Coupe brésilienne

Si d’aventure les Diables Rouges arrachent leur passe-droit pour le Mondial 2014, la délégation belge et, sans doute, bon nombre de ses supporters, séjourneront dans la plus grande mégalopole d’Amérique du Sud. Coup d’oeil sur place.

Du point de vue logistique, la Coupe du Monde 2014 sera un vrai cauchemar. Le Brésil est en effet un pays gigantesque.  » Je vais plus vite pour faire Paris-New York que Porto Alegre – Manaus « , dit JérômeValcke, le secrétaire général de la FIFA.  » Il est même plus difficile de se déplacer ici qu’en Corée du Sud et au Japon en 2002.  »

Les joueurs vont donc accumuler des miles puisque, au premier tour, chaque équipe jouera dans trois villes différentes. De plus, en juin et en juillet, on enregistre des températures tropicales au nord alors qu’au sud, il peut geler.  » Chaque pas me faisait mal « , racontait SergioRamos après le premier match de l’Espagne, à la récente Coupe des Confédérations, à Fortaleza, dans le nord-est.  » J’avais l’impression d’avoir les pieds en feu « , renchérissait son équipier JordiAlba.

Au cours des deux dernières semaines de cette compétition, le taux d’humidité dans le nord-est (Fortaleza, Recife, Natal, Salvador) était, près d’un jour sur deux, supérieur à 90 %. Sans airco, on transpirait rien qu’en se brossant les dents.

Il sera donc plus important que jamais de bien se préparer.  » Ce tournoi nous a beaucoup appris « , déclarait, après coup, VicenteDelBosque, le coach espagnol.  » Surtout au niveau de l’acclimatation. Maintenant, les joueurs savent ce qui les attend et ils peuvent s’y préparer psychologiquement également.  »

 » Cette Coupe des Confédérations fut une belle occasion de faire connaissance avec les conditions qui nous attendent l’an prochain « , nous confiait le sélectionneur allemand JoachimLöw à l’aéroport de Salvador.  » Je voulais le voir, le sentir par moi-même.  »

FabioCapello (Russie) et LouisVanGaal avaient également profité de la Coupe des Confédérations pour se rendre en visite au Brésil. Bizarrement, MarcWilmots n’y était pas. Il s’y était cependant rendu quelques mois plus tôt et avait modifié tous les plans de son prédécesseur, GeorgesLeekens.

Wilmots penche pour São Paulo…

Celui-ci avait pris une option sur le Tivoli Ecoresort Praia do Forte, au nord de Salvador. Un paradis pour touristes que Wilmots voulait manifestement éviter. Lui, il préfère São Paulo.

São Paulo est la plus grande ville du Brésil et est à Rio de Janeiro ce que New York est à Los Angeles ou ce que Johannesbourg est au Cap. Rio, c’est les vacances. São Paulo, c’est le boulot. Une philosophie que le Taureau de Dongelberg veut transmettre à ses joueurs.

A en croire le journal local FolhadeSãoPaulo, dix-sept fédérations ont visité la région en vue de s’y installer pendant la Coupe du Monde. Les Belges auraient vu neuf endroits (Aguas de Lindoia, Atibaia, Barueri, Guaruja, Itu, Mogi des Cruzes, Porto Feliz, Ribeirão Preto et Santos) mais auraient choisi un endroit à 80 km au nord de la mégalopole, pas loin de l’aéroport de Campinas et, surtout, du centre d’entraînement de Corinthians, à la Rodovia Ayrton Senna.

Le CentrodeExcelencia eTreinamentodeFutebolDrJoaquimGrava est l’endroit rêvé pour un entraîneur. Situé à côté du Parque Ecologico Tiemé, il est totalement fermé et dispose de toutes les commodités. De plus, l’aéroport international de Guarulhos est tout près.  » Ce serait un honneur pour nous d’accueillir une des équipes participantes au Mondial et de pouvoir montrer notre professionnalisme « , dit EduGaspar, le directeur du centre d’entraînement.

Edu, on le connaît bien en Europe puisqu’il y a joué neuf ans. Venu de Corinthians, il a porté les maillots d’Arsenal et de Valence.  » Plusieurs pays sont déjà venus ici « , dit-il.  » La Chine, les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne. Je n’ai pas vu de Belges mais peut-être sont-ils venus à un moment où j’étais absent.  »

A São Paulo, les Belges pourraient très vite se sentir chez eux. Car en juillet, le temps y est très… belge : beaucoup de pluie et des températures avoisinant les 15 degrés. A cette époque de l’année, il est très rare qu’il y ait plus de 20 degrés. Ce n’est pas spécialement agréable mais la fraîcheur ne fut-elle pas une des raisons du succès des Belges au Mondial mexicain ?

 » Non « , répond MichelD’Hooghe à la terrasse du Copacabana Palace.  » Ce qui a fait la différence, c’est l’altitude. Toluca était le point culminant de cette Coupe du Monde. Nous n’avions pas le choix : nous devions y rester car nous disputions deux matches à plus de 2.600 mètres.  »

mais D’Hooghe préfère Rio !

 » Lorsque l’altitude ne joue aucun rôle, comme c’est le cas ici, il faut rester près de la mer « , ajoute le président de la commission médicale de la FIFA.  » Parce que c’est là qu’il y a le plus d’air. Souvenez-vous qu’en 1982, en Espagne, nous avions effectué une balade en bateau avant le match décisif contre la Hongrie.  »

Pour D’Hooghe, l’idéal serait donc de séjourner à Rio de Janeiro, où les températures en juin et en juillet sont agréables (25 à 30 degrés). L’Espagne a d’ailleurs opté pour cette ville tandis que les Hollandais ont choisi le Cesar Park d’Ipanema Beach, où les filles sont tall, tan, youngandlovely (grandes, bronzées, jeunes et gentilles). Après sept visites au Brésil, les Anglais ont également réservé un hôtel à Copacabana.

 » En Afrique du Sud, les joueurs étaient enfermés dans un paradis coupé du reste du monde « , dit RoyHodgson qui, début juillet, disputa un match amical au Maracanã avec l’équipe d’Angleterre. C’était la prison. Luxueuse, certes, mais une prison tout de même. Les équipes qui ont obtenu le meilleur résultat logeaient dans le centre de Johannesbourg et sentaient battre le coeur du Mondial. Un joueur doit être concerné par l’événement.  »

Pour les supporters, la Coupe du Monde au Brésil sera une entreprise bien plus ardue encore. Les fans aiment séjourner près de leur équipe mais si les Diables Rouges optent pour São Paulo, ce n’est pas totalement à conseiller. Et pas seulement à cause du climat.

São Paulo est peut-être un bon point de chute pour qui veut rayonner mais c’est la ville la moins touristique de la Coupe du Monde et une des plus chères au monde. Ce n’est pas vraiment l’endroit rêvé pour un citytrip et elle est incomparable avec Rio. La plupart des gens qui viennent ici sont des hommes d’affaires. Pour un bon hôtel, il faut compter facilement 200 € par nuit. Les supporters peuvent donc commencer à épargner.

 » Le coût de la vie a fortement augmenté dans ce pays « , dit JérômeValcke qui, depuis des années, se rend au Brésil toutes les cinq semaines.  » C’est quelque chose dont il faut tenir compte. Les supporters doivent aussi savoir que, pendant la Coupe du Monde, ce sera l’automne au Brésil, pas l’été. Il est exclu de dormir sur la plage de Copacabana, il y fait trop froid. Et dans les Etats du sud, on peut atteindre des températures proches du zéro la nuit.  »

 » Je demande aux médias d’avertir tous ceux qui veulent venir ici l’été prochain qu’ils doivent bien préparer leur voyage. Tant le vol transatlantique que les déplacements dans le pays. Ils ne doivent surtout pas penser qu’ils trouveront toujours une solution sur place. Nous organiserons des transports publics des centres-villes aux stade et retour mais le reste, ils devront le faire eux-mêmes et le plus tôt sera le mieux.  »

L’avion, seule option

Au Brésil, l’avion est la seule option mais pendant la Coupe des Confédérations, le trafic aérien était déjà surchargé. Et l’an prochain, on attend un demi-million d’étrangers.  » Deux jours après la finale, nous avons organisé un debriefing et nous avons fait clairement comprendre aux Brésiliens qu’il faudrait davantage d’avions, surtout des vols directs de et vers Rio car c’est là que la plupart des journalistes séjourneront. Nous ne voulons pas connaître la même situation qu’à l’Euro 2012. L’Ukraine, c’était l’enfer pour la presse.  »

Trouver un hôtel peut également s’avérer problématique. Selon la BrazilianAssociationofHotelIndustries il y en a trop peu à Recife et à Rio.  » Globalement, il y a suffisamment de chambres mais dans certaines villes, c’est plus problématique « , dit Valcke.  » Et les chambres d’hôtel sont chères. Nous avons demandé au gouvernement de contrôler les prix.  »

Pendant la conférence sur l’environnement Rio 20+, le gouvernement était intervenu parce que des hôtels trois étoiles (ce qui correspond à deux maximum chez nous) réclamaient 700 € par nuit. Actuellement, 37 hôtels sont en construction dans la ville du Corcovado et du Pain de Sucre mais beaucoup d’entre eux ne seront… pas prêts à temps.

Heureusement, 6.000 chambres supplémentaires ont été aménagées dans plusieurs des innombrables « lovemotels« . Elles ne seront dès lors plus louées à l’heure mais pour une nuit entière.

Même ceux qui auront tout prévu ne doivent cependant pas s’attendre à un voyage sans histoire. La langue constitue un problème important. On ne parle anglais que dans les grands hôtels et les restaurants chics. Même en se débrouillant en espagnol, on ne va pas bien loin. Il faut donc connaître un minimum de portugais pour pouvoir s’expliquer avec le chauffeur de taxi.

La dictature militaire déconseillait aux habitants d’apprendre une langue étrangère. Elle est également responsable de l’énorme bureaucratie qui règne dans le pays. Partout, il faut des documents et des cachets. Le Brésil est également un pays compliqué, avec un gouvernement fédéral, des Etats qui se font concurrence et des communes. On dirait la Belgique !

Et puis, il y a la sécurité.  » Il faut être très prudent « , nous disent les diplomates belges en poste à São Paulo.  » Eviter certains quartiers et ne pas montrer de signes extérieurs de richesse. Si on se fait attaquer, il n’y a qu’une chose affaire : rester calme et donner tout ce qu’on a car la plupart des agresseurs sont drogués.  »

On dit que São Paulo est un peu plus sûr que Rio et surtout que le nord-est mais, en 2012, 90 agents de police y ont été tués. La Coupe du Monde 2014, ce sera toute une aventure.

PAR FRANÇOIS COLIN

Le Brésil est un pays compliqué. Avec un gouvernement fédéral et de nombreux Etats qui se font concurrence. On dirait la Belgique.

A São Paulo, les Belges se sentiraient à coup sûr chez eux : beaucoup de pluie et une température de l’ordre de 15 degrés au mois de juillet.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire