Coups de bistouri

A cour ouvert un mois et deux opérations après le crash de Mouscron.

Les entraînements, les matches, les bonheurs de la victoire, les larmes de la défaite et la communion avec les supporters, ce n’est plus pour lui. Du moins plus dans l’immédiat. Pascal De Vreese (30 ans) va se farcir un programme bien moins alléchant au cours des prochains mois: médecins, kinés, travail en solitaire.

Jeudi dernier, l’attaquant de poche (1m72, 59 kg!) de Mons a subi sa deuxième opération depuis le funeste 28 septembre. A Mouscron, là où sa carrière avait autrefois décollé. Il avait pris la peine de marquer deux buts, pour porter par deux fois les Dragons au commandement. Puis, le crash.

« Je suis dos au but à l’entrée du rectangle, le ballon vient vers moi et je veux le dévier. Je sens du mouvement dans mon dos mais je ne m’inquiète pas. Tout à coup, Olivier Besengez prend en même temps le ballon et mon genou. Je m’écroule et je comprends directement que c’est très sérieux. Je m’étais déjà déchiré les ligaments croisés de l’autre genou il y a deux ans et le choc avec Besengez m’a vite rappelé de mauvais souvenirs » explique l’attaquant montois.

On a parlé d’agression mais l’arbitre n’a même pas sifflé de coup franc!

Pascal De Vreese: Besengez pourra toujours dire qu’il a joué le ballon. Moi, je sais qu’il a aussi pris ma jambe. C’étaient des circonstances spéciales. Les défenseurs de Mouscron étaient de plus en plus nerveux, frustrés. Il y avait déjà eu pas mal de mésententes dans leur jeu et nous menions: c’était inattendu. En plus, j’avais marqué nos deux goals et j’étais ainsi devenu une cible privilégiée. Besengez ne m’a pas blessé volontairement. Mais quand on met autant de risques dans ses interventions, on expose l’adversaire au pire. En plus, je connais très bien Besengez puisqu’il fait partie des deux derniers résistants de l’équipe de Mouscron dans laquelle j’ai joué. L’autre, c’est Dugardein.

Besengez s’est-il manifesté depuis l’accident?

Non. Pas un coup de fil. Rien. Il lit quand même les journaux et il doit savoir qu’il m’a blessé très sérieusement. C’est sans doute ça, le foot pro… Un seul Mouscronnois m’a appelé: Vandendriessche, que j’ai côtoyé à Waregem. »Tout le Canonnier avec moi. Mon match! »

On a parlé d’une indisponibilité de six bons mois!

Dès que le médecin a vu mon genou, il m’a dit: -Oh, la belle triade… Trois blessures en une: le ménisque abîmé, les ligaments croisés et les latéraux déchirés. Parmi toutes les blessures du genou possibles, c’est ce qu’il y a de plus grave. L’intervention au ménisque a eu lieu très vite. La semaine dernière, on m’a reconstitué les croisés. Et dans une dizaine de jours, on me fabriquera de nouveaux latéraux. On ne pouvait pas tout faire en même temps parce que mon genou aurait alors triplé de volume. Mais je devrais pouvoir rejouer dans quatre mois grâce à une nouvelle technique opératoire.

J’étais d’abord allé voir le Docteur Martens, qui m’avait opéré il y a deux ans. Nous avons fixé un rendez-vous pour l’opération et il a prédit une indisponibilité de six mois. Le lendemain, les journaux annonçaient que je ne jouerais plus cette saison. Le kiné de Gand m’a appelé. Il m’a dit qu’il connaissait un médecin de Lokeren capable de me remettre sur pied en quatre mois. Le chirurgien De Clercq, a opéré Schepens pour le même problème, l’année passée. J’ai téléphoné à Gunther, qui m’a dit qu’il avait effectivement repris place sur le banc quatre mois jour pour jour après son opération. Je suis allé voir De Clercq: il m’a montré la cassette d’une de ses opérations. J’ai pu regarder quelques minutes, puis il a fallu couper le magnéto parce que j’allais être malade…J’ai seulement retenu qu’il prélève un morceau de tendon derrière le genou au lieu de le prendre sur la partie avant, et que cela permet d’accélérer la guérison. Schepens m’a juré que son genou opéré était deux fois et demi plus costaud que l’autre.

L’accident est survenu justement à Mouscron, où vous vous étiez révélé en D2 il y a quelques années. Il était écrit que ce match serait spécial pour vous?

Je m’attendais à ce qu’il soit spécial, mais pas à ce point-là. C’était la première fois depuis sept ans que je retournais au Canonnier en tant qu’adversaire. Je m’étais juré une chose: -Ce sera mon match. Pour la première fois de ma carrière, j’avais tout le stade avec moi, car on ne m’a pas oublié là-bas. Je me vois donner un corner du côté des supporters de l’Excel, avant le choc avec Besengez. Quelqu’un a crié: -Allez Pascal, un bon petit corner. J’ai alors ressenti quelque chose de fantastique. « Je tombe facilement? C’est normal, je me protège »

Votre jeu très vif ne provoque-t-il pas les fautes violentes?

Certainement. Je suis petit, fougueux et rapide à la course: ce n’est pas apprécié par tous les défenseurs. On reproche aux attaquants de mon gabarit de tomber facilement, de préférence dans le rectangle. Toni Brogno entend souvent cette remarque, moi aussi. Mais c’est normal: si on essaye de rester debout lors d’un choc avec un défenseur costaud, c’est la blessure grave presque assurée. En tombant facilement, en esquivant d’une façon ou d’une autre, j’ai déjà évité pas mal de pépins physiques. J’anticipe: c’est indispensable. Dans le contact qui a provoqué l’exclusion de Van Meir lors de la venue du Standard chez nous, si je ne saute pas, je sors peut-être sur une civière. On m’a plus d’une fois fait remarquer que j’avais déjà pris quelques centaines de coups depuis que je joue au foot. Je ne peux rien y faire: c’est mon jeu qui veut ça. Et ce n’est pas nécessairement une bonne chose: le dimanche ou le lundi matin, j’ai souvent beaucoup de mal à sortir de mon lit, tellement on m’a amoché la veille (il rit).

On reconnaît vos qualités d’attaquant mais on vous a aussi souvent taxé de bon joueur de D2, un rien trop court pour la D1.

On a dit ça à partir du moment où ça n’a pas marché pour moi à Gand, de 1995 à 1997. Mais j’avais des circonstances atténuantes là-bas: Clijsters s’est obstiné à me faire jouer sur le flanc alors qu’il faut m’aligner en pointe ou comme deuxième attaquant pour que je puisse vraiment m’exprimer. Il m’avait dit: -C’est le flanc ou le banc. J’ai choisi le flanc mais je n’ai pas réussi grand-chose de valable et le public m’a vite sifflé. Gand, c’est la seule période noire de ma carrière.

Après avoir quitté ce club, vous avez dû patienter cinq ans pour retrouver la D1: d’où votre étiquette de bon attaquant de D2!

Plusieurs fois, j’ai été amené à choisir entre des équipes de D1 condamnées à se battre pour le maintien et des clubs de D2 capables de jouer la montée. Pour moi, le top en D2 est plus intéressant que le fond du panier en D1. Je me suis ainsi retrouvé à Waregem, à Turnhout, puis à Mons. En cinq ans, j’ai joué cinq fois le tour final, j’ai toujours été titulaire, je me suis bien amusé et j’ai mieux gagné ma vie que si j’avais joué pour des petits clubs de D1: je ne regrette absolument rien.

Je rêvais d’une chose: faire monter mon équipe en D1 et retrouver le haut niveau avec le même club. Parce que tout est plus facile quand vous connaissez l’entraîneur, vos coéquipiers, le public et les dirigeants. J’ai échoué de justesse quatre fois de suite, puis j’y suis enfin arrivé avec Mons. C’était mon septième tour final de D2, puisque j’y avais déjà participé et échoué deux fois avec Mouscron avant de partir à Gand. Marc Grosjean pensait que j’étais maudit. »Grosjean n’est pas borné »

Pendant l’été, on vous a invité à quitter Mons!

Grosjean m’a effectivement avoué qu’il ne comptait pas vraiment sur moi, malgré les deux ans de contrat qu’il me restait. J’ai compris que j’avais intérêt à chercher ailleurs. Mais mon entourage m’en a dissuadé. On m’a dit de tout faire pour prouver à l’entraîneur qu’il avait tort. Je peux le comprendre: j’avais joué 33 des 34 matches du championnat quand il est arrivé à Mons pour le tour final. J’étais au bout du rouleau et il m’a jugé sur les trois semaines décisives. Il ne m’a pratiquement pas fait jouer pendant la période de préparation. Je suis rentré pour la deuxième mi-temps du premier match de championnat, à Beveren, puis je n’ai plus quitté l’équipe, même quand les blessés (Kharif, Rivenet) sont revenus. Un des mérites de notre entraîneur est de savoir reconnaître qu’il s’est trompé. Beaucoup d’autres coaches auraient refusé de changer publiquement d’avis.

Quatre mois après votre amorce de mise à l’écart, tout Mons pleure votre blessure.

Cela m’encourage à revenir le plus vite possible. Si j’avais été sur une voie de garage au moment de l’accident, tout aurait été beaucoup plus difficile à gérer. Le scénario idéal serait d’assurer le maintien pour le mois de mars. Il me resterait alors quelques matches pour revenir sans pression dans une équipe libérée.

N’avez-vous pas prouvé, avant votre blessure, que vous aviez eu le tort de vous enterrer en D2?

J’estime que j’ai toujours eu assez de qualités pour la D1 mais ma carrière a été contrariée par un mauvais choix. J’avais été élu Révélation Panini de D2 avec Mouscron. Si j’étais resté là, je serais monté un an plus tard et j’aurais pu faire mes débuts en D1 dans un environnement où je me sentais vraiment bien. Au lieu de cela, j’ai signé à Gand. Il y avait de l’intérêt de sept clubs, dont le Standard et Bruges. Mais je m’estimais trop jeune pour des défis pareils. Je pouvais aussi aller à Alost, mais je devais y remplacer De Bilde. Un an plus tôt, je l’avais devancé dans le référendum Panini. Mais j’ai eu peur de la pression: De Bilde était devenu une légende vivante à Alost et on m’aurait demandé de faire au moins aussi bien. Si c’était à refaire, je tenterais le pari au lieu de m’enterrer à Gand. A cause de mon échec là-bas, beaucoup de portes se sont fermées. Dans l’esprit de nombreux entraîneurs, je restais le gars qui n’avait pas su confirmer en D1 tout le bien qu’on avait dit de lui en D2 avec Mouscron.

Pierre Danvoye

« J’ai joué deux ans à Mouscron avec Besengez et j’attends toujours son appel »

« J’ai mieux gagné ma vie en D2 qu’en D1 »

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