiennent autant l’entraîneur en place. Et cela aussi, c’est un gage de stabilité dans la lutte pour le maintien.  » Même les supporters ne nous abandonnent pas, comme lorsque nous avons été battus 2-0 à Anderlecht, où l’addition aurait pourtant pu être plus salée « , assure Ingrao.  » René Trost a été l’adjoint de Sef Vergoossen, que j’ai connu à Genk. Il prône un football positif, constructif qui devrait finir par payer. J’espère cependant qu’à la trêve, le club s’offrira un ou deux joueurs supplémentaires, des gars plus expérimentés car, à 24 ans, je suis déjà l’un des plus anciens du noyau et cette naïveté pourrait nous coûter cher « .

Impitoyable, lui ?

Ingrao, dont chacun se plaît à reconnaître la qualité du jeu balle au pied, n’est pas non plus ce joueur impitoyable auquel on craint de se frotter.  » Je veux me faire respecter mais toujours en jouant proprement et je suis fier de ne pas prendre beaucoup de cartes jaunes « , lance-t-il.  » Ce qui m’énerve, dans le foot, ce sont les tacles assassins, comme celui de Sydney Kargbo en Coupe de Belgique. Des mecs comme ça mériteraient qu’on leur pète les deux jambes. Mais évidemment, cela ne veut pas dire qu’il faut laisser filer l’adversaire dès qu’on est dépassé : un petit accrochage n’a rien de vilain et permet parfois d’éviter un but « .

L’année dernière, il avait goûté du Calcio avec un transfert à Vicenza qui ne lui apporta pas ce dont il rêvait :  » Je suis né en Sicile, je suis arrivé en Belgique lorsque j’avais trois ans. Jouer en Italie était évidemment le sommet mais, à Vicenza, je n’ai jamais ressenti ce bonheur. Bien que ma femme, qui est aussi d’origine italienne, m’ait accompagné, je me suis vite aperçu que toute notre vie était en Belgique. J’ai d’ailleurs la nationalité belge et suis fier d’avoir porté le maillot des Espoirs. De plus, sur le terrain, les choses ne se passaient pas bien non plus puisque je n’ai pas entamé un seul match en tant que titulaire. L’entraîneur avait une base de joueurs à laquelle il faisait confiance et changeait peu. Je me suis un peu demandé pourquoi on m’avait transféré. J’avais un contrat de six mois avec option et j’ai rapidement décidé de ne pas prolonger. Entre-temps, j’avais trouvé un accord avec Genoa : tout était signé mais les papiers ne devaient être envoyés à la fédération que si le club rejoignait la Série B. C’est ce qui s’est passé mais l’entraîneur a décidé de partir et son successeur n’avait pas besoin de moi. Comme la saison italienne se termine assez tard, je me suis retrouvé sur le carreau. Dans ces moments-là, avec une petite fille de 20 mois, on se dit que ce n’était peut-être pas une bonne chose d’avoir arrêté l’école en quatrième secondaire… Mais j’ai toujours voulu jouer au football et je ne considère sûrement pas ce retour au Lierse comme un pas en arrière : je me réjouis d’appliquer tout ce que j’ai appris en Italie, surtout d’un point de vue tactique. On vous dit à l’avance comment les choses vont se passer sur le terrain et cela se vérifie effectivement. Dommage que je n’aie pas pu développer cela à Gênes, un club qui joue régulièrement devant 45.000 personnes. Mais cela me servira certainement dans les années à venir et je n’abandonne pas mon rêve de jouer en Série A et d’affronter la Juventus, mon club préféré. Mon exemple, c’est Gaby Mudingayi, qui est d’ailleurs un ami : il risquait de sombrer dans l’anonymat en Série B mais il est devenu un des pions majeurs de la Lazio « .

Le gros cou, lui ?

Sur le forum du site internet de Mons, un supporter de Vicenza avait demandé qu’on lui donne quelques tuyaux sur Ingrao. Les réponses donnaient invariablement ceci :  » Bon joueur mais n’a pas exploité tout son potentiel à l’Albert. Peut-être parce qu’il était trop vite content, peut-être parce qu’il avait attrapé le gros cou « .

Ingrao s’insurge :  » Gros cou, moi ? Certainement pas ! Mais je comprends la réaction des supporters de Mons : nous sommes descendus cette saison-là et tout le monde en a pris pour son grade. Il faut cependant tout replacer dans son contexte : il y a eu Sergio Brio, puis le départ de Jos Daerden. Je suis persuadé que, s’il était resté, nous nous serions sauvés. Mais il y a eu ce malentendu avec le président DominiqueLeone. Un homme qui, pourtant, a toujours fait le maximum pour son club, tout comme Alain Lommers. J’en reviens à ce que je disais tout à l’heure à propos du Lierse : quand on lutte pour le maintien, l’important, c’est la sérénité. A tous les échelons du club. Les dirigeants de Mons en ont peut-être manqué à un moment donné mais il faut se mettre à leur place : ils ont été mal conseillés pendant des mois et se sont soudain retrouvés seuls face à une situation très délicate à gérer. Leur retour en D1 un an plus tard prouve toutefois qu’ils ont pu se ressaisir « .

Ingrao admet cependant que sa saison à Mons ne fut certainement pas la meilleure de sa carrière. Trop de hauts et de bas :  » Je dirais plutôt que j’ai trop vite tendance à me décourager dès que je rate l’un ou l’autre centre. Je dois être plus sûr de moi « .

Peut-être aurait-il dû s’accrocher davantage à Genk, qu’il avait rejoint avec une cohorte d’ex-joueurs du FC Liège ( Hans Leenders, Bram Castro, Alex Di Gregorio) et dont il est le seul, aujourd’hui, à évoluer en D1 belge :  » J’ai joué cinq ans dans le Limbourg et j’ai connu les meilleures années de ce club : nous avons remporté la Coupe, été champions, disputé la Ligue des Champions. Je n’ai pas été aligné régulièrement mais j’y ai appris mon métier et je me sentais prêt à devenir titulaire. Genk ne pouvait pas m’offrir cette garantie alors, je suis parti. Tout ne va peut-être pas aussi vite que je l’aurais souhaité ou qu’on ne me l’avait prédit mais je ne suis qu’au début du chemin « .

PATRICE SINTZEN

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